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ANALYSE

Les bourgeoisies mondiales enrôlent de force la chair à canon pour mener leurs guerres

Signe des temps belliqueux, sans circonspection, la conscription revient au pas de charge dans plusieurs pays en voie de fascisation. Qui dit fascisme dit guerre. Qui dit guerre, dit mobilisation. Qui dit mobilisation, dit conscription.

Par Khider Mesloub

Signe des temps belliqueux, sans circonspection, la conscription revient au pas de charge dans plusieurs pays en voie de fascisation. Qui dit fascisme dit guerre. Qui dit guerre, dit mobilisation. Qui dit mobilisation, dit conscription.

Pour rappel, la conscription ou le service militaire obligatoire est l’ordre donné par un État d’une partie de sa population afin de servir ses forces armées. 

Dans un contexte international marqué par le militarisme et l’économie de guerre, l’intensification des conflits à l’échelle mondiale, toutes les puissances impérialistes sont en train de se réarmer jusqu’aux dents, de garnir puissamment leurs effectifs militaires. Toute l’Europe est en voie de militarisation. De mobilisation générale. 

À la faveur du retour en force de la guerre généralisée, notamment en Europe, matérialisée par la subordination totale de l’économie et de la production aux impératifs militaires, le rétablissement du service militaire obligatoire refait surface dans plusieurs États européens. Le débat réapparaît à la surface car les armées européennes professionnelles sont confrontées à une baisse de leurs effectifs du fait de démissions et de difficultés de recrutement. 

Notamment en Allemagne et en France où en en 2023, les effectifs de la Bundeswehr ont diminué de 1 537 soldats en 2023 par rapport à 2022, passant à 181 514. Le nombre de postes vacants parmi les officiers allemands — de 15,8 % en 2022 — est passé à 17,6 %. 

En France, la tendance est similaire, avec un déficit de recrutement d’environ 2 000 soldats en 2023 par rapport à l’objectif fixé de 16 000 recrues. Pour pallier le manque d’effectifs militaires le gouvernement Macron a décidé de doubler le nombre de réservistes. Ce mercredi 17 avril, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a appelé les entreprises et les collectivités au « patriotisme du capitalisme français » pour permettre à leurs salariés de devenir réservistes dans l’armée. Autrement dit, la bourgeoisie française demande aux entreprises de mettre à la disposition de l’armée des salariés comme réservistes, c’est-à-dire comme chair à canon. Dès 2022, Macron annonçait sa volonté de doubler le nombre de réservistes. Objectif 80.000 à l’horizon 2030, contre 41.000 à l’heure actuelle.

Pour faire face aux difficultés de recrutement, de nombreux pays européens envisagent ainsi de rétablir le service militaire obligatoire ou de procéder à l’extension de la conscription. 

Cependant, cette solution expéditive ne fait pas l’unanimité parmi la population massivement réfractaire à tout enrôlement militaire, en particulier la jeunesse, principale concernée, radicalement hostile à toute conscription.  Enfin, sa faisabilité logistique tout comme son financement demeurent questionnés. 

En Europe, aussi soudaine qu’inattendue, la conscription obligatoire revient brutalement à l’horizon des objectifs de la plupart des bourgeoisies européennes en voie de radicalisation belliciste. 

Tous les Etats européens s’apprêtent à réintroduire ou à élargir la conscription militaire obligatoire. 

Il en est ainsi du gouvernement danois qui a présenté un projet de loi visant à étendre la conscription aux femmes dans l’espoir d’augmenter ses effectifs annuels de plusieurs milliers de conscrits, et à allonger la durée du service de 4 à 11 mois.

La Lituanie a voté également une réforme visant à augmenter progressivement le nombre de conscrits.  

Pour sa part, la Pologne s’est fixée pour objectif d’augmenter ses effectifs à 300 000 soldats d’ici 2030, contre 202 100 aujourd’hui – devenant ainsi de loin la première armée européenne. Le gouvernement polonais a même opté pour un service volontaire rémunéré. Pour séduire et attirer de nouvelles recrues, le « salaire militaire » a été fixé à 6 000 zlotys, soit 1 392 euros5, au-dessus du « salaire civil » minimum passé à 4 942 zlotys (980 euros) en janvier 2024.

