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ANALYSE, TRIBUNE

L’Europe gangrénée par les populismes de gauche et de droite (I)

Dans la majorité des pays européens, à la déliquescence économique a succédé la décomposition politique. En effet, depuis quelques années, sur la crise économique systémique s’est greffée une instabilité politique critique. Le paysage politique européen est totalement ébranlé. L’alternance bipartite traditionnelle entre la gauche et la droite, en vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a volé en éclats.

Par Khider Mesloub

Dans la majorité des pays européens, à la déliquescence économique a succédé la décomposition politique. En effet, depuis quelques années, sur la crise économique systémique s’est greffée une instabilité politique critique. Le paysage politique européen est totalement ébranlé. L’alternance bipartite traditionnelle entre la gauche et la droite, en vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a volé en éclats.

Désormais, la scène politique européenne est envahie par deux nouvelles formes de gouvernement : le populisme et le bonapartisme. Tous deux se voulant interclassistes, au-dessus des antagonismes de classes, mais de manière différente.

Activant dans une Europe frappée par la crise économique et institutionnelle systémique, doublée de la décrédibilisation des formations politiques classiques, le populisme s’appuie sur une idéologie minimaliste, une doctrine simpliste et une mystique fanatique, sur fond de racisme décomplexé dans le cas du populisme de droite, et d’instrumentalisation des communautarismes ethnico-religieux et des identitarismes culturels et sexuels dans le cas du populisme de gauche. 

La lutte de mouvements dépourvue de conscience de classe mène à la crasse politique 

Dépourvu de vision politique claire, dénué de perspective de transformation sociale, le populisme de droite comme de gauche, émanation de regroupements de couches sociales hétérogènes en voie de déclassement et de paupérisation, se borne à fustiger le pouvoir, à dresser le peuple contre les élites politiques. 

Sociologiquement, dans son essence, le populisme est un mouvement interclassiste, agrégeant différentes classes sociales aux identités culturelles disparates : cols blancs, cols bleus, petits patrons sont conglomérés dans une identique entité, désignée sous le nom de « peuple » (cette abstraction métaphysique dont se gargarise souvent le gourou de la secte LFI, Mélenchon qui, soit dit en passant, défend par opportunisme le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, mais refuse ce même droit au peuple sahraoui colonisé par le Maroc, autrement dit il soutient les colonialistes marocains), souvent cornaqué par un leader charismatique au programme politique asthmatique, c’est-à-dire qui manque de souffle révolutionnaire, à l’instar de Mélenchon qui prône certes la révolution mais par les urnes. Son activisme opportuniste (il est passé du trotskisme au populisme gauchiste en passant par le socialisme bourgeois à la Mitterrand, Jospin et Hollande) ne s’est jamais inscrit dans une perspective alternative au capitalisme, mais dans une perspective sans alternative au capitalisme, autrement dit la défense du capital national français. 

Globalement, dans le populisme de droite comme de gauche, les clivages sociaux déchirant la société et l’univers professionnel sont obscurcis, éclipsés, fondus dans l’intérêt général, paradoxalement correspondant à celui de la petite bourgeoisie intellectuelle, très active au sein des mouvements populistes. Le populisme contemporain, version LFI et RN, porté par des petits bourgeois aux programmes respectifs axés sur des questions essentiellement écologique et sociétales (LFI) et sécuritaires et contre – immigrationnistes (RN), méprise souverainement la classe ouvrière.

De fait, le populisme de droite comme de gauche s’oppose à la lutte des classes. En effet, il ne remet pas en cause l’exploitation et le capitalisme. Il cantonne son activité politique (ou plutôt ses doléances qui lui servent de danse militante exécutée sur le bitume des artères urbaines) à l’unique revendication de l’amélioration de la démocratie. 

Comme s’il pouvait exister une démocratie au sein de la dictature capitaliste, comme la crise actuelle économique et sociale nous le prouve, avec la transition dictatoriale opérée partout en Europe, après une parenthèse démocratique consumériste éphémère de quelques décennies, concédée par le capital au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. 

En général, le populisme vilipende les élites politiques, mais jamais il vitupère les barons de l’économie. Il concentre ses attaques contre les locataires du pouvoir, cette impuissante bourgeoisie bureaucratique parasitaire, installée dans les sphères de l’État, mais jamais les propriétaires du capital, ces détenteurs de la véritable puissance économique et financière. Le nec plus ultra de la « lutte anticapitaliste » du populisme gauchiste version Mélenchon se cantonne à réclamer la taxation des profits, mais jamais l’expulsion des patrons, encore moins l’abolition de la propriété privée des moyens de production, ni la destruction du capitalisme. 

