A la une, Mondactu

Niger : Manifestations, attaque meurtrière, négociations …

Par Nedjma Baya Merabet

Après le rassemblement imposant qui a rempli le stade Seyné Kountché à Niameypour recevoir les représentants du CNSP, après plusieurs manifestations attestant du soutien du peuple ou du moins d’une partie au CNSP, le peuple du Niger s’est encore mobilisé et est allé manifester son exigence de retrait des forces armées françaises de leur pays.

En effet, après les nouvelles tombées à propos de l’attaque de Bourkou Bourkou, rappelons-le près du site aurifère de Samira, qui a fait selon certaines sources ( qui prétendent relayer un communiqué du CNSP ) *, 5 morts parmi les soldats de la garde nationale et 4 blessés dont 2 graves, la population de Niamey s’est largement mobilisée de façon impressionnante aux alentours de la base militaire française de Niamey. Des milliers, des dizaines de milliers, des centaines peut être, de nigériens se sont agglutinés autour de la dite base pour revendiquer le départ de celles-ci.
Ces derniers jours, aux vu des évolutions, du discrédit qui touche la Cédeao, les forces du changement au Niger continuent leur prudente ascension. Après les centrales syndicales des travailleurs, des commerçant, après les directions des organisations religieuses du Niger, c’est au tour des organisations féminines de la société civile de déclarer, à travers leur porte parole Rokaya Mounkaila, leur ralliement au CNSP.

Dans leur déclaration, elles affirment leur ferme soutien au processus de transition en cours. Ce « front féministe » rassemble de nombreuses associations dont certaines s’occupant du sort des veuves et orphelins, notamment de la guerre contre le fléau du terrorisme.  Ce rassemblement appelle également la CEDEAO à lever les sanctions qu’elle a imposées à leur pays déjà bien éprouvé par la pauvreté, le terrorisme et les tiraillements géostratégiques. Elles en appellent à toutes les « autorités traditionnelles et religieuses de continuer de privilégier le dialogue et la médiation des valeurs sociétales africaines en vue d’épargner les vies de nos populations ». Elles se sont également fortement indignées et ont exprimé leur opposition vigoureuse à toute intervention militaire au Niger dont les conséquences seront innommables. 

Du côté du Nigeria, les dignitaires religieux qui avaient obtenu audience auprès de leur président pour lui demander de lever les sanctions et d’éviter la solution militaire se sont rendus aujourd’hui à Niamey pour tenter de constituer une médiation.
Laurent Gbagbo dans son discours à la nation à l’occasion de la fête nationale de l’indépendance de la Côte d’Ivoire a réitéré sa condamnation des sanctions et menaces venant de la cedeao- et à présent de l’UA à travers son président de commission Moussa Faki Mahamet – contre le Niger. Malheureusement ce discours dans sa version intégrale est à présent introuvable sur la toile ! Mais son discours du 2 août était déjà bien éloquent par son positionnement ferme, et son analyse pointue.
L’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, Simone Ehivet Gbagbo, dirigeante du mouvement des générations capables ( MGC) a quant à elle exposé une fine analyse stratégique, avec les mises en garde que cela comporte, dans un vibrant plaidoyer pour la paix, s’insurgeant sans hésitation aucune contre toutes les formes de décisions et actions injustes envers « le peuple frère du Niger ». Considérant que les sanctions sévères de la cedeao contre le peuple du Niger relèvent du crime contre l’humanité.
Tout autant que ces sanctions sont illégales eu égard au règlement même de l’organisme, Simone Gbagbo nous rappelle que le président Ouattara a d’abord besoin de l’accord du parlement avant de décider de la participation de l’armée Ivoirienne à une quelconque guerre, sa déclaration et décisions sont en conséquence illégales. 
De l’autre côté de l’Atlantique, il semblerait que la visite du ministre Algérien des affaires étrangères Ahmed Attaf ait été fructueuse puisqu’une déclaration commune a été signée avec son homologue états-uniens qui stipule de favoriser la solution de dialogue et d’éviter l’embrasement inutile.
Résultat, la réunion des chefs d’état major de la CEDEAO qui se dote d’un conseil de sécurité par la même occasion, prévue le 12 aout à Accra est annulée.
Certaines rumeurs, ou plus exactement des tweets d’activistes  prétendent que le roi Ashanti ( vieux royaume dont subsiste les structures sociales et leurs pyramides hiérarchiques, en Afrique de l’Ouest, surtout au Ghana et en Côte d’Ivoire), aurait ainsi interpellé le président Ghanéen Nana Afuko-Addo : «  Ce ne sera pas au Ghana que vous allez décider d’aller en guerre contre les Haoussa… qui sont nos cousins… vous n’avez aucune culture de l’Histoire du royaume Ashanti ! ». Si cela parait quelque peu insolite, non seulement la situation s’y prête mais encore, certains y croiront sans se faire prier, et ceci fait partie de la guerre psychologique…
Quoi qu’il en soit, une partie des capitales de la CEDEAO ont fermement exprimé leur refus de l’intervention militaire et leur condamnation des sanctions, d’autre ont reculé ou hésité, leurs sociétés civiles se mettant sérieusement en branle sur cette question de la crise du Niger.
La CEDEAO après avoir pris de sacré revers se retrouve dans une situation délicate fragilisée voire décrédibilisée.
 De son côté, l’Union Européenne n’a pas non plus pu construire une action consensuelle pour ce qui concerne le Niger, et de nombreux pays ont refusé d’engager leurs moyens dans une quelconque intervention militaire au Niger. Cette crise dessine encore des failles au sein de l’UE.
Du côté de la France, c’est d’une complexité inouïe. Malgré l’existence de courants politiques ou de forces favorables à un changement de politique vis-à-vis de l’Afrique, les lobbys ainsi que les traditions politiques économiques diplomatiques et militaires colonialistes restent tenaces, et les ressorts de transition difficiles à mettre en place. 94 parlementaires de tous bords politiques ont signé une lettre adressée au président de la république française sur « l’échec de l’opération Barkhane ».

Les suppositions et les scénarios plausibles commencent à apparaitre dans la presse électronique, chez certains analystes, ou sur les réseaux sociaux. Si l’on en croit l’article d’ Africa Intelligence, qui donne de nombreux détails précis sur la visite furtive et très secrète du président Togolais Faure Gnassingbé à Niamey, celle-ci aurait suscité l’irritation du président Nigérian Bola Ahmed Tinubu, ainsi que celle du président Sénégalais Macky Sall. Dans cet article, des détails tout aussi pointus sur les conditions de sécurité renforcées autour du président déchu Mohamed Bazoum sont exposés. Cela nous rappelle que les puissances occidentales ont encore cet avantage sur l’Afrique de pouvoir surveiller les moindres faits et gestes de tous grâce à leurs satellites et drones en tous genres. Et comment découvrir et déjouer les plans les plus machiavéliques qui sont certainement en train d’être élaborés ?

*En revanche, un communiqué officiel du CNSP est disponible qui atteste des soldats blessés, avec les images des responsables militaires rendant visite aux soldats de la Garde Nationale blessés ( La Garde nationale, rappelons-le, est depuis 2003 sous la tutelle du ministère de l’Intérieur de la république du Niger). 

 

Partager cet article sur :

publicité

Dessin de la semaine

Articles similaires