A la une, Contribution

Maroc-Israël, des frères siamois

Par Mil Boumaza

Palestine et Sahara Occidental, même destin même combat. Les similitudes sont en effet frappantes. Qu’on en juge.

1. Une colonisation sous couvert de « droit historique au retour » :

On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la mal-nommée « marche verte », encadrée par l’armée marocaine, et les vagues de colons « juifs » déferlant en Palestine et s’accaparant les terres des Palestiniens au prétexte que celle-ci leur appartenait dans un passé mythique.

On notera, au passage, le cynisme d’une telle appellation, qui voudrait nous faire accroire à une paisible promenade bucolique organisée pour découvrir la flore du Sahara Occidental.

« La marche sanglante » nous semble bien plus appropriée pour qualifier ce hold-up à main armée. Car Hassan 2 ne promettait rien moins qu’un bain de sang aux résistants Saharaouis. « We will eat them » retorquait-il au journaliste états-unien qui évoquait une possible réaction de ces derniers, se sentant soudain une audace et une hardiesse léonines face à cette résistance aux faibles moyens.

D’ailleurs, les populations civiles sahraouies furent victimes, dans le silence absolu de la « communauté internationale », de véritables massacres et crimes contre l’humanité : empoisonnement des puits, bombardements au napalm (une tradition, semble-t-il, chez les colonisateurs), du reste probablement avec l’aide d’avion militaires français, etc.

https://youtube.com/watch?v=GMd3dXxftks&si=4eRAdgeDxPu1QXpT

En revanche, il se proposait d’offrir le thé aux éventuels soldats Espagnols qui se trouveraient sur les lieux. Diable ! Quelle témérité !

L’argument invoqué par le Makhzen est qu’il y aurait, dans un passé plus ou moins lointain, de supposés liens de subordination. On avance ainsi que certains chefs de tribus sahraouis  auraient prêté allégeance au sultan du Maroc. Cependant, la CIJ, au vu de la multitude de documents réunis autour de la question, a statué, formellement, qu’il n’y avait aucun lien de quelque ordre qui ce soit entre le Maroc et le Sahara Occidental, les peuples, la langue, etc étant totalement distincts.

Soit. Admettons l’argument de la prétendue allégeance. Si on suit cette logique, alors, par exemple, le Pape serait en droit de revendiquer toute l’Europe puisque la plupart des Souverains du Moyen Âge lui avaient prêté allégeance.

Or, c’est précisément afin de prévenir tout conflit entre états, à l’instar de celui du Sahara Occidental, que l’OUA a inscrit en lettres d’or dans sa charte le principe d’intangibilité des frontières héritées du colonialisme, combien même celles-ci ont été établies de la manière la plus arbitraire qui soit.

Ainsi, ce slogan « le sahara dans son Maroc et le Maroc dans son sahara » (élevé en dogme par le makhzen au même titre que la sacro-sainte trinité des chrétiens et qu’il est formellement interdit de remettre en question sous peine d’excommunication, d’emprisonnement pour être exact), est relégué au rang de slogan publicitaire creux par la position ferme et constante de l’UA.

Combien même, et au-delà de cette position de principe, le bon sens commande que l’on ne peut se prévaloir d’un prétendu lien historique quel qu’il soit pour coloniser une terre CONTRE LE CONSENTEMENT du peuple qui l’a TOUJOURS occupée. Et si ce territoire vous appartient, pourquoi l’envahir en expédiant des centaines de milliers de pauvres hères le coloniser ? Pourquoi leur faire miroiter une terre de lait et de miel (la terre promise) pour les convaincre de s’installer en Palestine…pardon, au Sahara Occidental ? La logique ne voudrait-elle pas que les populations qui y vivent demandassent tout simplement leur rattachement à leur « mère-patrie » si tel était le cas, et su ce n’était rien de plus qu’une colonisationn à l’instarde l’alter ego sioniste ?

Que l’on se figure un instant le chaos qui régnerait alors sur terre s’il prenait l’envie d’un dirigeant de revendiquer un territoire au prétexte qu’il y aurait eu, à une certaine époque, une quelconque relation (de subordination ou que sais-je encore) avec les habitants ou plutôt avec les chefs de ce territoire, les populations étant en effet rarement consultées en la matière.

2. Le fait accompli avec une colonisation sauvage à peine dissimulée sous le vocable fallacieux de marche verte et grâce à la complicité de certaines puissances.

