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DÉCRYPTAGE

Nos artistes, le front culturel et Gramsci.

Désormais Gramsci fait partie du patrimoine intellectuel révolutionnaire mondial. Il a confectionné et forgé des outils conceptuels utiles pour analyser et agir sur le monde. Des concepts clefs, hégémonie, antagonisme, crises organiques, guerres de mouvements, guerres de position, interegnum (interrègne), blocs historiques, front culturel, sociétés orientales, proto-fascisme, catégories politiques…Dans les sociétés orientales pour prendre le pouvoir, il suffit de prendre les  points sensibles, le central téléphonique, le palais présidentiel etc..– Dans ‘’La technique de coup d’Etat’’ livre écrit par Cruzo Malaparte est paru en 1931, explique que le temps des révolutions populaires est terminé. Nul besoin désormais de mobiliser un peuple afin de conquérir le pouvoir. Pour renverser un régime, il suffit d’une organisation technique et tactique, d’un nombre restreint d’individus capables de paralyser, pendant quelques heures, les administrations.

Mohamed Belhoucine*

Désormais Gramsci fait partie du patrimoine intellectuel révolutionnaire mondial. Il a confectionné et forgé des outils conceptuels utiles pour analyser et agir sur le monde. Des concepts clefs, hégémonie, antagonisme, crises organiques, guerres de mouvements, guerres de position, interegnum (interrègne), blocs historiques, front culturel, sociétés orientales, proto-fascisme, catégories politiques…Dans les sociétés orientales pour prendre le pouvoir, il suffit de prendre les  points sensibles, le central téléphonique, le palais présidentiel etc..– Dans ‘’La technique de coup d’Etat’’ livre écrit par Cruzo Malaparte est paru en 1931, explique que le temps des révolutions populaires est terminé. Nul besoin désormais de mobiliser un peuple afin de conquérir le pouvoir. Pour renverser un régime, il suffit d’une organisation technique et tactique, d’un nombre restreint d’individus capables de paralyser, pendant quelques heures, les administrations.

A contrario, dans les sociétés complexes, comme les sociétés occidentales, ou existe un monopole de la violence musclé ou le pouvoir est protégé par des tranchées et des casemates, des institutions culturelles, des lieux de productions culturelles, de sens, qui favorisent le consentement, la soumission et la servitude de la population occidentale décérébrée depuis la naissance du colonialisme (1881-1885 à la conférence de Berlin).

Nos artistes agissant en symbole de la stratégie révolutionnaire ont compris qu’avant d’atteindre ce lieu de pouvoir, en prenant possession du central téléphonique et le palais présidentiel il faut prendre possession du champ culturel. C’est ce que Gramsci appelle la lutte sur le front culturel. L’histoire ne se réduit pas à l’économie, Gramsci ne croit pas à l’économicisme. Ce qui est important, c’est la force des représentations individuelles et collectives, la force de l’idéologie…commencent par le front culturel qui doit déverser exclusivement dans le grand entonnoir de la catégorie politique, Peuple conte la Caste, Peuple/ Caste. Gramsci nous met en garde contre le développement du Proto-fascisme, ou la catégorie politique sera substituée, aux catégories, morales (Bien/Mal), religieuses (Chiites/Sunnites) ou ethniques et raciales (Race 1/ Race2).

Le front culturel consiste à écrire des articles dans les journaux, fournir des modèles explicatifs pour désaliéner nos populations, produire des biens culturels, des poèmes, des pièces de théâtres, des chansons, des films, de la musique, de la danse classique, etc…Tous ces bouillons de cultures contribuent à convaincre les gens qu’il y’a d’autres idées forces que celles produites par le pouvoir.

Nous vivons actuellement une crise organique, c’est à dire le système économicopolitique de ce pouvoir ‘’divorce’’ avec les évidences qui peuplent l’univers mental (le sens commun) de chaque algérien. 

L’insurrection tranquille actuelle du peuple algérien va au-delà du refus des campagnes électorales, refusent les effets matériels de ce système (les augmentations de salaires, c’est à dire le partage de la rente pétrolière), veulent une réforme radicale du pouvoir en changeant à la racine la mascarade de ce mode de représentation qui maintient au pouvoir les mêmes personnes. 

L’insurrection tranquille va atteindre son paroxysme, jusqu’à la chute du pouvoir entre les mains de la coalition dominante corrompue, pro américaine et pro occidentale, évidemment la coercition va encore augmenter avec tout son lot de répressions, arrestations, menaces…

Exister c’est Résister, c’est tout le Sens de la philosophie de Gramsci.

Gramsci insiste sur le politique ; La lutte politique, ne peut être menée que par des groupes sociaux selon une chaine de revendications et de relations d’équivalence (au sens mathématique du terme). Ce sont les groupes sociaux, le peuple, qui est chargé d’accomplir la vraie révolution : c’est-à-dire une réforme éthique et morale complète. Savoir identifier l’ennemi du peuple, la caste, les oligarques, les voleurs, la coalition dominante corrompue, c’est-à-dire développer l’Antagonisme. L’Antagonisme entre dominants et dominés, entre le peuple et la caste, entre les pauvres et l’oligarchie, est masqué par l’ensemble de nos partis métapolitiques.

L’Antagonisme ne suffit pas, il faut le compléter par la lutte hégémonique pour qu’elle se loge et se propage telle une réaction en chaine nucléaire dans le ‘’sens commun’’ de notre population ( Ed’hane El Am). 

