Par Mohamed Belhoucine
La science économique néoclassique néolibérale ,une science frauduleuse.
Karl Popper (1902-1994) est l’un des principaux philosophes et épistémologues des sciences du XXe siècle (voir ses deux ouvrages fondamentaux, Conjectures et réfutations, la croissance du savoir scientifique édit. Payot, 1962 ; La logique de la découverte scientifique, édit. Payot 1934), a attiré notre attention sur la faible efficience explicative et prédictive de la science économique néoclassique.
Selon lui, la science économique néoclassique est une « science autiste » coupée du monde réel et de sa compréhension. A vrai dire pour Popper la science économique néoclassique n’est pas une science, car sa donne initiale est idéologique, le libéralisme individuel entretenu par la tradition post classique. La nouvelle école marginaliste (Léon Walrass entre autres..) dite nouvelle école néoclassique, sa stratégie a consisté à rendre invisible l’extraction de la rente au lieu de rester au centre de l’attention qu’elle occupait dans l’économie politique classique et projette les tendances existantes dans un environnement politico-économique statique supposé ne pas changer (« toutes choses égales par ailleurs », ceteris paribus).
A ce titre Popper fera référence à l’Allégorie du lampadaire pour que nous soyons mieux édifiés face à cette incomplétude de la théorie économique néoclassique. C’est le fameux apologue de l’homme qui perd ses clefs de voiture dans la rue en pleine nuit, ne les cherche que dans une petite zone, non parce que c’est là qu’il pense les avoir perdues, mais parce c’est le seul endroit que le lampadaire éclaire. L’homme représente les économistes, le lampadaire leur théorie, les clefs les faits à théoriser dont il faudrait s’occuper.
L’ossature de toute théorie se compose par des hypothèses, des définitions de base, de catégories conceptuelles et de données quantitatives.
Les faits pertinents sont les statistiques qui retracent l’évolution de la richesse et des revenus, et qui répondent à des questions telles que : qui est propriétaire de cette richesse ? Comment est-elle obtenue ? Qui finit par devoir combien à qui ?
Détourner l’attention du public de ces réalités statistiques est une forme de tromperie. C’est la raison d’être et la mission des pseudo-experts organiques liés au pouvoir néolibéral et au milieu d’affaires devenus employable au vu de leur ignorance totale sur les mécanismes du comment se constituent les rentes et pourquoi elles ne sont pas comptabilisées (beaucoup de ces employables jouent le rôle de ‘’nègres plumitifs’’ faisant l’apologie et la publicité des affairistes et des rentiers, et se transforment, sans gène, en laudateurs invétérés du néolibéralisme en Algérie, par récompense se feront attribuer un siège en chocolat dans les académies des pays capitalistes pour services rendus).
Le principal critère d’excellence théorique d’une discipline est sa cohérence interne avec la réalité et non avec la tautologie sans fin des hypothèses. Ce qui rend l’économie néoclassique « pure » comme si la réalité était une impureté gâchant la beauté de la logique abstraite. Le néolibéralisme et la théorie économique néoclassique, leur objectif est de détourner l’attention du monde réel vers un monde fictif fondé sur des « comme si ».
On nous a (très mal) enseigné en classe d’économie post classique, que l’économie consiste à faire des choix entre des ressources rares. Lorsque les ressources deviennent vraiment rares, les économistes appellent cela une crise. En nous faisant rechercher avec beaucoup de peine dans les travaux dirigés de petits ajustements graphiques dans du papier millimétré à la main (revenus, prix, niveau de salaires, masse monétaire et taux d’intérêt) pour identifier les principaux paramètre dans les politiques économiques structurelles, l’analyse marginaliste ne va très loin. Son court-termisme financier ignore à quel point les économies sont liées à l’asservissement des débiteurs. Presque toutes les approches considèrent l’épargne comme un nouvel investissement financier en capital, censé prendre la forme d’une formation de capital tangible, et pas une simple bulle immobilière ou boursière. Il y’a lieu de reconnaitre comme l’affirme Karl Popper, que l’économie mainstream est un discours pseudo-scientifique au service des rentiers qui éludent la hausse des inégalités et l’endettement des économies. L’orientation fondamentale de l’économie classique est inversée sur la question des ressources dont disposent les Etats pour promouvoir la croissance économique et améliorer les niveaux de vie.
Les bases épistémiques de cette escroquerie.
La réaction anticlassique des années 1870 menée par William Stanley Jevons, Carl Menger et leurs partisans, aboutissent à l’école monétariste de Chicago actuelle, découle d’une manière particulière d’appliquer les mathématiques. Ses abus marginalistes et monétaristes sont devenus tellement importants que les tenants de la révolution néoclassique ont perdu de vue les instabilités structurelles de l’économie. En confrontant les théories mainstream du commerce au fait que les revenus et les salaires au niveau international ont tendance à se polariser plutôt qu’à s’égaliser, ce qui est une contradiction flagrante, infirmée par toutes les statistiques collectées à postériori (OXFAM).