En Ukraine, pays en guerre contre la Russie depuis deux ans, malgré la mobilisation générale lancée dès fin février 2022, le boucher Zelensky ne cesse d’élargir la conscription à des populations jusque-là exemptées. Selon plusieurs sources, 400 000 Ukrainiens auraient été massacrés dans la guerre par procuration impérialiste contre la Russie. Aussi, en décembre dernier, pour regarnir les rangs de l’armée épuisée et décimée, Zelensky avait annoncé le recrutement de 500 000 nouveaux conscrits en 2024. Comme annoncé, le 11 avril 2024, le parlement ukrainien (Rada) a adopté une nouvelle loi visant à étendre la conscription dans l’armée. Dans le même temps, début avril le néo-fasciste Zelensky a signé une loi sur la conscription qui prévoit notamment d’abaisser l’âge des conscrits de 27 à 25 ans. Par cet abaissement de l’âge le pouvoir néo-fasciste ukrainien escompte enrôler 500 000 nouvelles recrues. 

Pour rappel, la loi martiale interdit aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le pays. Malgré la sévérité de la peine encourue, les cas de désertion sont fréquents. Des Ukrainiens désertent le pays pour éviter de servir dans l’armée. Dernièrement, l’Ukraine a annoncé l’arrestation en Moldavie de passeurs aidant des Ukrainiens, appelés sous les drapeaux, à fuir leur pays. Dans l’ensemble du pays, les procès pour désobéissance à l’armée se multiplient et les peines ont été alourdies.

Pour combler les pertes dans les rangs de l’armée ukrainienne, pallier le manque de recrues induit notamment par les désertions, le gouvernement néo-fasciste, en quête de chair à canon fraîche, va mobiliser également ses détenus. Pire, le régime fasciste envisage la conscription des femmes. 

En effet, le régime néo-fasciste de Zelensky pourrait faire entrer en vigueur la conscription féminine. Oksana Hryhorieva, conseillère en genre auprès du commandant des forces terrestres, évoque la mise en place d’un système proche de celui de l’armée israélienne. Pour le régime fasciste ukrainien, Israël constitue un modèle politique, une référence militaire, un exemple à suivre. « Notre Constitution stipule que le devoir de chaque Ukrainien est de défendre son pays, il est donc juste que les femmes servent également. […] Tout comme Israël, nous devons être prêts pour cela, et cela signifie que nous devons former des hommes et des femmes à être prêts pour la guerre », a-t-elle déclaré dans le journal britannique The Times. 

Pour rappel, en Israël, les femmes sont massivement présentes dans l’armée depuis les premières années de Tsahal. La loi sur le service de défense de 1949 a rendu le service militaire obligatoire pour elles aussi. Elles représentent jusqu’à 40 % de l’effectif total de l’armée. Donc, pour le régime néo-fasciste, le pouvoir militariste israélien représente un exemple à suivre.

Enfin, le régime néo-fasciste ukrainien a tellement besoin de recruter la chair à canon fraîche qu’il encourage les Ukrainiens de l’étranger à rentrer « combattre pour leur pays ». Tout comme le gouvernement fasciste israélien exhorte les binationaux établis en Europe ou aux États-Unis à rentrer en Israël pour s’enrôler dans l’armée afin de poursuivre sa guerre exterminatrice contre les Palestiniens.

Israël, ce pays colonial menant actuellement une guerre génocidaire contre le peuple palestinien, est également confronté au manque de recrues. Le gouvernement fasciste de Netanyahou s’active pour recruter urgemment la chair à canon fraîche. Y compris parmi une couche de la population israélienne depuis la création de l’entité sioniste exemptée du service militaire obligatoire, les ultra-orthodoxes (haredim en hébreu).

Autrement dit, avec la militarisation de toute la société israélienne, la poursuite jusqu’au-boutiste de la guerre totale génocidaire menée par Tsahal, l’épuisement des forces armées, le régime fasciste est acculé à racler les fonds de « tiroir démographique » de la population pour se fournir en chair à canon fraiche. Ainsi, signe de la fascisation du régime israélien, y compris des religieux, les « haredim » (littéralement « craignant Dieu »), exemptés de service militaire depuis la création de l’État d’Israël en 1948, car ils  consacrent leur vie exclusivement à Dieu  et à l’étude des textes sacrés dans les yeshivahs (centres d’étude de la Torah), seront enrôlés de force. Presque 70.000 hommes âgés entre 18 et 26 ans devront théoriquement endosser l’uniforme militaire. 