Il y a toutes les apparences que le Maroc a non seulement bénéficié du soutien de l’OTAN (notamment de la France et des États-Unis), mais il a également été poussé à envahir le Sahara Occidental, car il ne faisait aucun doute pour cette organisation que ce pays, en accédant à son indépendance, se rangerait du côté des non-alignés, voire épouserait l’idéologie des pays socialistes, tels l’Algérie. D’ailleurs des sources proches du dossier révèlent qu’Hassan 2 n’était pas particulièrement favorable à cette annexion.

Par ailleurs, nul n’ignore que tout pays qui en envahirait un autre sans l’aval des grandes puissances s’exposerait à des sanctions. On se souviendra de l’épisode Koweïtien de Sadam Hussein et la coalition mondiale qui s’est abattue sur son pays telle une meute de hyènes.

3. Une politique d’expansion territoriale : Le « grand Maroc » et le  » grand Israël », khawa khawa.

Le Royaume chérifien et l’entité sioniste sont sans doute les seuls pays au monde dont la constitution ne définit pas les frontières, « institutionnalisant » pour ainsi dire leurs velléités expansionistes. Tout le monde a aperçu la carte arborée par le Makhzen et affichant ses prétentions territoriales « de Tanger au fleuve Sénégal », faisant écho à son jumeau sioniste « du Nil à l’Euphrate »

4. Les murs de la honte érigés en Palestine et au Sahara Occidental, et conçus par… les ingénieurs de Tsahal.

5. Les drapeaux palestiniens et saharaouis sont très similaires.

6. Le lobbying ultra actif des diverses officines de l’entité sioniste et du makhzen auprès de différentes institutions et de pays tiers, et dont les scandales ont éclaboussé des officiels occidentaux, jusqu’au parlement européen (Pegasus, Marocgate).

7. Le soutien indéfectible de puissances étrangères rejetant les résolutions de l’ONU pour violation des droits de l’homme :

– en Palestine : soutien inconditionnel des États-Unis à l’entité sioniste.

– au Sahara Occidental :  soutien systématique de la France au royaume alaouite.

8. La cause palestinienne :

a) Vue par le Maroc :

– Le Royaume chérifien a aidé Israël à gagner la guerre de 1967 contre les pays arabes :

https://youtube.com/watch?v=-gi5gGG0TIk&feature=share

– le nom de Hassan 2 a été donné à plusieurs rues et places en Israël, pour services rendus

– le Maroc a permis au sionistan d’entrer comme membre observateur de l’UA, heureusement chassé in extremis par l’Algérie et l’Afrique du Sud.

– la truanderie du siècle, autrement dénommée accords d’Abraham, légalisant le fait accompli en Palestine et s’asseyant sur les droits et les crimes contre les Palestiniens.

b) Vue par l’Algérie :

– l’Algérie a permis à la Palestine d’entrer comme membre observateur de l’UA.

– par son ministre des affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie a permis de porter la cause Palestinienne à la connaissance de la communauté internationale, en offrant à Yasser Arafat, pour la 1ère fois de l’histoire, une tribune devant l’assemblée des nations unies.

–  l’Algérie a permis aux autorités palestiniennes, réunies à Alger, de proclamer l’indépendance de la Palestine le 15 novembre 1988

– une avenue porte le nom de Abdelaziz Bouteflika en Palestine (Cisjordanie)

– l’Algérie a protégé d’un bombardement israélien un sommet pour la cause palestinienne regroupant les dirigeants palestiniens, en envoyant ses Mig intercepter des chasseurs de l’entité :

https://www.middleeasteye.net/reportages/novembre-1988-comment-l-alg-rie-d-jou-un-bombardement-isra-lien-contre-l-olp-alger

– l’Algérie soutient financièrement la Palestine. Elle est un contributeur assidu, qui n’a jamais failli à son devoir même en période de difficultés financières.

– l’Algérie ne reconnaît pas Israël, aussi,  contrairement aux pays arabes qui ont franchis cette ligne de non-retour, est-elle officiellement encore en guerre contre l’entité depuis… depuis..  depuis toujours en fait.

9. La cause Saharoui :

– Israël soutient le Maroc dans le conflit et l’aide militairement (formation, renseignements, etc). Rien d’étonnant en cela à ce qu’un pays colonisateur en soutienne un autre.

– l’Algérie a permis au Sahara Occidental d’entrer comme membre fondateur de l’UA.

– l’Algérie héberge et soutient financièrement les réfugiés sahraouis.

Pour ce qui est de la normalisation du royaume de l’Ouest avec l’entité, nous estimons que c’est au peuple marocain de se prononcer sur la question. Nous restons sur ce point fidèles à notre politique de non ingérence dans les affaires internes des pays tiers. Cependant nous nous réservons le droit de répondre aux multiples attaques et trahisons du makhzen, désormais ostensiblement hostile.