Conséquence logique : le populisme de droite comme de gauche ne prône jamais la lutte dans le monde du travail, le combat au sein des entreprises, pourtant principaux lieux d’exploitation et d’oppression. D’extorsion de plus-value et de reproduction de l’aliénation.   

De là s’explique le reflux, sous l’influence de ces populismes politiquement polluants et militantement dissolvants, des luttes sociales au sein des entreprises, de moins en moins victimes de débrayages, d’occupation collective, encore moins de réorganisation de la production en vue de leur contrôle par l’ensemble des salariés librement associés, aux fins de leur imprimer des objectifs de fabrication sociaux, autrement dit fondés sur la satisfaction des besoins humains et non sur la valorisation du capital (la plus-value, le profit).

De manière générale, depuis quelques années, en Europe, le conservatisme néolibéral (responsable du krach de 2007-2008) et le keynésianisme social-démocrate (incapable de financer son État-Providence) sont en déclin. Ces deux courants idéologiques capitalistes ont failli dans leurs promesses politiques d’éradication définitive de la misère et d’amélioration incessante de la situation économique. Les modèles économiques libéraux et socio-démocrates européens (occidentaux) ont démontré leur échec. Ils sont en pleine déconfiture. 

Corollairement, dans la plupart des pays européens (occidentaux), les partis classiques gouvernementaux ont perdu leur crédibilité. Et les cirques électoraux n’attirent plus la foule moutonnière pour assister aux spectacles des clowns politiques, ni aux numéros des prestidigitateurs démagogiques. 

Tous ces délitements traduisent la décomposition du système capitaliste occidental.

Désormais les partis populistes, composées de notabilités,auréolés de respectabilité 

En Europe, à l’époque actuelle les médias et les politologues, pour analyser l’échec du système politique bourgeois, incriminent le «populisme», ce nouvel avatar de la politique. Une large partie de ce bouleversement politique est attribuée au «populisme». 

En réalité, le populisme, sous quelque forme que ce soit, a toujours occupé la scène théâtrale politique. Mais, aussi longtemps que les vieux partis bourgeois établis pouvaient prétendre apporter de l’espoir, le populisme était confiné aux marges du jeu et enjeux politiques. 

De manière machiavélique, parfois, le populisme (brun ou rouge) était agité comme un épouvantail aux fins de mobilisations politiques au profit des partis institutionnels «démocratiques» pour pérenniser leur domination sur l’Etat.

Malgré tout, crise économique et institutionnelle aidant, la configuration politique s’est métamorphosée. Aujourd’hui, pour la bourgeoisie, le populisme est maintenant synonyme de la montée des forces alternatives, menaçant le système qu’elle contrôlait. Ces forces populistes ne jouent plus le simple rôle d’épouvantail et d’agitateurs pestiférés. Elles sont devenues des formations agissantes auréolées de respectabilité et composées de notabilités. Des « partis républicains » de gouvernement. La preuve, les forces populistes s’affirment et s’affermissent partout en Europe, au point de conquérir le pouvoir dans plusieurs pays. 

Ces dernières années, favorisée par la stagnation économique, la percée des organisations populistes a pris plusieurs formes. 

De nos jours, en Europe, le populisme se décline en deux tendances situées sur les deux extrêmes de l’échiquier politique de la droite et de la gauche. D’une part, le populisme de gauche (Podemos, Syriza, mouvement Occupy, le Labour Party de Corbyn, le «socialisme» de Sanders, La France insoumise, etc.), issu de l’éclatement des vieux partis de la gauche, de la déliquescence des partis staliniens et socialistes.

D’autre part, le populisme de droite, récemment propulsé sur la scène politique à la faveur de la crise économique, de l’apparition de l’islamisme et du terrorisme en Europe, de l’exacerbation des crispations identitaires illustrées par l’expansion du communautarisme. Ce populisme d’extrême-droite surfe sur la peur et la xénophobie.

Pour sa part, dans une forme de division de travail, le populisme «gauchiste» tente de canaliser le mécontentement grandissant des travailleurs par l’unique moyen pacifique du bulletin de vote, moyen électoral pourtant désavoué par une majorité croissante de «citoyens» désabusés à force d’être abusés. 

Le populisme de droite comme de gauche s’appuie sur un programme politique totalement inoffensif, ne remettant absolument pas en cause le capitalisme, ni les conceptions et menées impérialistes de son État.

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