Les économistes néoclassiques usent d’un sophisme et parle d’une réalité qui viole une théorie ! Alors qu’il s’agit de la théorie qui viole la réalité et non l’inverse.
Et l’erreur n’est pas accidentelle lorsqu’elle est maintenue décennie après décennie. Dans de tels cas, il existe toujours un intérêt à détourner l’attention de la réalité économique.
A titre d’exemple concret, dans la théorie du libre échange, les investisseurs mondiaux et les exportateurs des puissances capitalistes s’opposent aux gouvernements qui protègent leur industrie et leur agriculture nationale.
Les exportateurs américains agricoles, par exemple, s’opposent aux tentatives de pays étrangers de devenir autosuffisants en matière de besoins alimentaires de base en s’appuyant sur le type de subventions agricoles nationales que les Etats-Unis ont utilisé pour augmenter leur propre productivité agricole. Les libres échangistes dénoncent donc les gouvernements qui ont la témérité de résister aux sanctions diplomatiques américaines et qui poursuivent une politique indépendante, nationale et étrangère.
Sur ce sillage, la banque mondiale et le FMI ont été créés dans le but de constituer un levier financier contre les gouvernements qui défendent leurs intérêts nationaux et de les amener à devenir dépendants des exportations agricoles américaines ainsi que du crédit en dollars, ajoutant ainsi la dépendance alimentaire à la dette.
Autre escroquerie, le produit intérieur brut supposé mesurer la croissance réelle, comptabilise en grande partie les revenus tirés des activités extractives de rentes souvent frauduleuses.
En gros les 2 blocs impérialistes que sont les Etats-Unis et l’U.E et leur bras armé l’OTAN, utilisent 5 processus de base que sont la colonisation, la dépendance (la dette), la corruption( corrompre le cercle restreint des équipes dirigeants), le contrôle civil (printemps Arabe, le Maidan ou le Hirak) et la force militaire (Libye, Syrie, Palestine, Yémen, Irak, Afghanistan etc..) pour soumettre chaque pays qui figure sur sa liste noire.
La théorie et le vocabulaire de l’économie néoclassique néolibérale fictive servent des intérêts particuliers
La force de Veblen réside dans sa reconnaissance que la théorisation économique néoclassique est le produit d’un intérêt particulier et d’un plaidoyer politique tendancieux. Percevant les préjugés de classe, Veblen considérait la théorie économique comme une apologie en faveur des partisans de telle ou telle politique économique.
Le monétarisme de l’école de Chicago est la perspective des rentiers, des spéculateurs financiers et des commerçants, et non celle des pays qui cherchent à développer leur industrie et leur agriculture. Aujourd’hui cette vision du monde monétariste est un système rhétorique servant les intérêts financiers mondiaux qui dominent l’économie « réelle » avec une impitoyable censure idéologique allant jusqu’aux interventions militaires pour maintenir le fardeau financier de la dette, ce qui rend obligatoire la privatisation et le démantèlement des secteurs publics et l’appropriation de pays entiers (le cas du Pérou est illustratif)..
On se souvient, qu’après le coup d’Etat de 1973 au Chili par le général Pinochet, les économistes de Chicago ont montré leur intolérance intellectuelle face au libre marché des idées économiques en fermant les départements d’Economie et de Sciences sociales de toutes les universités au Chili. Le consensus a été établi non pas par la raison mais en sortant de la scène tous ceux qui désapprouvaient leur politique extrémiste.
L’économie mainstream et l’allégorie du lampadaire mathématique.
Nous avons cité ci-dessus l’allégorie du lampadaire mathématique invoqué par Karl Popper, l’homme qui perd ses clefs de voiture dans la rue en pleine nuit, ne les cherche que dans une petite zone, non parce que c’est là qu’il pense les avoir perdues, mais parce c’est le seul endroit que le lampadaire éclaire. Les problèmes techniques abordés par les premiers économistes mathématiciens, tels que l’utilité psychologique et la formation des prix fondés sur l’offre et la demande, étaient loin d’être considérés comme la plus grande préoccupation à une époque où l’économie politique restait un prolongement de la philosophie morale et de la politique publique.
Les premières applications de la notation mathématique et des graphiques étaient davantage perçues comme relevant de l’ingénierie ou d’une analyse technique que de l’économie politique proprement dite.
Les marginalistes ont opéré une rupture, un premier glissement, en considérant le consommateur plutôt que le producteur/employeur comme le point central du système économique.
L’école autrichienne en particulier a abordé l’économie du point de vue de la psychologie individuelle, attribuant les écarts de richesse à « l’impatience » des consommateurs qui n’ont pas réussi à épargner et à s’enrichir. Comme le cas de l’économie politique d’aujourd’hui, l’effet a été de détourner l’attention de ce qui était autrefois le plus important.
Alors que l’économie mainstream prenait pour acquis l’environnement institutionnel et politique, elle devint une science économique du statu quo, délestée de l’attention portée par les classiques à la richesse, à la façon dont elle est acquise et à la manière dont sa distribution (en fait, sa polarisation, voir Samuelson) affecte l’évolution des relations sociales.