Or ces attaques et trahisons ne datent pas d’hier. D’aucuns la font remonter jusqu’à l’époque numide lorsque Bocchus livra Jugurtha aux Romains contre qui ce dernier était en guerre.

Ces exemples ne manquent pas dans l’histoire des deux nations et n’ont jamais cessé, et cela, il faut le souligner, bien avant l’existence du cas sahraoui : émir Abdelkader trahi par le sultan de l’époque, la participation des goumiers marocains aux exactions des troupes françaises durant l’occupation, l’agression sournoise de 1963, l’avion transportant nos chefs historiques detourné pour les livrer à l’ennemi, etc. L’histoire même de l’établissement et de la création du royaume alaouite a été bâtie sur des mensonges, des perfidies et de véritables massacres pour ne pas dire génocides.

Le peuple marocain est bien loin d’avoir connaissance de tous ces faits et réalités historiques. Matraqué de mensonges du makhzen qui lui enseigne une toute autre version, il n’est malheureusement pas conscient de cet endoctrinement.

Que disent l’Histoire et le Droit sur ce territoire « contesté » ?

En ce qui concerne les sources historiques, appelons à la barre un témoin direct et de premier plan, pour ne pas dire de premier choix, à la «probité» au-dessus de tout soupçon, et que même les makhzenistes les plus entêtés, les plus enragés et les plus aveugles ne sauraient ou ne devraient ignorer ni contester :

Laissons donc la voix à leur émir el mouhminins, son Altesse sérénissime Mohamed III ben Abdallah, sultan des royaumes de Fès et de Marrakech :

« … ces arabes  (les Sahraouis) n’ont pas de lieu sûr ; ils changent de lieu quand ils veulent. Jamais, ils n’ont été assujettis, ni subordonnés à aucun gouvernement. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas normal que je donne mon consentement, étant donné qu’il peut être préjudiciable aux habitants des îles Canaries… La côte, depuis Santa Cruz  (Cap Ghir) vers le sud n’étant pas de ma juridiction, je ne peux pas la franchir, ni être responsable de ce qui peut y arriver… »

En réponse aux préoccupations du roi d’Espagne, Charles III quant à la sécurité des pêcheurs espagnols au large du Sahara Occidental, le sultan de Fès et de Marrakech affirmait donc sans équivoque, dans cette lettre datée du 28 mai 1767 (de laquelle est tiré le passage ci-dessus), que les territoires correspondants au Sahara Occidental actuel n’étaient pas sous son autorité et par conséquent ne faisaient pas partie de son royaume.

A l’adresse des plus béotiens parmi nos voisins, nous leur en faisons ici la traduction en langage simple et clair :

– Charles III d’Espagne : «Il y a un territoire poissonneux au sud de votre royaume qui m’intéresse et que je voudrais annexer à ma couronne. Est-ce là entreprise possible sans que cela soulève un conflit entre nos 2 royaumes et les puissances qui vous soutiennent ?»

– Mohamed III : « Mais, cher ami, ce territoire ne m’appartient nullement. Aussi sa Majesté peut-elle en user selon son bon plaisir». «Et je vous souhaite bien du plaisir, car je n’ai pu soumettre ces belliqueuses tribus» (cette dernière sentence n’a certes pas été clairement exprimée dans le texte plus haut, nous vous le concèdons, mais selon nous, elle traduit assez fidèlement la pensée du sultan de Fès et de Marrakech, aussi avons-nous cru bon de l’inclure ici).

Pour revenir au témoignage de Sa Sérénissime, ce document (ou plus précisément cette pièce à conviction) est consigné en annexe 33B, page 266 des mémoires et plaidoiries de la Cour Internationale de Justice relatifs au problème du Sahara Occidental (voir également en annexe 33A la lettre du même roi au même destinataire) :

https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/61/9472.pdf&ved=2ahUKEwjAh-Hw04D4AhV3gM4BHfNYDnAQFnoECAcQAQ&usg=AOvVaw3S1D4aS7VvIwB3CehhS8Lo

Quant à cette fiction du « grand Maroc », elle est le produit d’une supercherie ou plutôt d’une usurpation de l’histoire de la région par le Makhzen. En effet, l’empire almoravide, fondé par des tribus mauritaniennes, si ce n’est sahraouies, est devenu subitement par une contorsion, une falsification, une inversion de l’histoire … marocain ! Belle pirouette, n’est-ce pas ?

