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Djamel Guessoum à Algérie54: Le rapport Stora soulève plus de questions et d’animosités qu’une lecture réelle de l’histoire Algéro-Française

Dans un entretien qui l’a accordé à Algérie54, le chercheur algérien Djamel Guessoum, évoque les questions de la mémoire, le rapport Stora, l’immigration, l’islamophobie, le terrorisme, le Hirak béni, les tentatives de sa récupération, la diaspora et l’absence de volonté politique d’intégrer réellement les compétences algériennes à l’étranger dans le développement du pays.

Algérie 54 :Tout d’abord,présentez-vous à nos lectrices et lecteurs?

Djamel Guessoum : Je m’appelle Djamel, Guessoum, 53 ans. Je suis spécialisé depuis 30 ans dans la prévention de la récidive de la délinquance, de la prévention de la radicalisation violence et plus généralement dans la protection de l’enfance

C’est dans ce cadre que j’ai créé un centre de recherche en sciences sociales à New York. Je suis également fondateur d’institut national de formation et de médiation basé près de Paris et qui est avant tout un laboratoire de recherche en solution innovante dans l’action sociale.

Algérie54 : A première vue, le rapport de Benjamin Stora sur la mémoire, est le sujet d’actualité des deux rives de la Méditerranée, qu’en pensez-vous?

Djamel Guessoum : Si le rapport de Benjamin Stora sur la mémoire est effectivement un sujet d’actualité des deux rives de la Méditerranée, ce n’est pas pour les raisons que nous pouvions attendre en la sorte que, il soulève plus de questions et d’animosités qu’une lecture réelle de l’histoire Algéro-Française dans objectif apaisé et de reconnaissance.

Algérie54:Justement, le dossier de la mémoire continue d’empoisonner les relations entre l’Algérie et la France, et ce hautain comportement de l’Establishement français continue de considérer l’Algérie comme « un département’ d’Outre-mer, et bloque toute bonne initiative de part et d’autre, que ce qu’il faut faire pour dépasser les passions?

Djamel Guessoum:Tout d’abord, le crime contre l’humanité perpétré en Algérie par la force d’occupation française doit être reconnu en tant que tel. Le prétendant à l’Elysée et devenu Président de la République l’avait déclaré en février 2017lors de son passage à Alger dans le cadre de l’élection présidentielle française. Sans une reconnaissance claire et sans ambigüité, il sera très difficile de dépasser les passions. Souvenez-vous lorsque les députés Français sous la présidence de Jacques Chirac avaient tenté de faire voter une loi vantant les bienfaits de la colonisation au lieu de reconnaître un crime contre l’humanité.

L’écart abyssal entre un bienfait et un crime donne une idée sur la difficulté qui reste entière et que le rapport de Benjamin Stora a fini d’enterrer. Sans excuses et sans indemnisation, la route sera éternellement longue.

Algérie54 : Compte tenu des tensions quasi-permanentes, c’est nos compatriotes établis en France qui payent la facture, qu’en dites-vous ?

Djamel Guessoum : Non, je ne pense pas que nos compatriotes établis en France payent la facture de tensions quasi-permanentes entre la France et l’Algérie. Les difficultés des Algériens de France en tant qu’Algériens, résident plus particulièrement dans la non prise en compte politique de leurs difficultés tendant à les lier à l’Algérie en tant que mère patrie.

En quelques mots : Absence de représentation politique conforme à la sociologie des Algériens de France dans leur diversité, quasi inexistence de programmes à mêmes de les rattacher à l’Algérie tels que : accession à l’immobilier, cherté des billets d’avion, accès au marché économique Algérien prenant en compte le modèle économique dans un standard international.

Algérie54: Depuis des décennies, les immigrés sont confinés dans une » ghettoïsation » à l’origine des émeutes dans le passé, suite au dérapage de Sarkozy, et tout récemment dans le sillage des manifestations des Gilets Jaunes, à qui incombe cette situation selon vous ?

Djamel Guessoum :Permettez-moi tout d’abord de préciser que les immigrés comparés aux Algériens nés en France et qui ne sont pas immigrés sont minoritaires et ne dépassent pas 20 %. Sur la question de la ghettoïsation, les programmes immobiliers dans le courant des années 60 et connus sous le nom de son architecte « Le Corbusier », répondaient à un besoin immédiat appelé « grands ensembles ».  C’est durant ces années que des cités dîtes « transit » et donc temporaires sont nées.

C’est dans ce contexte qu’est née la ghettoïsation si bien que des services publics ont été installés avec le mot « annexe ». Poste annexe, Mairie annexe ;,stade de football en longueur et de basket-ball en largeur. En quelques sortes « restez là ou vous êtes ».

Les dérapages de Sarkozy qui ne sont pas des dérapages mais une volonté politique de marcher sur pas de la famille

Le Pen n’avaient pas d’autres objectifs que ramener des électeurs du Front National vers les Républicains. Concernant les Gilets jaunes qui relèvent d’une autre nature, a mis en évidence un malaise social général y compris par les habitants des quartiers populaires.

