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Les enjeux cachés du génocide de Gaza   

Par Houria Ait Kaci

Depuis deux mois et demi, des milliers de palestiniens, parmi les civils, surtout des femmes et des enfants sont tués, massacrés chaque jour à Gaza par des bombardements de l’armée israélienne dans le but évident d’exterminer la population et raser cette ville palestinienne. Au-delà des soubassements religieux et ethniques du conflit israélo –palestinien qui  a connu plusieurs guerres, le génocide en cours cache en réalité, des enjeux de Pouvoir et des intérêts dominants aux Etats Unis et en Israël, surtout dans les domaines de l’armement et de l’énergie.                                                              

Une aubaine pour le complexe militaro-industriel   

La course aux armements engagée par le complexe militaro –industriel et financier américain et israélien dans les projets d’exploitation des gisements pétroliers et gaziers de la bande maritime de Gaza ainsi que la réalisation de corridors et de voies maritimes en dans la région font partie de ces enjeux. Gaza occupe une position géo stratégique en Méditerranée orientale, région où se déroulent les luttes pour l’avènement d’un nouvel ordre multipolaire. 

Après la guerre en Ukraine qui a épuisé une grande partie de l’arsenal militaire américain,  la guerre à Gaza est une aubaine pour le complexe militaro-industriel  pour augmenter sa production, dans le contexte d’une économie touchée de plein fouet par la crise du système capitaliste occidental en déclin et l’annonce de la fin de l’hégémonie US qui s’exerce sur le monde depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et la chute de l’URSS en 1991. 

En effet, les ventes des entreprises d’armes américaines ont chuté, malgré les conflits internationaux, dont le dernier en date en Ukraine. Selon l’Institut de recherche pour la paix de Stockholm (SIPRI), le chiffre d’affaires des fabricants américains de chars, de missiles et d’obus n’a pas augmenté et n’a même pas retrouvé son niveau d’avant-Covid. Les bénéfices des entreprises américaines ont chuté de 7,9% et l’industrie de la défense américaine est toujours en crise. 

Relancer la machine de guerre américaine en augmentant la vente d’armes vers Israël ? Comment cela pourrait –il se faire alors que les Etats Unis ont été incapables de fournir tous les armements promis à Kiev et que le Président Joe Biden n’a pas réussi à convaincre le Congrès d’allouer près de 100 milliards de dollars supplémentaires à l’aide militaire à Kiev ? 

Cependant les USA ont décidé d’augmenter la fourniture d’armes à Netanyahou dans la guerre contre Gaza. La Chambre des représentants américaine a approuvé un programme d’aide à Israël  d’une valeur de 14,3 milliards contre 3,8 milliards de dollars d’aide militaire annuelle, ce qui représente le montant le plus important fourni  à un pays, à l’exception de l’Ukraine.

Source :  https://reseauinternational.net/la-cause-de-toutes-les-guerres-est-lindustrie-de-la-defense-des-etats-unis/

L’administration américaine a eu recours à « une autorité de crise », c’est à dire sans examen par le Congrès,  afin d’autoriser la vente d’environ 14 000 obus de chars à Israël,–, d’une valeur de 106,5 millions de dollars, livrables immédiatement, selon un communiqué du Pentagone cité par l’Agence Reuters.  Les obus font partie d’une vente plus importante que Biden demande au Congrès américain d’approuver et qui représente une vente pour plus de 500 millions de dollars, comprenant 45 000 obus destinés aux chars israéliens Merkaval, déployés dans le génocide opéré à Gaza. La vente se fera à partir des stocks de l’armée américaine. Pour le secrétaire d’État Antony Blinken cette livraison est  « dans l’intérêt de la sécurité nationale des États-Unis ».

Par ailleurs, selon CNN, les États-Unis ont fourni à Tel Aviv, depuis le 7 octobre, quelques 3 000 missiles JDAM qui ont été utilisées à Gaza. Les bombes JDAM de fabrication américaine,  guidées par satellite, peuvent percer des fortifications, grâce à leur charge de 286 kilogrammes d’explosifs.  D’autres armes comme les bombes au phosphore  blanc et d’autres armes chimiques interdites ont été utilisées dans le carnage en cours à Gaza. 

Mais les armes utilisées à Gaza sont  également de fabrication  israélienne et Tel Aviv est devenu ces dernières années un grand exportateur d’armes au niveau mondial avec l’aide des Etats Unis. La société Elbit Système fabrique des armes aux technologies avancées, comme les drones tueurs. Elle a annoncé fin Octobre son projet de construire une usine de fabrication de munitions d’armes au Maroc où elle a obtenu un contrat de 150 millions de dollars pour la fourniture de lance-roquettes multiples et de missiles à longue portée PULS.                                                                                                                                                                   Cette entreprise fabrique aussi les logiciels d’espionnage comme Pegasus qui a fait couler beaucoup d’encre et qui été utilisé par plusieurs pays dont le Maroc pour surveiller ses opposants, ses voisins algériens et les soutiens du Front Polisario en Europe et bien d’autres encore. 

