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Effondrement-décomposition des partis politiques algériens, désaffection de la population et la crise de la représentation (1e Partie)

Par Mohamed Belhocine *

 »Ce n’est pas la loi qui soude en dernière instance des groupes humains mais la capacité de distinguer ses amis de ses ennemis ».

(Carl Schmitt, La Notion du politique. Théorie du partisan, Paris Broché, 1932, 1962, 323 p).

Quand les catégories politiques disparaissent du champ de la confrontation du (le) politique en Algérie, 2 effets pervers alors vont apparaitre, uno les partis se transforment en coquilles vides faute de savoir désigner l’adversaire ou l’ennemi politique, étant donné qu’ils ne sont pas enchâssés dans les luttes populaires et les lignes de masse (c’est le cas de tous les partis algériens aujourd’hui). Et, ensuite le risque élevé, qu’ils basculent et dégénèrent au profit des catégories proto-fascistes. 

Cette vacuité et dérive des partis ‘’politiques’’ algériens (qui n’ont rien de politique) les vouera objectivement à être utilisés par le pouvoir que comme palliatifs et tremplins pour occuper les fonctions de l’Etat. Ce en quoi se limite le ‘’politique’’ en Algérie. Ce sont ces 2 dérives métapolitique (méta veut dire loin et au dehors) qui sont à l’origine de l’effondrement-décomposition des partis algériens et de la désaffectation massive de l’électorat algérien de (le) politique (plus de 80% d’abstention aux votes).

Cette désaffection de l’électorat est la principale source de la crise de la représentation qui dévitalise notre légitimité politique et affaiblit le prestige moral du régime algérien dans le concert des nations. L’indigence intellectuelle de nos partis, fait qu’ils n’ont pas compris que le politique est l’idée d’antagonisme révèle l’existence de conflit pour lesquels il n’y a pas de solution rationnelle. C’est un bras de fer permanent et rapport de force à mort dont ne peuvent sortir vainqueur que les luttes populaires contre l’oligarchie corrompue, financière et rentière.

Les luttes antagoniques sont inexistantes en Algérie, entre ami/ ennemi, population/oligarchie, caste/peuple etc… ce sont elles qui donnent tout leur sens et sont à la base des luttes politiques, sociales et économiques et qui dès fois vont régenter et déterminer d’autres formes de combat contenus dans des catégories politiques. .

Faute de catégorie de lutte politique, la fonction politique en Algérie se limite stricto sensu à une compétition entre ‘’élites’’, dissimulée par des partis coquilles vides, ayant pour unique fixation d’accéder au pouvoir et à la richesse en final.

Dans la dispute électorale en Algérie, il n’y a rien de substantiel. Nos partis n’ont pas de ligne directrice claire, plus d’identité sociale, faute de catégorie politique. La mission de nos partis est d’enterrer le politique.

Tous nos partis politiques assimilent le politique à un terrain neutre où différents groupes et ‘’élites’’ se cachent dans des partis ‘’false flags’’ qui s’affrontent pour occuper des positions de pouvoir et de l’Etat. Selon eux, le but de la politique consiste et se limite à déloger certains pour prendre leur place.

Jamais ils ne remettent en cause l’hégémonie dominante et faire l’effort politique de diffuser dans ‘’le sens commun’’ (Edahn El A’âm) de notre population, une contre-hégémonie pour transformer en profondeur les rapports de pouvoir et mobiliser massivement l’électorat.

Donc nous assistons tout bonnement à une compétition entre ‘’élite’’ qui n’a rien de politique, parfaitement illustrée et vérifiée par la récente déclaration sans substance d’un paltoquet des hauteurs d’Alger qui ose affirmer : « nous devons construire un multipartisme qui participe à la vie politique ». Donc selon lui le politique se limite à quémander des postes d’Etat. Cette déclaration saisissante à la limite du burlesque, démasque la fonction pervertie de nos partis politiques qui se cantonnent seulement à jouer un rôle de tremplin et masque pour que les ‘’élites’’ accèdent aux postes de supplétifs du pouvoir. Le pouvoir politique s’arrache par les luttes dont l’essence même est inscrite dans les catégories politiques. L’opportunisme de nos méta-politiciens, troublant et pathétique, n’est que le reflet de leur ignorance et indigence de la chose politique. Personne n’a compris ce qu’est le ou la politique.

C’est cette absence sidérale des catégories politiques qui se trouve être à l’origine de l’effondrement-décomposition des partis et qui a pour corollaire automatique la crise de la représentation et la désaffection totale de nos populations à l’égard de la mascarade des partis, utilisés seulement comme registre de commerce par une ‘’élite’’ pour accéder au pouvoir.

Les catégories politiques sont :   

Ami/Ennemi, Dominants/Dominés, Caste/Peuple, Oligarchie/Citoyens, Privilégiés/Défavorisés etc.

Les catégories proto-fascistes sont :

Bien/Mal, le Licite/l’illicite, Race 1/Race 2, Religion 1/ Religion 2, Confession 1/ Confession 2, Ethnie 1/ Ethnie 2, Nationaux/Migrants etc.).