Les modèles d’avantage comparatif et l’analyse de régression présupposent que les structures de la société et des coûts restent constants. Les économies sont supposées réagir automatiquement aux perturbations et parvenir à un nouvel équilibre sans intervention étatique ni changement radical de politique. Les théories montrant des disparités grandissantes en termes de revenus et de richesse sont invalidées par principe.
A contrario, la méthode étroite, ceteris paribus (« toutes choses égales par ailleurs ») du marginalisme ne suggère aucun changement possible de la politique économique.
Les modèles marginalistes impliquent que les problèmes économiques peuvent être résolus par de petits changements dans un ensemble restreint de variables. L’insolvabilité apparaît comme une anomalie, pas aussi inévitable qu’une accumulation de dettes qui croît de manière exponentielle, obligeant l’économie sous-jacente à se réduire. On a l’impression que toute économie peut payer ses dettes sans limite, en détournant davantage de revenus de débiteurs vers les créanciers. C’est pourquoi les créanciers adorent cette approche qui blâme les victimes de la dette et non la finance prédatrice. On ne peut s’empêcher de voir que le premier souci de la théorie économique néoclassique est d’affirmer que l’économie n’a pas besoin d’intervention publique. Les modèles mainstream n’expliquent pas la faillite rapide de la « réforme » néolibérale post soviétique (destructions d’actifs) sous Eltsine et son oligarchie en Russie.
La théorie néolibérale du « marché libre » est donc devenue une partie du problème, et non une partie de la solution.
Tout ensemble de catégories statistiques constitue une structure conceptuelle du fonctionnement du monde. Il n’est pas possible de montrer où les économies génèrent de la richesse sans diviser leurs activités en catégories classiques d’activités productives et non productives, c’est-à-dire une activité générant de la richesse réelle par rapport à des frais généraux et à de simples paiements de transfert. Cette dichotomie a été au centre d’un débat classique qui a duré un siècle.
Les comptabilités nationales décrivent toutes les activités comme productives, ne reflètent pas la manière principale dont les secteurs les plus importants – immobiliers, banque, finance, les carrières minières etc.- tirent leur rentabilité économique. Ceux-ci semblent fonctionner sans générer de bénéfice, sans que leurs plus-values ne soient identifiées.
Ce phénomène spécifique de l’époque actuelle – l’inflation des prix des actifs—n’apparait pas dans les statistiques nationales. Les gains en capital sont exclus en tant qu’externes au modèle postclassique du fonctionnement de l’économie.
C’est pour revenir au concept parabole de John Stuart Mill selon lequel les propriétaires ou les autres rentiers font des gains sur le prix des terrains « dans leur sommeil ».
Au lieu de considérer l’économie comme une structure à plusieurs niveaux, le PNB regroupe tous les « ménages », des salariés aux rentiers indistinctement.
L’augmentation des revenus de chacun est censée améliorer le sort des autres, car le « marché » ou le PIB augmente, et toutes les autres variables y sont reliées – comme si cela ne semblait pas avoir d’importance de savoir pour qui cette richesse s’accroît , et si elle provient d’une extraction de la rente, de gains financiers, des salaires ou des bénéfices sur de nouveaux investissements directes. Il n’est pas reconnu que des économies qui enrichissent des élites financières ou autres rentiers aux dépens de la majorité puissent s’effondrer.
En théorie les économies sont censées pouvoir payer rembourser leurs dettes en épargnant davantage. L’hypothèse implicite est que l’épargne (et le nouveau crédit bancaire) est investie de manière productive, et pas simplement prêtée pour créer de nouvelles dettes. L’investissement productif de l’épargne est supposé permettre à la croissance de la dette de toute société de se poursuivre à l’infini, car les créanciers sont supposés investir leurs revenus dans une production en expansion, et non pour transférer la propriété des actifs et de la richesse.
Toute augmentation de l’épargne est considérée comme bonne, sans se soucier de savoir si elle peut être prêtée en vue de transactions purement financières au lieu d’être investie pour accroitre la production ou la consommation. En pratique, la plus grande partie de l’épargne et des nouveaux prêts bancaires trouvent leur contrepartie dans les créancières financières sur des actifs patrimoniaux – immobiliers, obligations, bons de caisse, prêts hypothécaires et emprunts bancaires – visant à transférer la propriété des biens immobiliers, d’actions et d’obligations. L’effet est d’augmenter leur prix à crédit, c’est-à-dire par effet de levier. Peu d’épargnes et de crédits prennent la forme d’une formation de capital matériel.
En occident « investir », c’est mettre 80 à 90% en placements financiers.
En Chine, en Russie, c’est mettre 80 à 90% dans l’économie réelle.
Lire: Rentes ou revenus non gagnés, revenus immérités, revenus de prédation(4ème Partie)
Mohamed Belhoucine
Docteur en physique et DEA en économie et sciences du management