Par: Nedjma Baya Merabet
Le comité de soutien Assange a posté un tweet ce matin annonçant l’interdiction par la préfecture de Paris du rassemblement prévu le 3 septembre prochain à 14h.
Le rassemblement avait été annoncé dans un communiqué, ci-joint, qui avait été diffusé dans les réseaux militants, journalistiques etc. 22 organisations et médias indépendants sont signataires de l’appel au rassemblement maintenu malgré l’interdiction de la préfecture.
Juste avant que ne tombe l’information de la proscription de la manifestation, Laurent Dauré, le porte parole du comité de soutien Assange nous explique qu’il est impossible de prévoir un rassemblement devant l’ambassade des USA car c’est infaisable d’un point de vue logistique. L’emplacement même est conçu pour empêcher toute action de ce type.
Dans le communiqué, il est précisé que lors de la rencontre annuelle entre les USA, le Royaume Uni et l’Australie, intitulées les discussions Ausmin, la chef de la diplomatie australienne avait timidement évoqué le cas de Julian Assange. Le secrétaire d’Etat états-unien Anthony Blinken avait opposé une stricte fin de non recevoir : « Les accusations contre Julian Assange relèvent de crimes graves qui ont sérieusement compromis la sécurité nationale américaine, ainsi que les vies de personnes engagées sur le terrain ». Et d’ajouter : « Nous comprenons les préoccupations de nos amis … mais il est important qu’eux aussi comprennent les nôtres : c’est-à-dire le rôle de Assange dans l’une des plus grandes compromissions d’informations classifiées de notre pays ». Une attitude bien audacieuse tandis que l’analyste de l’armée américaine Chelsea Manning, qui a permis la fuite des documents, aidée par Assange, a bénéficié d’une remise de peine sous l’administration Obama ( de 35 à 7 ans ), et est à présent libre depuis 2017.
Les pourparlers d’Ausmin sont des rencontres annuelles entrant dans le cadre des accords Aukus, un important accord de coopération militaire entre les USA, le Royaume Uni et l’Australie, divulgué par l’administration américaine en septembre 2021 (en renforcement des accords Anzus de 1951). Cet accord a pour principal et très trivial objectif le cantonnement de la Chine dans son environnement naturel qu’est l’Asie du Sud-est. Les Etats-unis – malgré les protestations de quelques élus républicains plaidant plutôt pour une augmentation de la production américaine – envisagent de permettre à l’Australie la fabrication de missiles ainsi que de sous-marins à propulsion nucléaire (en remplacement des modèles que possède l’Australie, à moteur diesel). Dans un article du Guardian datant d’un peu plus d’un mois, le lien est directement établi entre la timidité de la réaction australienne quant à son ressortissant emprisonné à Londres depuis plus de 4ans et qui risque l’extradition vers les Usa, et ces accords de coopération militaire.(1)
Entre temps, les projets de fabrication de 8 sous-marins à technologie anglo-saxone en Australie a enregistré un important retard. Seuls 3 sous-marins seront construits sur le sol australien, les 3 à 5 autres manquants devront être achetés aux Usa, qui possède déjà un carnet de commande bien chargé.(2)
Une question s’impose : Comment se fait-il que les autorités ( ou plutôt les stratèges) française n’ont pas anticipé sur les choix des australiens qui ont préféré payer la bagatelle de 550 millions d’euros de dommages pour rupture de contrat au fabricant français Naval Group ? Le concept de mini-réacteur nucléaire (servant à faire fonctionner des sous-marins ou des aéronefs, et leur octroyant plus d’autonomie et de capacités) a été présenté pour la première fois par l’Argentine en 1984 (3). Si le développement de c ette technologie n’a été entamé que vers les années 2010, il est pour le moins intriguant que la France accuse de tels dysfonctionnements stratégiques, qui nous rappelle éventuellement les trahisons sur l’affaire Alstom.
On ne peut s’empêcher de penser également à l’épisode du 4 mai 2022. Le parlement britannique avait demandé l’ouverture d’une enquête judiciaire contre le gouvernement français, l’accusant d’avoir doté les missiles Exocet vendus à l’Argentine de système dissimulé de désarmement à distance. Une accusation semble-t-il bien mal placée ( du moins selon les dissidents français) de la part d’un pays connu pour son cynisme et sa duplicité. Quoi qu’il en soit, cette affaire aura participé non seulement à discréditer les français (gouvernement et industrie militaire) mais également à isoler encore plus la France, ainsi qu’à l’affaiblir, déjà qu’elle est à la traine concernant le développement de cette technologie.
Celle-ci semble avoir des alliés bien plus hostiles que ne le sont ses adversaires ou même ennemis officiels !
Le cas de Julian Assange cristallise une bataille à très haut niveau entre les forces qui anticipent l’avenir et celles qui s’accrochent à un passé déjà révolu et consommé, il est au cœur de la lutte pour le nouveau monde (mais lequel ?), et son avenir et sa survie étroitement dépendants de l’évolution des rapports de force mondiaux et de celle de la gestion de dossiers bien lourds.
C’est donc à la société civile partout dans le monde de se mobiliser et faire pression sur les états, mais également de se pencher sur ces questions militaires sensibles. Plus les activistes et militants seront informés et documentés, moins les politiques irresponsables auront de latitude.
1- https://www.theguardian.com/australia-news/2023/jul/29/julian-assange-us-rejects-australias-calls-to-free-wikileaks-founder-during-ausmin-talks
2- https://www.geo.fr/geopolitique/crise-des-sous-marins-aukus-australie-ne-construira-finalement-que-la-moitie-des-navires-et-achetera-les-autres-aux-etats-unis-215229
3- http://stratediplo.blogspot.com/2021/10/les-mini-reacteurs-nucleaires.html
4- http://stratediplo.blogspot.com/2022/05/rappel-opportun-dinimitie.html
