Dans la lumière chaude d’un après-midi à Oran, Aymeul et Fayza , un jeune couple issu de la diaspora algérienne avance en silence dans les galeries d’un musée consacré à l’histoire de la lutte pour l’indépendance et de la mémoire. Leur caméra capte tout — les portraits jaunis, les drapeaux effilochés, les lettres écrites à la veille de l’exécution. Devant l’effigie d’Ahmed Zabana, Fayza s’arrête. Sur le panneau, une phrase la frappe : « Premier martyr guillotiné par le colonialisme français, le 19 juin 1956. »
La voix d’Aymeul tremble derrière l’objectif. Il murmure que Zabana n’était pas seul, que deux cent vingt-deux autres résistants algériens ont connu la même lame, tous jeunes, à la fleur de l’âge. La caméra glisse sur les vitrines, s’attarde sur les visages figés dans le temps.
Pour eux, nés à Toulon et à Lyon, ces images relient la nostalgie des ruelles d’Oran à la douleur muette des grands-parents. Ce n’est pas un simple tournage : c’est une quête. Une manière de se réapproprier une histoire trop longtemps effacée dans les livres qu’ils ont lus en Europe.
Dehors, le soleil descend sur la Méditerranée. Aymeul éteint la caméra. Fayza ferme les yeux. Le vent semble transporter des voix anciennes — celles de Zabana, de ses compagnons, et de toute une génération sacrifiée pour que d’autres puissent revenir, libres, filmer, raconter.
Ce jour-là, entre les murs du musée d’Oran, la mémoire devient vivante : elle respire, elle regarde, elle témoigne à travers eux.