Le Proto-fascisme est ce bouillonnement idéologique à la base du fascisme annihilant le politique, c’est l’étape ultime qui précède le chaos fasciste, et, qui durant sa gestation voit naître les milices armées (le FIS en Algérie ; les chemises noires, milices armées que l’Italie a connu dans les années 1920 ; les chemises brunes, milices armées que l’Allemagne a connu dans les 1930).

Antonio Gramsci dans ses cahiers de prison [édit. Gallimard, 1996. 1, § 132 : p. 119-120 ; Cahier 1, § 157 :  p. 137-138 ; Cahier 4 [b], § 2 [G § 2] : p. 421], nous met en garde et dresse une liste de 14 symptômes annonciateurs du proto-fascisme :

1- Le culte de la tradition ; 2- Le refus du modernisme ; 3- Le culte de l’action pour l’amour de l’action ; 4- Il ne peut y avoir d’avancée du savoir ; 5- La peur innée de la différence ; 6- L’exploitation de la frustration ; 7- L’obsession du complot ; 8- L’humiliation par la richesse de l’ennemi ; 9- La vie est un état de guerre permanent ; 10- Le mépris nietzschéen des faibles ; 11- Le culte de l’héroïsme et de la mort ; 12- Le machisme contre les femmes ; 13- Le leader est l’interprète de la voix du peuple ; 14- L’utilisation d’un lexique pseudo-religieux indigent, pauvre et binaire sans aucune nuance : Le Bien contre le Mal (une catégorie par prédilection proto-fasciste).

Un programme politique d’un parti relève de (la) politique et non du (le) politique, c’est à cette confusion, que nous voudrions nous attaquer pour identifier en quoi consiste cet Ultima Ratio métapolitique qui germera en l’absence du (le) politique.

L’apparition de nouvelles identités politiques ne signifie pas que la classe ouvrière a disparu, elle s’est rétrécie et cela ne sert à rien de l’essentialiser, car elle n’est plus ce qu’elle était à la période du fordisme (1900-1965) où elle était prépondérante. Le concept du fordisme a été créé par Gramsci qui n’a pas vécu la période post-fordiste (décédé en 1937).

Dans le régime d’accumulation fordiste, la classe ouvrière est dominante et à un grand poids dans le rapport entre le travail et le capital dans un système de production fondé sur le travail à la chaine, la standardisation de la production avec des salaires élevés et l’apparition de grands ensembles industriels intégrés. Le régime fordiste a tenu bon jusqu’en 1965, début de la crise de surproduction du capitalisme, la demande ralentit, ce qui a mis les entreprises en surcapacité de production. Les prix augmentent comme parade à la baisse des ventes pour maintenir les marges bénéficiaires (inflation atteint 20%), chez les détenteurs de capital, mais un contre coup ou effet de bélier va vite apparaitre dû à cette baisse de la demande qui entraine une chute des niveaux des prix qui génère à son tour des ventes de détresse et catastrophe entrainant une forte chute de la valeur nette des entreprises, avec son lot de faillites, chute des profits, réduction de la production, du commerce, de l’emploi conduisant à la thésaurisation et au ralentissement de la vitesse de circulation de la monnaie. A son tour le secteur public subira une diminution drastique des recettes fiscales ce qui pousse les Etats à recourir à l’emprunt et à l’endettement.

Suite à cette crise de la surproduction, le capitalisme n’a plus les moyens de renouveler ses équipements de production, par ricochet se retrouve dans l’impossibilité de maintenir le niveau des salaires pour assurer ses superprofits. Le front social, l’intransigeance des syndicats et les luttes ouvrières combinés vont s’accentuer et s’exacerber pour maintenir le niveau des salaires d’avant la crise ; en 1980, le capitalisme pour maintenir le niveau de ses superprofits, refuse le partage de la plus-value avec la classe ouvrière et pour assurer sa survie, n’a d’autre alternative que de délocaliser et faire migrer son outil de production vers les pays à bas coût salarial (Chine, Vietnam, Indonésie, Philippines, Thaïlande etc..).

Pour accompagner cette nouvelle orientation du capitalisme, la Doxa néo-libérale monétariste (avec son mode d’application pionnier, accouché après le coup d’Etat sanglant au Chili provoquant plusieurs milliers de victimes et de disparus contre le président socialiste Allende le 11 septembre 1973) prônée par l’école monétariste de Chicago et son chef de file Milton Friedman (les Chicago Boys), va se diffuser à la vitesse de l’éclair chez les élites économiques et politiques occidentales (Thatcher & Reagan) entrainant dès le début des années 1980 des changements importants dans le contenu des politiques publiques en occident, prônant une austérité drastique accompagnée par le recourt massif aux banques privées pour emprunter et aux obligations générées par la planche à billet du trésor US (Le pétrole et les dépenses militaires américaines sont financés gratuitement depuis 1945 à ce jour par la vente massive d’obligations dollars en papier principalement vers les pétromonarchies).

