Le journaliste d’investigation marocain Omar Radi, incarcéré depuis décembre 2020 pour de fausses accusations, aurait été torturé en prison et pourrait ne pas survivre à ses dernières années derrière les barreaux, ont prévenu des membres de sa famille.
Dans un entretien publié jeudi par le journal électronique Maghrebi, les membres de la famille Radi ont révélé que Omar Radi « est mis en isolement depuis un certain temps », faisant part de leur angoisse face à la torture subie par les prisonniers politiques et ce, en violation de la Convention des Nations unies contre la torture.
« Maintenant, il va bien, mentalement et physiquement. Je veux dire, ce n’est pas bon d’être en cellule d’isolement, mais il préfère ça plutôt que d’être avec d’autres personnes », a déclaré Driss Radi, le père d’Omar, ajoutant que son fils « ne pouvait pas sortir pour faire des pauses avec les autres détenus (…) il était surveillé par des gardiens chaque fois qu’il sortait ». Selon les propos de sa famille, le journaliste critique à l’égard du régime marocain se voit actuellement confisquer tout ce qu’il écrit, exprimant leur profonde inquiétude quant à sa sécurité derrière les barreaux.
Le journal, citant plusieurs sources, écrit que le chef des services de renseignement Abdellatif Hammouchi aurait été à l’origine de la torture généralisée des détenus et de la répression contre les dissidents par les services de sécurité marocains, dont Omar Radi a été victime.
L’héritage le plus durable de Hammouchi serait la méthode de diffamation utilisée pour faire taire les opposants en diffusant sur les réseaux sociaux des mensonges sur les personnes ciblées. A la question de savoir si leurs appareils sont infiltrés par le logiciel de piratage sioniste Pegasus, les Radi ont dit être convaincus qu’ils étaient toujours surveillés par la police et les services de sécurité, des années après l’emprisonnement d’Omar.
« Oui, je le soupçonne, mais je ne peux pas le prouver », a répondu le père Driss Radi. « Il y a eu d’autres types de harcèlement », a déclaré son frère Mehdi. « Je suis basé à Paris et j’ai fait plusieurs allers-retours au Maroc. J’ai été harcelé à l’aéroport. Les policiers vous disent d’aller dans un bureau et ensuite, ils attendent juste que vous deveniez nerveux ».
« Même à Paris, ils étaient à côté de chez moi. Donc, je suppose que je suis sur leur radar », a-t-il ajouté. Selon Mehdi Radi, la presse libre au Maroc a été étouffée ces dernières années, laissant ceux qui sont proches du pouvoir agir en toute impunité. « Quiconque ose » enquêter et rapporter sur des questions impliquant le Makhzen s’expose à une menace très réelle d’emprisonnement ou, à tout le moins, de diffamation de la part de la presse pro-Makhzen.
La presse libre au Maroc étouffée
Le journaliste d’investigation primé Omar Radi s’est fait connaître au Maroc à la fin des années 2010 avec des enquêtes axées sur les droits de l’homme, la corruption de l’Etat et le pillage des terres tribales dans la région du Rif, au nord du Maroc, dont le nom de plusieurs hauts fonctionnaires étaient cités. Selon Driss, la situation de la liberté de la presse au Maroc a commencé à se détériorer en 2013 lorsque de nombreuses personnes ont commencé à être harcelées.
Les pouvoirs en place revenaient discrètement sur les libertés civiles et les garanties constitutionnelles de 2011, tandis que les services de sécurité commençaient à mettre en œuvre une stratégie de diffamation et, dans certains cas, d’emprisonnement d’opposants pour agression sexuelle, adultère, crimes financiers et espionnage, des griefs montés de toutes pièces.
Lors de l’examen de 12 affaires judiciaires impliquant des dissidents marocains, une enquête de Human Rights Watch menée en 2022 a révélé que les autorités marocaines avaient violé les droits des connaissances, des partenaires et des familles.
Le rapport concluait que -après avoir développé toute une série de tactiques pour faire taire la dissidence tout en prétendant appliquer le droit pénal- les autorités marocaines avaient violé les droits « notamment à la vie privée, à la santé, à la sécurité physique, à la propriété et le droit à un procès équitable » tout en « se moquant des crimes graves, comme le viol, le détournement de fonds ou l’espionnage ».
L’année 2013 a également vu des manifestations éclater à Rabat autour du cas de Naâma Asfari, un militant pour l’indépendance du Sahara occidental du groupe Gdeim Izik qui, après son arrestation en 2010, a été condamné à 30 ans d’emprisonnement après des aveux présumés sous la torture aux mains des services de sécurité, comme le rapporte le journal BBC.