Voir à ce sujet : https://www.aps.dz/monde/125894-l-affaire-pegasus-risque-d-envenimer-davantage-les-relations-entre-alger-et-rabat

Elbit Systems qui fournit au ministère israélien de la Défense environ 85% de ses drones, ainsi que des munitions, est basée à Londres et a vu ses bénéfices en forte hausse après l’utilisation de ses équipements dans la guerre contre la Bande de Gaza en 2014. C’est elle qui livre la majorité du matériel de défense et de surveillance de la muraille de fer qui encercle Gaza. Cette expertise « en matière de murs, de surveillance électronique, de munitions et d’espionnage électronique » lui a valu un contrat de 145 millions de dollars avec les Etats Unis pour installer des tourelles de surveillances à la frontière mexicaine et avec l’Union européenne pour équiper l’agence Frontex, chargée de la répression des migrants africains.

La Palestine occupée est ainsi devenue un laboratoire pour l’exportation des technologies répressives, comme les drones ou les logiciels d’espionnage comme Pegasus. « Les drones israéliens, la technologie de surveillance, y compris les logiciels espions, les logiciels de reconnaissance faciale et l’infrastructure de collecte biométrique, ainsi que les clôtures intelligentes, les bombes expérimentales et les mitrailleuses contrôlées par l’intelligence artificielle sont tous testés sur la population captive de Gaza, souvent avec des résultats mortels. Ces armes et technologies sont ensuite certifiées “testées au combat” et vendues dans le monde entier » écrit le journaliste et auteur  Antony Loewenstein.

Source : https://www.mondialisation.ca/les-armes-testees-par-israel-sur-les-palestiniens-seront-utilisees-contre-nous-tous/5684216?doing_wp_cron=1703063139.3322970867156982421875

Elbit est actuellement dans le collimateur des organisations humanitaires et syndicales telle « Palestine Action US », qui a lancé une campagne pour l’arrêt du génocide israélien en Palestine et la fermeture des entreprises d’armement d’Elbit aux États-Unis qui alimentent ce génocide.  Au royaume Uni, des syndicalistes anglais ont bloqué, avec plusieurs dizaines de travailleurs, les accès d’une usine de ce fabriquant d’armes, en soutien à l’appel des syndicats palestiniens à « stopper toute complicité avec Israël ». 

Les gisements de gaz de Gaza et le corridor économique Inde- Moyen-Orient – Europe 

Les multinationales du pétrole qui ont fait d’Israël un poste avancé au Moyen Orient, pour la préservation des intérêts anglo-saxons en ressources énergétique veulent maintenant faire main basse sur les importants gisements offshore de gaz et de pétrole découverts ces dernières années sur le littoral de Gaza. L’entité sioniste veut exploiter seule ces gisements à son profit et celui du complexe militaro-financier mondial, en écartant les Palestiniens qui sont pourtant les propriétaires légitimes de ces gisements qui se trouvent sur le littoral de la bande de Gaza.  Les Palestiniens ne peuvent ni pêcher ni extraire leur gaz. Gaza, est empêchée d’explorer ses propres gisements de gaz en raison d’un blocus naval israélien imposé depuis 2007.Un important champ gazier a été découvert également en 2010, le Léviathan, situé dans le bassin du Levant, au large de la Palestine, du Liban et de la Syrie. 

Voulant profiter des sanctions occidentales contre le gaz russe, Israël s’est  soudainement proposé comme alternative au gaz russe, en signant un accord avec l’Union européenne, en juin 2022. La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a déclaré : “Pour nous libérer de notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes, nous étudions par exemple actuellement les moyens d’intensifier notre coopération énergétique avec Israël […] un gazoduc et un pipeline d’hydrogène propre en Méditerranée orientale.”

Voir plus : https://www.mondialisation.ca/les-enjeux-caches-de-la-guerre-contre-gaza/5683891?doing_wp_cron=1701819759.1836900711059570312500

Voir à ce sujet : 

https://algerie54.dz/2023/10/18/agression-sioniste-contre-ghaza-2/

https://investigaction.net/la-diplomatie-de-lenergie-au-coeur-dun-genocide/

Il faut savoir que deux semaines avant l’opération « Déluge d’Alsa » le 7 octobre, Netanyahou s’est rendu à l’Assemblée générale des Nations unies où il a exhibé une carte sans la Palestine, en annonçant son plan pour un “Nouveau Moyen-Orient”. Cette nouvelle version du vieux projet américano-sioniste, appelé Grand moyen orient  (GMO), prévoyant le découpage des pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord, en petites entités -facilement colonisables- et contrôlables pour ne pas représenter une « menace » pour la sécurité d’Israël. 