Le droit, et donc la justice…ou la justice et donc le droit…

Pour ce qui est de cette prétendue «allégeance» de chefs Sahraouis, seul un royaume féodal peut invoquer un droit issu du Moyen-âge régissant les sociétés médiévales et le déclarer, sans se troubler, argument valable pour une solution «crédible».

Pourtant un tel anachronisme n’a semble-t-il aucunement interpellé et encore moins choqué des nations, des juridictions de droit moderne, dites humanistes et basées sur le droit des peuples et des individus.

Qui peut donc soutenir des législations iniques et des gouvernements criminels si ce n’est des États eux-mêmes criminels, à la nature coloniale, dont le Makhzen et l’entité représentent encore aujourd’hui les derniers vestiges vivants ?

Ainsi à moins de les occulter ou de leur faire subir d’immorales contorsions, aucune justification ne saurait résister au bon sens, à la raison, à la logique, au droit, à la justice et … aux faits. Mais malheureusement cette logique normale, ne peut exister et fonctionner que dans un monde normal. Malheureusement celui dans lequel nous vivons n’est ni raisonnable ni normal.

L’Algérie, entre hostilité et prise de partie dans le conflit ?

L’acharnement du Makhzen à vouloir désespérément impliquer l’Algérie en tant que partie prenante dans le conflit, chose totalement incompréhensible pour nos compatriotes, s’explique par le calcul simpliste (comme l’est l’esprit des stratèges du palais) de ne point discuter directement avec les Sahraouis, prétendant ainsi nier leur existence.

Or ceux-ci affirment chaque jour leur existence comme l’en attestent leurs multiples victoires juridiques, politiques, diplomatiques et même militaires. D’aucuns pays voyant leur triomphe inéluctable, comme le sont toutes les causes justes, établissent d’ores et déjà des traités et des accords avec les autorités sahraouies, prenant ainsi une certaine avance dans cette partie stratégique du monde.

Quant à l’Algérie, sa position est claire et son action est transparente depuis le début des hostilités lancées par le Maroc en 1975 : elle est du côté d’un peuple opprimé à qui l’on nie les droits, la justice, l’histoire, la liberté, en un mot l’existence.

Le roi Hassan II avait bien tenté de s’assurer l’alliance ou la complaisance de l’Algérie en lui proposant de partager le territoire du Sahara Occidental, et également la Mauritanie, dont il ne reconnaîtra pas l’indépendance. Mais une telle proposition ne pouvait paraître qu’odieuse à un pays révolutionnaire, qui avait lutté et payé le prix fort pour se libérer du joug du colonialisme. Aussi le pays du million et demi de chahids renvoya-t-il ce marché de scélérat à la place qui lui convient : dans la poubelle de l’histoire.

Fort regrettablement, le grand public marocain n’est pas au fait de la réalité et de la vérité entourant ce conflit. Il est malheureusement abreuvé de propagande du Makhzen, qui lui enseigne (dans les programmes de l’éducation nationale même) une toute autre version de l’histoire et de cette manière lui inculque et lui transmet son hostilité et son animosité à notre endroit.

Ainsi par l’effet de l’inversion accusatoire, on prête à l’Algérie une malveillance, une inimitié, une agressivité pour ainsi dire immanentes, combien même c’est le Maroc qui avait tenté d’envahir notre pays au lendemain de son indépendance, en 1963, comme nous l’avons évoqué, et récemment, c’est encore le Maroc qui a assassiné des civils algériens à la frontière avec la Mauritanie

Si, véritablement l’Algérie nourrissait une quelconque hostilité envers le Maroc et attentait à son intégrité territoriale (dans ses frontières reconnues par l’ONU et non celles issues de ses chimères), elle soutiendrait la révolte rifaine, qui s’était fait connaître au monde lors de la proclamation de la République du Rif, en 1921. Elle l’hébergerait, etc ou même l’armerait, à l’instar de puissances ennemies qui ne se gênent pas de le faire avec nos makistes et nos «djihadistes».

Si donc l’Algérie devait avouer une quelconque hostilité dans ce conflit, elle l’est manifestement contre l’injustice, et si elle devait se déclarer partie prenante, elle l’est assurément du côté du droit et de la justice.

C’est pourquoi la frontière entre nos deux pays est fermée, et il est probable qu’elle le restera pour longtemps encore, car décidément nous n’avons pas les mêmes valeurs.

Quelques mauvais esprits nous demanderont : «qu’a-t-on à y gagner ?». Nous leur dirons que la question doit être posée en d’autres termes : «qu’y perdrions-nous ?». Nous y perdrions notre dignité et notre fierté, celles héritées de nos glorieux martyrs. Tant que l’Algérie vivra, les causes justes ne seront ni sacrifiées ni oubliées.

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