C’est le début du régime post-fordiste et la naissance des holdings financières, c’est à dire l’apparition de la rente hors du circuit de production notamment dans les banques, la dette, l’immobilier et les assurances. Cette financiarisation de l’économie, verra naitre les fonds spéculatifs adossés aux produits dérivés (qui ne financent pas l’économie de production), transformant les bourses en de gigantesque casinos de jeux et loteries, où en misera sur le dollar pour gagner des dollars. Premier effet pervers constaté est la concentration des capitaux entre les mains d’une minorité de créanciers, les 1% qui vont devenir 0,1% aujourd’hui (les strausso-khazars néoconservateurs qui dominent les deux places financières mondiales de New York et Londres).

Cette injustice ne sera jamais corrigée au contraire nous allons constater l’évolution de profondes inégalités à travers le monde. La structuration des holdings financières va mettre en œuvre les mesures de dépossession (privatisations des biens publics et de la terre) dites par euphémisme, mesures ou programmes d’ajustement structurels (P.A.S). Cette crise de la valeur de la production du capitalisme sera le prélude à sa chute inéluctable malgré sa tentative de fuite en avant pour créer de fausses valeurs basées sur des supercheries et méga-mensonges (faux vaccins Covid (thérapie génique), l’inefficience des batteries en Lithium, fausse transition énergique, l’imposture de la taxe carbone et du réchauffement climatique, les climatocinglés de Wall Street vont jusqu’à proposer l’arrachage des arbres, l’élimination des vaches et la diffusion de la craie dans l’atmosphère, la supercherie du vecteur énergétique H² dont le bilan global énergie est négatif (personne n’en parle), numérisation de la monnaie (voler l’épargne des ménages pour l’utiliser frauduleusement) etc… Le tout accompagnées par l’Etat d’exception (mesures et lois liberticides vont naitre sous la coercition et la peur pour imposer ce dictat ‘’économique’’ de la fausse valeur par la soumission, la servilité, et l’esclavage des populations occidentales ad vitam aeternam).

Suite à ce succinct et rapide panorama, il faut retenir que le rétrécissement de la classe ouvrière, ne signifie nullement que la classe ouvrière a disparu, certes dominante durant la période fordiste mais en net recul durant la phase post-fordiste liée à la financiarisation et l’apparition de nouvelles identités politiques. Car le politique ne disparaitra jamais et est lié à la structuration de la vie humaine (l’homme est un animal politique).

Le recul de la classe ouvrière durant cette phase post-fordiste, va donner naissance à de nouvelles  identités politiques qui vont murir et cheminer par 03 étapes : les identités collectives vouées à se subdiviser naturellement et objectivement en plusieurs identités sociales en fonction des attentes et des revendications de chacune étant donné qu’elles sont hétérogènes au départ, s’ensuivra que ces identités sociales vont se regrouper selon une chaine d’équivalence au sens mathématique du terme, en identités politiques, qui vont à leur tour se répartir en groupes classifiés selon les luttes et lignes de combat de chacune. Toutes ces luttes objectives passeront par une lente maturation, vont se confondre dans une seule catégorie politique qui se décline en plusieurs sous catégories politiques : le peuple contre la caste, les dominés contre les dominants, le peuple hétérogène contre l’oligarchie (El issaba), les défavorisés contre les privilégiés, les citoyens contre l’oligarchie financière et rentière etc.

Le politique c’est l’idée d’antagonisme qui révèle l’existence de conflit pour lesquels il n’y a pas de solution rationnelle.

Carl Schmitt fait le distinguo entre « Le politique » uni-dimensionnellement antagonique et inhérent aux sociétés humaines, et « La politique », qui est l’ensemble des pratiques et institutions essayant d’établir un ordre, des programmes à mettre en œuvre pour organiser la coexistence humaine dans le contexte de la conflictualité générée par « le politique ».

« Le politique » comme dimension suppose conflit et antagonisme. Si « Le politique » existe dans la société, c’est parce qu’il comporte la dimension du conflit des sociétés humaines.

Quand les catégories politiques disparaissent du champ de la confrontation du (le) politique en Algérie, 2 effets pervers vont apparaitre automatiquement :

– La désaffection des populations envers les élections génère un très faible taux de participation, d’une part et d’autre part les partis seront dans l’incapacité structurelle de pouvoir s’enchâsser dans les revendications et préoccupations quotidiennes des masses, se transforment en coquilles vides, voués naturellement à l’effondrement et à la décomposition.

– Le risque élevé de basculement des partis au profit des catégories proto-fascistes, populistes ou religieuses. Lorsque la relation ami/ennemi n’est plus cantonnée aux frontières et se transporte à l’intérieur d’un Etat, cette négation existentielle ne vise plus l’étranger, mais des groupes de concitoyens, identifiés en raison de leur classe, leur race, leur ethnie, leur religion, leur confession, leurs nationalités (migrants) ou leurs opinions. L’ombre de la guerre civile s’étend alors à l’intérieur de la société. Cette dernière est menacée de dislocation et son sort dépendra d’un chef fort qui saura incarner la nation, celui qui saura imposer sa volonté en cette circonstance décisive, soit qu’il ressoude la société en désignant un ennemi extérieur, soit qu’il désigne officiellement le véritable ennemi intérieur et réussisse à l’éliminer (l’oligarchie financière et rentière).

*Docteur en physique, DEA en économie

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