Il faut noter que peu de temps avant cette annonce par Netanyahu, l’Iran et l’Irak ont signé un accord sur les chemins de fer alors que le Président syrien,  Hafed Al-Assad, s’est rendu en Chine pour signer un accord de partenariat stratégique avec la première économie mondiale. La Nouvelle route de la Soie obtenait ainsi un accès à la mer Méditerranée par le port syrien de Lattaquié. 

Source : https://strategika.fr/2023/11/15/israel-gaza-une-nouvelle-guerre-le-long-des-routes-de-la-soie/

Il faut savoir aussi qu’en marge des travaux du dernier G20 tenu en Inde les 9 et 10 septembre dernier, huit États et organisations internationales ont signé un mémorandum pour la création du futur corridor  Inde – Moyen-Orient – Europe  (IMEC) avec comme objectif de stimuler les relations économiques entre ces trois régions euro-asiatiques.                                                                                Dans un discours prononcé devant les dirigeants du G20, le Président américain Joe Biden a qualifié « d’historique » le corridor IMEC, qui comprend des investissements dans les navires et les chemins de fer, et relie l’Inde à certaines parties de l’Europe, via les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Jordanie et Israël.                                                                                                                                               Source : https://www.aa.com.tr/fr/monde/biden-qualifie-dhistorique-le-corridor-économique-entre-l-inde-le-moyen-orient-et-l-europe-/2987848

Plusieurs observateurs n’ont pas manqué de relever que ce Corridor ( IMEC) cherche à contrecarrer   « La route de la soie » (BRI) initiée par la Chine et le projet du nouveau Corridor de transport international Nord-Sud (CTINS) entre la Russie, l’Iran et l’Inde. Les États-Unis et leur principal allié, Israël, cherchent à saboter ces initiatives pour empêcher les BRICS de mettre fin à la domination économique et financière du bloc occidental et de créer un nouvel ordre multipolaire. 

Mais l’échec de la guerre hybride contre la Russie par Ukraine interposée avec les sanctions contre le gaz russe, les menaces contre la Chine par Taiwan interposée, et les sanctions contre le gaz iranien, n’ont pas empêché ces puissances émergentes de renforcer leur coopération économique. Plusieurs projets reliant ces pays ont vu le jour,  comme le CTINS, qui va relier le Nord-ouest de la Russie au golfe Persique via la mer Caspienne et l’Iran. 

Ce corridor logistique de transport dans cette région stratégique de l’Eurasie,  ouvre une voie alternative au transport maritime habituel des marchandises de l’Asie vers l’Europe qu’offrait le canal de Suez. Ce projet d’intégration comprend  un réseau de voies maritimes, ferroviaires et routières reliant l’Inde, l’Afghanistan, l’Asie centrale, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Russie jusqu’à la Finlande dans la mer Baltique.    

Les corridors de transport  terrestre et de commerce maritime sont aujourd’hui une des principales cibles de la guerre menée par l’OTAN pour empêcher les connexions à la BRI et au CTINS, après  avoir saboté les gazoducs Nord Stream  pour bloquer l’acheminement du gaz russe vers l’Europe, tout comme la poursuite des sanctions contre le pétrole et le gaz d’Iran, bien que ce pays ait respecté l’Accord sur le nucléaire. 

Source : https://reseauinternational.net/saint-petersbourg-prepare-le-terrain-pour-la-guerre-des-couloirs-economiques/

 Le projet du canal  Ben Gourian déterré 

Dans cette lutte pour le contrôle des voies de commerce mondial, l’entité sioniste a également tiré des oubliettes, un projet datant de l’année 1963, celui du « canal Ben Gourion », pour concurrencer le Canal de Suez en Egypte.  Situé dans une zone géostratégique qui lui  permet d’assurer le transit de l’essentiel des marchandises dans cette région du Moyen Orient et reliant la Méditerranée et la mer Rouge et l’Europe vers l’Asie, le canal de Suez représente aujourd’hui, 12 % du commerce mondial et 30 % du trafic mondial de conteneurs.