La lutte Hégémonique, c’est cette addition d’idées forces qui s’incrustent dans le sens commun de notre population, par la capacité, le génie politique, à convaincre et à contraindre. ‘’Une idée politique ne devient une force que lorsqu’elle s’empare des masses’’ disait Antonio Gramsci. 

L’idée de refuser ces mascarades de campagnes électorales, de changer radicalement le pouvoir et le mode de la représentation, ce sont ces idées politiques qui se sont propagées, disséminées et incrustées à jamais dans le sens commun du peuple algérien.

Convaincre hégémoniquement c’est faire entrer les idées dans le sens commun ; Le ‘’sens commun’’ (Ed’ahn El Am) selon Claude Levy Strauss, c’est l’ensemble des évidences que l’on ne questionne pas, logées dans notre mental, notre stock culturel. 

Vous avez compris pourquoi je ne cesse de ressasser que nous avons que des partis métapolitiques. Nos partis métapolitiques, leur indigence est telle qu’ils n’ont pas compris en quoi consiste le Politique. Le Politique contrairement à la métapolitique suppose conflit, antagonisme, hégémonie et sens commun. L’impossibilité d’éradiquer l’antagonisme n’est pas encore assimilé par nos partis métapolitiques. L’approche antagonique (ami/ennemi) correspond à la vraie compréhension de ce qu’est « le politique ».

Ces nuances et ces dimensions du politique sont parfaitement ignorés par nos ‘’élites métapolitiques’’, cette indigence et manque de compréhension de ce qu’est « le politique » dans sa dimension ontologique sont à l’origine de cette incapacité actuelle par nos métapolitiques de penser de manière « le politique ». C’est sur la discussion de l’essence du politique que se joue le futur même de la démocratie.

La tragédie de nos métapolitiques a pour point de départ, le constat de leur incapacité à penser politiquement (au sens le politique) les problèmes auxquels notre société fait face. Les questions politiques ne sont pas des problèmes techniques susceptibles d’être résolus par des experts. Les questions politiques impliquent toujours des décisions qui exigent que l’on fasse un choix entre plusieurs options en conflit.

Cette incapacité à penser politiquement est très largement due à l’hégémonie du libéralisme et de sa négation de l’irréductibilité de l’antagonisme. La tendance dominante du libéralisme empêche de reconnaitre les identités collectives et la dynamique de constitution des identités politiques. 

Le néolibéralisme par principe, de sa perspective individualiste (maximisation de l’utilité individuelle) est incapable de produire une théorie proprement politique 

La grande faiblesse du libéralisme dans le champ politique résulte de sa négation de l’irréductibilité de l’antagonisme. L’individualisme méthodologique qui caractérise la pensée libérale empêche de comprendre la nature des identités collectives.

Tous nos partis politiques assimilent la politique à un terrain neutre où différents groupes et élites s’affrontent pour occuper des positions de pouvoir et de l’Etat.

Selon eux, le but de la politique consiste et se limite à déloger certains pour prendre leur place (déclaration d’un spine doctor métapolitique algérois, prisée dans les colonnes de la presse, où il assimile le pouvoir à une agence nationale pour l’emploi et insiste pour son recrutement, ce qui dénote le niveau d’indigence de la culture politique de ce personnage).

Nos partis métapolitiques organiques ou oligarchiques corrompus ont pour seul objectif de prendre le pouvoir et de renforcer une oligarchie, une caste dite coalition dominante qui reconduit depuis 1962 de façon récurrente et permanente ce même système au détriment du peuple.

Tous nos partis métapolitiques oligarchiques ou organiques, jamais ne remettent en cause l’hégémonie dominante et faire l’effort politique de diffuser dans ‘’le sens commun’’ (E’dahn El A’me) de notre population, une contre-hégémonie pour transformer en profondeur les rapports de pouvoir.

Tous les partis métapolitiques algériens ne ressemblent plus qu’à des coquilles vides, massivement désertés par leurs bases (un secret bien gardé que personne ne veut reconnaitre). Pourquoi ? Parce que les frontières politiques des partis organiques et des partis oligarchiques sont floues et nous assistons tout bonnement à une compétition entre élite qui n’a rien de politique.

C’est ce qui explique en majeure partie, la désaffection de nos populations à l’égard des partis métapolitiques en Algérie. Ce désintérêt va persister, s’installent et s’imposent alors d’autres types de graves dérives proto-fascistes, où vont se floculer nos identités collectives (la nature a horreur du vide), autour d’identifications, morales (Bien /Mal), nationalistes (citoyens/migrants), ethniques (Ethnie 1/ Ethnie 2) et religieuses (Malékites-sunnites/ chiites) qui sont à l’œuvre.

Aujourd’hui la politique se joue sur un registre moral ou ethnique. Autrement dit, elle consiste toujours à tracer une différence entre « nous » et « eux », sauf que ce « nous » et ce « eux » ne sont plus définis à partir de catégorie politique, mais selon des termes moraux ou ethniques.

Nous ne sommes plus en présence d’un combat entre « les progressistes et les conservateurs réactionnaires » ou mieux entre « dominés/dominants » mais entre « le bien et le mal ». Ce que Georges Luckas appelle ‘’les fausses consciences de classe’’, entre, des groupes, des ethnies ou des nationalités’’. Mes travaux dénoncent tout cet ordre du discours établi et inintelligible par nos masses, discours qui se dit politique mais qui n’apporte rien de substantiel au vrai débat sur Le politique.

*Docteur en Physique et DEA en économie.

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