Mohamed Belhoucine*
Avec le changement climatique, la démographie, ainsi que l’urbanisation rapide en Algérie, les réseaux de distribution d’eau potable ont du mal à tenir la cadence.
Dans les failles créées par ces systèmes d’eau courante défaillants (vétustés des installations, perte et fuites d’eau jusqu’à 60%) ou inexistants, s’infiltrent des vendeurs privés sans autorisation ni contrôle administratif et sanitaire rigoureux, sillonnent les villes à bord de leurs tracteurs et camions-citernes pour livrer le précieux liquide au plus offrant.
Ces tracteurs et camions- citernes d’eau sont apparus massivement il y’a tout juste 2 décennies, parcourent tout le territoire national et sont devenus une véritable activité lucrative informelle loin de tout enregistrement au registre du commerce ou fiscal, ni contrôles piézométriques des sources d’eau et puits où elles puisent.
Les vendeurs de soif ne sont pas des bons samaritains mais des commerçants : c’est donc la loi du marché qui s’applique à un besoin vital, sans que la clientèle n’ait réellement le choix étant donné la démission totale de régulation de l’Etat.
Selon nos calcul les prix pratiqués sont généralement autour de cent cinquante fois supérieurs à ceux du service public (SEOR ou SEAL), c’est à dire l’eau du robinet. Prohibitif pour les habitants les plus pauvres, qui doivent se rationner pour effectuer des taches indispensables comme se laver, cuisiner ou faire le ménage.
Je reprends la définition wébérienne : la production de rente loin du contrôle de l’Etat a pour prime conséquence naturelle la naissance d’un foyer de violence actif.
Donc cette distribution d’eau par tracteurs et camions citernes, devenue naturellement une niche lucrative rentière, faute de régulation de l’Etat, est vouée à devenir un véritable foyer de violence.
Dans nos bidonvilles, les rues étroites ne permettent pas le passage des citernes, il faut parfois passer par un intermédiaire, qui prend encore une commission supplémentaire (pratiques courantes qui existent au quartier Dar El Beida et Coca Cola à Oranà titre d’exemple).
Dans les zones menacées ou foyers de violence potentiels (ventes de l’eau en tracteurs et camions citernes, trabendistes, tous en bandes organisées etc.…), ces marchands sont parfois à l’origine des pénuries d’eau en réduisant le flux ou nouveaux projets d’extension des canalisations ou en éliminant leur concurrence.
Pour ne rien arranger, puisque ce business parallèle de l’eau se déroule dans une illégalité totale, le liquide vendu est rarement aux standards sanitaires nécessaires (voir annexe ci-dessous) pour garantir une consommation sans risque.
Les mafias de l’eau en Algérie n’ont en plus que peu de scrupules à surexploiter les réserves dans lesquelles ils puisent, faisant courir le risque qu’elles-mêmes se retrouvent à sec dans quelques années.
Annexe :
La pollution de l’eau en Algérie, en matières fécales notamment, se mesure en nombre d’UFC (« Unité formant colonie ») de bactéries « Escherichia coli » (« E.coli » en abrégé), par volume de 100 ml d’eau.
La plupart des E.coli sont inoffensives, mais certains sérotypes d’E.coli peuvent être pathogènes. Celles-ci provoquent communément des gastro-entérites et des infections urinaires. Mais elles peuvent entraîner, dans certains cas graves, des méningites ou même des septicémies.
Potabilité de l’eau
L’eau n’est déclarée potable que si les tests ne relèvent la présence d’aucune bactérie (nombre d’UFC d’E.coli/100ml = 0)
Les laboratoires des institutions de l’Etat ont les moyens de mesurer la pollution des eaux potables et baignades chaque jour, pour déterminer leur degré de pollution.
Le laboratoire de sureté d’Oran à titre d’exemple est une pupille à développer que ce soit en termes d’équipements ou en ressource humaine.
Ce même laboratoire à la capacité de faire ressortir 2 types de résultats pour le nombre d’UFC d’E.coli/100 ml, selon qu’il s’agit :
– d’un PRÉLÈVEMENT « PLANCTONIQUE »
(Sur les seules bactéries flottantes librement)
– ou d’un PRÉLÈVEMENT GLOBAL
(Intégrant les particules de matière fécale ou sédimentaire).
*Docteur en sciences physiques. DEA en économie