Israël et les États-Unis projettent de construire le Canal Ben Gourian depuis des décennies pour détrôner le canal de Suez, qui a déjà fait l’objet d’une guerre en 1956, par Israël, la Grande-Bretagne et la France qui ont attaqué l’Égypte pour avoir osé nationaliser le canal de Suez sur son propre territoire !                                                                                                                                                            Quelques années après cette nationalisation menée par le régime nationaliste de Nasser , un document déclassifié aux Etats Unis, a révélé que les Américains ont élaboré un plan secret en 1963 pour faire exploser 520 bombes nucléaires dans le désert d’al-Naqab afin de dégager un passage pour le “canal de Ben Gourion”( du nom du Premier ministre sioniste qui a proclame la naissance de l’Etat juif en Palestine, en 1948).

Israël et les États-Unis projettent donc depuis longtemps de construire le “canal Ben Gourion, qui prendrait naissance à Eilat, ville portuaire dans le Sud de la Palestine,  au bord de la mer Rouge, pour aboutir directement à Gaza. Ce projet est soutenu par les dirigeants occidentaux, ce qui explique leur refus d’appeler à un cessez-le-feu pour stopper le génocide à Gaza.

C’est ce qui explique les tueries en masse à Gaza pour pousser ses habitants à partir et à s’exiler dans le Sinaï. Les sionistes veulent s’emparer de Gaza pour s’y installer et éliminer tous les Palestiniens et la Résistance. Des pressions sont également exercées sur le président égyptien pour accepter ce plan de déplacement des Palestiniens de Gaza dans le désert du Sinaï, en contrepartie de compensations financières. « Israël paierait, les États-Unis effaceraient la dette nationale de l’Égypte » et ils pourront ainsi contrôler la voie maritime la plus importante dans cette région stratégique du Proche Orient. 

Source :  https://www.mondialisation.ca/israel-detruit-gaza-pour-controler-la-plus-importante-voie-maritime-du-monde/5683897?doing_wp_cron=1701776648.8352389335632324218750

Mais la poursuite de la Résistance palestinienne, la résilience des habitants de Gaza  et le rejet du génocide à Gaza par les peuples et l’opinion mondiale, -y’compris des juifs anti -sionistes- ont fait échouer jusque là ce projet génocidaire soutenu par les puissances impérialo- sionistes et l’oligarchie financière mondiale.  Après avoir abusé du narratif sur « l’holocauste hitlérien », « l’antisémitisme » pour faire terre et même criminaliser toute critique et attaque contre « l’Etat juif d’Israël », aujourd’hui, le narratif sur Hamas, qualifiée d’organisation terroriste commence à ne plus prendre.  Comment justifier que les tueries de masse parmi les civils désarmés, les femmes, les enfants, les bébés, les tortures, les enfouissements de personnes vivantes sous les décombres, la destruction des écoles, des hôpitaux, des sites de médias, des lieux de culte, sont menés pour « liquider » le Hamas? 

Mais tout le monde a fini par comprendre que le narratif sur Hamas  sert en réalité à camoufler le carnage des civils, surtout des enfants et des femmes qui seraient tous des militants du Hamas, même les bébés! Mais cela ne prend plus et l’on s’aperçoit que cette propagande sert à cacher le véritable plan sioniste de réduire la population palestinienne, de la priver du minimum vital pour l’exterminer.    

Si Hamas est une organisation terroriste, que dire alors de l’armée israélienne qui pratique un terrorisme d’Etat contre des civils désarmés, les travailleurs des médias et les professionnels de  la santé, même ceux de l’ONU et de l’OMS. Mais pourquoi donc Tsahal ne dirige pas ses attaques contre le Hamas au lieu de cibler les civils désarmés ?  Comment expliquer les lourdes pertes infligées par Hamas et les autres mouvements de la Résistance palestinienne à cette armée que l’on disait invincible et dont les soldats fuient devant les soldats de la Résistance en disant qu’ils ne peuvent se battre devant des résistants qui n’ont pas peur de mourir ?

Les mots ne suffisent plus aujourd’hui pour qualifier les crimes de masse, les crimes contre l’Humanité  commis à Gaza. Ces cris d’enfants blessés, agonisants, ces bébés étouffés dans leurs couveuses, nous interpellent tous. Tout être humain doué d’une conscience ne peut supporter ces tortures et ne peut que soutenir ces palestiniens qui résistent dignement, courageusement en t conservant leur humanité. On ne peut que leur rendre hommage. Tous ceux qui ont gardé leur humanité et leur sens de la justice ne peuvent qu’exiger de traduire devant les tribunaux les auteurs de ces pogroms et tout de suite imposer un cessez –le feu pour l’acheminement des aides urgentes aux habitants de Gaza privés d’eau, de nourriture et d’hôpitaux. 

 

 

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