Cette union dans l’expression sociale a fait tomber des barrières jusque-là ignorées qu’ils s’agissent des habitants des bourgs et villages et des quartiers populaires. Cette situation incombe aux échecs des politiques publiques de droite comme de gauche

Algérie54 : L’actuel président français, Emmanuel Macron, critiqué sur le sujet de la gestion de la pandémie du Covid-19, s’est rapidement mis dans la peau de l’islamophobe, en faisant de la promotion de l’amalgame entre l’Islam et le terrorisme, au nom du séparatisme et qui aujourd’hui se répercute sur la vie des musulmans de France, qu’en pensez-vous ?

Djamel Guessoum : Il s’agit là d’un jeu très dangereux tendant à masquer un échec politique cuisant par un épouvantail largement utilisé lorsque les arguments politiques manquent. La particularité de ce jeu malsain est qu’il peut avoir des conséquences très importantes sur la sécurité nationale et je m’en explique : L’amalgame entre Islam et terrorisme peut créer une atmosphère de compassion entre les groupes terroristes et les musulmans de France dans une phrase très simple « Nous , Al Qaida ou autres, on nous traite de terroristes, mais on vous traite également de terroristes, c’est qu’en finalité nous ne le sommes pas si vous, Musulmans de France ne l’êtes pas ».

Cet amalgame revient à légitimer les positions des groupes terroristes, un jeu très dangereux.

Algérie54 : Sur ce registre, la France officielle prétend défendre le terrorisme qu’elle le soutient en Syrie ou en Libye, comme l’indique le paiement des rançons aux différents groupes terroristes, que dira Monsieur Guessoum sur ce sujet?

Djamel Guessoum : La seule phrase de l’ex Ministre des Affaires Etrangères, Monsieur Laurent Fabius qui déclarait « El Nosra fait du bon boulot » et je rappelle que El Nosra est une succursale de Daesch suffit à répondre à votre question.

La France se fiche totalement de la question du terrorisme à l’extérieur de son territoire tant que ses intérêts stratégiques et économiques seront préservés. Aucun des pays où la France est intervenue directement ou indirectement n’a trouvé un intérêt. Pire, la situation s’est dégradée. Par conséquent et ce qui concerne particulièrement l’Algérie qui intelligemment, a refusé pour exemple de participer au G5 Sahel qui n’est pour la France qu’un outil destiné à conserver des sols mais surtout des sous-sols…

Algérie54 :-L’actualité algérienne est de plus en plus présente en France, depuis l’avènement du Hirak,,que pensez-vous de ce mouvement béni, et des tentatives de sa récupération par différents courants, bien perceptible sur la place de la république à Paris?

Djamel Guessoum :Cette question mérite une réponse approfondie :  Tout d’abord, il convient effectivement de distinguer le mouvement béni et d’une tentative de récupération par des groupes et mouvements clairement hostiles à l’Algérie en tant que pays. Le Hirak moubarak, mouvement béni s’est spontanément organisé à travers une ultime humiliation et la revendication principale étant « Pas de 5em mandats ». Ce mot d’ordre a réuni des millions d’Algériens à travers le monde dans ses différentes composantes sociologiques : femmes, hommes, enfants, universitaires, ouvriers.

La revendication principale ayant été acquise, le mouvement s’est poursuivi par crainte d’un retour en arrière. La machine judiciaire n’ayant pas été bloquée, les Algériens ont alors compris qu’il n’y aurait pas de retour possible à l’ancien mode de fonctionnement.

A partir de cet instant et nous le voyons très bien à place de la République. Non seulement le nombre de manifestants est dérisoire mais plus encore, il est composé seulement de mouvements hostiles à tous changements tel que Rachad et consorts. De ce point de vue, Nous distinguons parfaitement le mouvement béni à une organisation vouée à l’échec. Mais plus encore, l’Elysée a tenté de récupérer ce mouvement par l’organisation d’une réception d’une délégation de franco-algériens composée d’élus de la république Française censés représenter le peuple Algérien le tout, un certain 19 mars 2019 correspondant au cessez-le feu en Algérie. J’ai alors appelé la cellule Afrique du Nord de l’Elysée pour demander sur quelle base était reçue cette délégation qui ne dispose d’aucun mandat du peuple Algérien. La réponse effarante de la responsable de cette cellule qui lorsque je lui ai posé la question « sur quelle base légitime recevez-vous cette délégation ? », la réponse fût « il s’agit d’élus de République », je lui demandais alors « de quelle république s’agit-il puisqu’il s’agit d’élus français et que l’Algérie est indépendante depuis 1962 ». Ne sachant que répondre, Madame …. me promettait de me rappeler ce qu’il ne fit pas mais l’essentiel était là, la réception de cette délégation fut annulée dès le lendemain. (Conversation entière avec l’Elysée sur Facebook et envoyée par Messenger)

Algérie54 : la diaspora algérienne en France, demeure un acteur incontournable dans le développement du pays, quel message transmettez-vous aux autorités du pays ?

Djamel Guessoum : Mon message aux autorités du pays est le suivant : Il n y aura de ce point de vue de changement que lorsque la diaspora et plus particulièrement la diaspora née à l’étranger et qui a des clés de compréhension à l’international sera nommée à des postes clefs dans les différents champs que composent l’économie.  Sans cela, la seule reconnaissance symbolique sans effets pratiques est inutile, nulle et non avenue. Seuls les actes et les résultats concrets comptent.

Entretien réalisé par M.Mehdi

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