En tout cas, les rabbins ultra-orthodoxes refusent que leurs ouailles quittent leur communauté religieuse pour endosser l’uniforme au côté de laïcs. Pour sa part, le grand rabbin séfarade israélien Yitzhak Yosef a menacé de quitter massivement Israël si l’enrôlement militaire obligatoire était imposé. « Si vous les forcez (les jeunes) à aller dans l’armée, nous partirons tous à l’étranger », a averti Yosef.

Du point de vue religieux judaïque, il s’agit là d’un sacrilège, d’une hérésie. Mais le régime fasciste israélien n’a cure de la « Loi juive », de la Thora. S’il y’avait des doutes sur l’essence antisémite du sionisme, aujourd’hui ils sont balayés. C’est ce que du reste avait pressenti Noam Chomsky en déclarant : « L’existence même d’Israël est dans son essence antisémite ». Pour sa part, le rabbin antisioniste Yaakov Shapiro considère que « le projet sioniste brûle métaphoriquement les juifs comme carburant ». Autrement dit, le sionisme conduit les juifs vers la mort. L’extinction. Y compris les juifs religieux, dont la vocation n’est pas de faire la guerre mais de se consacrer l’étude de la Thora, sont condamnés à mourir sous l’uniforme. Ils sont sacrifiés par le sionisme militariste et génocidaire. 

Au pays du tsar Poutine, la Russie, le régime oligarchique est prêt, lui, à sacrifier la vie de toutes les forces vives de la nation pour continuer à combattre l’Ukraine. Pour maintenir un effort de guerre total prolongé, Poutine a décrété l’augmentation des effectifs en repoussant notamment l’âge de la conscription, passé de 27 à 30 ans. Cette mesure tyrannique de recrutement vient confirmer, si besoin est, les efforts désespérés déployés par le régime poutinien pour remplacer les lourdes pertes subies lors des combats intenses sur les lignes de front et pour renforcer ses effectifs à l’arrière.

Pour rappel, le régime de Poutine a mené une première vague de « mobilisation partielle » en 2022. Il a également tenté de mobiliser les prisonniers des colonies pénitentiaires avec la promesse de libération conditionnelle.

La formation de base des nouvelles recrues russes, comme celle du reste des jeunes ukrainiens enrôlés dans l’armée, est tellement rudimentaire qu’une partie meure au cours de leurs premiers jours sur les lignes de front. De fait, les deux régimes en conflit, russe et ukrainien, ne font qu’organiser des « boucheries » et transformer leurs respectifs compatriotes en chair à canon.

La Birmanie n’est pas en reste. Actuellement, la junte est confrontée à une rébellion armée généralisée, déclenchée après le coup d’État de février 2021. Pour faire face, la junte birmane a décrété récemment une loi imposant aux hommes de 18 à 35 ans et aux femmes de 18 à 27 ans de servir dans l’armée au moins deux ans, pour réprimer la résistance armée à son coup d’État de 2021. Autrement dit, la levée de chair à canon birmane est décrétée, non pas pour combattre un ennemi extérieur mais pour réprimer une rébellion intérieure. La junte militaire se sert des nouvelles recrues comme milices pour mater ses opposants. 

Conséquence : l’impopulaire conscription obligatoire a acculé des milliers de jeunes réfractaires à l’exode, en direction de la Thaïlande, de la Chine ou de l’Inde. En effet, pour échapper à la conscription, refusant de combattre leurs compatriotes, beaucoup de jeunes préfèrent fuir à l’étranger plutôt que d’endosser « l’uniforme de la junte ». D’autres rejoignent la « résistance », les groupes rebelles.

Du reste, pour contrer la campagne de recrutement, des groupes « résistants » ont mis en garde les fonctionnaires organisant cette opération de « levée de chair à canon ». Selon plusieurs sources, une vague d’assassinats et d’arrestations » des recruteurs affecte la Birmanie.

Dans cette conjoncture caractérisée par l’hyperinflation, la hausse des impôts, orchestrées par les capitalistes et leur État, les bourgeoisies mondiales sont déterminées à imposer aux hommes et femmes valides un nouvel impôt : l’impôt du sang. Pour perpétuer leur système d’exploitation et d’oppression, elles sont prêtes à décimer des dizaines de millions de prolétaires enrôlés de force comme chair à canon. 

Le prolétariat mondial doit refuser de se laisser mener à l’abattoir. Pour cela, il doit transformer la guerre impérialiste généralisée en préparation en guerre sociale contre les gouvernants, les puissants, ces fauteurs de guerre. 

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