Un mois après l’éclatement du scandale de corruption au sein du Parlement européen (PE) impliquant notamment le Maroc, l’enquête menée par le juge d’instruction belge, Michel Claise, continue de lever le voile sur les manœuvres d’ingérence et d’espionnage du Makhzen, en collaboration avec des élus parlementaires corrompus.
Dans la continuité de la saga « Marocgate », le journal italien La Repubblica a révélé – citant des documents de l’enquête – que les agents de la Sûreté de l’Etat (Vsse), le service secret belge qui enquête sur l’affaire, parlent d’une « équipe d’intervention » à la solde du Maroc, dont Andrea Cozzolino, un eurodéputé italien qui travaillait « clandestinement ».
Cette équipe de corrompus a mis en place une « coopération stable » avec le Makhzen d’une « discrétion qui dépassait la prudence », en s’appuyant sur un « réseau d’influence » et l’usage d’un « langage codé ».
Selon les enquêteurs, l’eurodéputé napolitain Cozzolino aurait eu un rôle stable dans l’organisation, dont il était l’un des piliers avec ses deux compatriotes accusés dans cette affaire, en l’occurrence Pier-Antonio Panzeri et Francesco Giorgi.
Le quotidien révèle qu’Andrea Cozzolino et Panzeri (eurodéputé sortant, ndlr) sont « parvenus en 2019 à un accord avec les services secrets marocains (Dged), par l’intermédiaire d’Atmoun (ambassadeur du Maroc à Varsovie) pour pratiquer une ingérence en faveur du Maroc au sein du Parlement européen en échange d’argent ».
« C’est le moment où le passage de relais aurait eu lieu entre Panzeri et Cozzolino, qui a repris les sièges sensibles pour les intérêts de Rabat », note La Repubblica.
En effet, Cozzolino devait hériter de la présidence de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et la co-présidence de la commission parlementaire mixte Maroc-UE.
Selon des documents consultés par le quotidien italien, les deux hommes demandaient à être payés « au moins plusieurs centaines de milliers d’euros par an », soulignant le rôle de Giorgi qui, après avoir été l’assistant parlementaire de Panzeri lorsqu’il était en poste, est aussi devenu celui de Cozzolino.
Les enquêteurs belges ont également dressé une liste des résultats obtenus par le groupe en faveur du Maroc, à savoir ce qui serait l’objet de la corruption, dont « plusieurs textes de résolutions votés, diverses déclarations de la Dmag (Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb), la nomination des candidats au prix Sakharov, la modification du rapport annuel du Parlement européen sur la politique étrangère et de sécurité commune ».
Et puis la dernière activité d’ingérence, et peut-être la plus délicate selon le journal : « l’adhésion de Cozzolino à la commission parlementaire spéciale sur le programme Pegasus » qui a eu lieu en janvier 2022 et qui était « planifiée, compte tenu de l’implication publique du Maroc dans ce dossier ».
Mais après son arrestation, c’est Panzeri lui-même qui a admis que l’accord avec les services secrets de Rabat était en place depuis au moins trois ans : « Nous aurions travaillé pour éviter des résolutions contre le pays et en échange nous aurions reçu 50.000 euros, cet accord a été fait au Maroc et dans un certain sens il s’est poursuivi – a dit Panzeri devant les enquêteurs – par l’intermédiaire de l’actuel ambassadeur qui est à Varsovie, Abderrahim Atmoun ».
« L’actuel président de la délégation pour les pays du Maghreb (Cozzolino, ndlr) a aussi la possibilité de demander des résolutions d’urgence, quelque chose qui ne passe pas par nous et se fait de manière indépendante », a ajouté Panzeri dans ses aveux.
L’eurodéputé Cozzolino a été suspendu le 16 décembre du registre des membres et électeurs du Parti démocrate ainsi que de tous les postes au sein du parti après que son nom ait figuré dans l’enquête du procureur belge.
Et le 2 janvier, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a annoncé avoir lancé une procédure urgente pour lever l’immunité de deux eurodéputés : Cozzolino et le Belge Marc Tarabella.