Plus de 400 personnes ont été interpellées et près de 300 blessées suite aux manifestations, d’une rare ampleur, qui secouent le Maroc depuis samedi dernier, réclamant de meilleurs services publics dans la santé et l’éducation, une justice sociale et une lutte contre la corruption qui gangrène les institutions marocaines.
Le ministère marocain de l’Intérieur a précisé, mercredi, que 409 personnes ont été placées en garde à vue suite aux violents affrontements qui ont éclaté à Oujda et dans plusieurs autres villes du royaume, au quatrième jour d’un mouvement de protestation lancé par un collectif de jeunes. En effet, des heurts avec les forces de l’ordre ont éclaté en marge de plusieurs rassemblements à travers le Maroc.
Une vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, montre d’ailleurs un fourgon de police, gyrophares allumés, percuter de plein fouet un jeune protestataire de la ville de Oujda, avant de poursuivre sa route au milieu des manifestants. La violence ne s’est pas limitée pas à Oujda.
Des affrontements ont également éclaté dans d’autres régions, notamment à Inezgane, une banlieue pauvre d’Agadir. Des images similaires ont circulé à Beni Mellal, Aït Amira, Errachidia et Témara, illustrant l’escalade de la crise à travers le pays. Ces événements ont fait plusieurs blessés. Près de 300, selon les autorités marocaines. Mais, pour les activistes marocains, ce chiffre est sûrement beaucoup plus important. En quelques jours, plusieurs centaines de personnes y compris des mineurs ont été arrêtés.
A Marrakech, des médias locaux avancent le chiffre de 150 personnes placées en garde-à-vue, mardi, portant le nombre total des personnes interpellées depuis le début des manifestations à 330. Les organisations non gouvernementales et les mouvements de jeunes ont condamné l’usage de la force contre des manifestations pacifiques. Les jeunes du “Al Adl wal Ihsane” ont dénoncé, pour leur part, “la répression et les arrestations qui ont visé les manifestations de la jeunesse marocaine”, et ont exigé “la libération des détenus sur la base de leur participation aux rassemblements pacifiques observés dans le pays”.
La Ligue marocaine de défense des droits humains (LMDDH) a, à elle aussi, condamné “l’approche sécuritaire” adoptée par les autorités, y voyant “un aveu d’échec du gouvernement face aux revendications populaires”. Amnesty International a, pour sa part, exhorté les autorités marocaines à respecter le droit à manifester et à garantir le droit au rassemblement pacifique, exigeant la libération immédiate et sans conditions de toutes les personnes interpellées lors de ces manifestations pacifiques.
L’ONG a appelé, en outre, le gouvernement à répondre aux demandes légitimes des jeunes marocains, réclamant leurs droits sociaux, économiques et culturels, et à prendre en compte leurs attentes en matière de lutte contre la corruption.
“Les interventions sécuritaires, les interdictions de rassemblements et les arrestations constituent une violation du droit de réunion pacifique, que les autorités ont la responsabilités de garantir”, a averti, de son côté, le président de la Ligue marocaine de la citoyenneté et des droits de l’homme, Driss Sedraoui. Face à la contestation, le Premier ministre, Aziz Akhannouch, resté silencieux depuis les premières mobilisations, a réuni mardi à Rabat les dirigeants de sa majorité ainsi que les ministres de la Santé, Amine Tahraoui, et de l’Education, Mohamed Saâd Barada.
Le gouvernement s’est contenté de rappeler les réformes engagées, tout en appelant les manifestants à préserver le caractère pacifique de leurs protestations.
Mais cette réaction est jugée “insuffisante” par de nombreux observateurs. “Le strict minimum serait que les ministres de la Santé et de l’Education soient limogés”, a indiqué une source sécuritaire, déplorant que le gouvernement laisse les forces de l’ordre “seules en première ligne face à la rue”.