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Quand le Français considérait l’Algérien assimilable à la nation française

Ce sont les mêmes énergumènes appartenant à la même obédience politique cocardière française qui, hier, se battaient, au péril de leur vie, contre les Algériens pour les maintenir dans le giron de la France, en dépit de leurs particularismes culturels et religieux radicalement différents, qui, aujourd’hui, proclament, à propos des citoyens français ou immigrés d’origine algérienne, leur in-assimilation foncière à la société française du fait de leurs supposés mœurs «étranges et étrangères».

Par Khider Mesloub

Ce sont les mêmes énergumènes appartenant à la même obédience politique cocardière française qui, hier, se battaient, au péril de leur vie, contre les Algériens pour les maintenir dans le giron de la France, en dépit de leurs particularismes culturels et religieux radicalement différents, qui, aujourd’hui, proclament, à propos des citoyens français ou immigrés d’origine algérienne, leur in-assimilation foncière à la société française du fait de leurs supposés mœurs «étranges et étrangères».

Quand bien même seraient-ils nés en France, auraient-ils été scolarisés dans une école publique française, ne parleraient aucunement la langue de leurs aïeux, ils seraient toujours frappés d’opprobre racial, condamnés à l’indignité nationale par ces nostalgiques de l’Algérie française. 

En effet, paradoxalement, c’est cette même France qui avait mobilisé 2 millions de soldats durant plus de sept ans (1954-1962) pour entraver par la force armée 10 millions d’Algériens de prendre leur indépendance, pour les maintenir par la contrainte armée dans le giron de la société française, qui les déclare aujourd’hui indésirables, car impossible de les intégrer dans la République française du fait de leur supposée culture dissemblable et de leur fantasmagorique religion musulmane, incompatibles avec la société gauloise.

Supposée culture et fantasmagorique religion musulmane car ces deux entités demeurent étrangères à la plupart des Français d’origine algérienne, qui ne parlent ni la langue arabe , ni ne maîtrisent le corpus coranique, ni ne possèdent l’habitus algérien.

Huit ans durant, les Français ont livré une guerre exterminatrice aux Algériens pour les contraindre à demeurer au sein de la France, à vivre avec les Français. La France ne voyait aucun inconvénient ni contradiction d’imposer bessif au peuple algérien le «vivre ensemble» avec le peuple français. Mieux, la France enseignait le plus naturellement du monde aux écoliers algériens « Nos ancêtres les Gaulois ». « Nos ancêtres communs ». Notre avenir inséparable commun ». 

Tous les Français plaidaient la cause de l’Algérie française, estimant que les Algériens, en dépit de leurs particularismes ethniques, linguistiques, culturels et religieux distincts, faisaient partie intégrante du socle commun national français.

De Paris à Tamanrasset, en passant par Marseille et Alger, pour les Français, les habitants de ces villes ne formaient «qu’un seul et unique peuple». Malgré les protestations des Algériens qui réclamaient leur droit à l’autodétermination, leur aspiration de s’émanciper du joug colonial de la France, les Français leur déniaient cette perspective d’indépendance au nom du maintien de «l’unité nationale». C’est-à-dire qu’ils considéraient les Algériens, en dépit de leurs «particularismes», comme des «citoyens français».

Aujourd’hui, les mêmes Français ne cessent de clamer à qui veulent les entendre, en résumé : «Nous ne voulons pas vivre avec les Algériens vivant en France car ils gangrènent l’intégrité et l’intégralité de notre société française. Nous ne voulons pas de ce vivre ensemble avec les Algériens car nous voulons permettre à nos enfants de vivre seulement avec leurs semblables, les Blancs, ceux qui partagent nos valeurs ancestrales européennes et chrétiennes.»

Curieusement, hier, à une époque où l’Algérien était pourtant pétri encore d’archaïsmes, le Français le considérait, certes, tardivement (à partir seulement des années 1940-1950) comme assimilable à la nation et la culture françaises. Donc digne d’être élevé au rang de citoyen français, quoique d’ethnie arabe ou berbère, et de religion musulmane. Aujourd’hui, à notre ère où les Algériens sont en majorité diplômés, éduqués et ancrés dans la modernité, à plus forte raison les citoyens d’origine algérienne nés en France, ils sont devenus, aux yeux de ces mêmes Français, inassimilables. Vecteurs de conflits culturels.

Les Algériens, hier combattus par la France pour les maintenir de force dans l’espace national et culturel français, sont considérés aujourd’hui comme des envahisseurs qui « menacent l’identité française », la sécurité du pays.

Hier, 10 millions d’Algériens – qui seraient aujourd’hui au moins au nombre de près de 50 millions de «Français musulmans» – du fait de leur forte natalité, qui plus est circulant librement entre les deux territoires, demeurés au sein de la France, ne constituaient aucune menace pour la culture française, ni un danger pour la survie de l’identité de la France. Aujourd’hui, ces mêmes Français ou immigrés d’origine algérienne menaceraient la culture française. L’identité gauloise. La nation française.

Le paradoxe est qu’hier, à l’époque coloniale, les Français prônaient une politique d’assimilation des Algériens, tandis qu’ils privaient ces mêmes Algériens de la citoyenneté. Aujourd’hui, la majorité des Algériens établis en France ont acquis la citoyenneté (nationalité) française, mais sont considérés néanmoins comme in-assimilables. 

Comment expliquer cette posture à géométrie variable des Français à l’égard des Algériens, sinon par la mentalité française empreinte d’imposture ? Ou d’hypocrisie ? Ou de racisme sournois ?

Quoi qu’il en soit, de nos jours le Français d’origine algérienne, musulman, laïque ou même athée, a beau partager 99% de son mode de vie avec son compatriote ou concitoyen «de souche», notamment par l’exercice du même métier, la possession de la même instruction éducative, la même formation professionnelle, le même cursus universitaire, le même diplôme, la même habitation (pourvue des mêmes commodités), l’usage du même transport individuel (voiture) et commun (bus, métro, train), les mêmes habits, les mêmes goûts musicaux et cinématographiques, la même passion pour la littérature française, pour le sport (notamment le plus populaire : le football), il est toujours considéré comme un Français de papier. 

Par préjugés racistes et stéréotypes culturels, le Français conditionné par l’idéologie néocoloniale perçoit tout Algérien français ou immigré, même s’il maîtrise tous les codes culturels et linguistiques de l’Hexagone, comme un étranger in-assimilable, frappé donc d’indignité nationale. 

Au vrai, c’est cette espèce d’immonde Français anti-algérien qui n’est pas assimilable à l’humanité car frappé d’indignité morale.

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