Par Mil Boumaza
Le ministre marocain des affaires étrangères déclarait dernièrement : « Le Maroc n’est pas concerné » par l’arrêt de la CJUE invalidant définitivement et sans appel les accords commerciaux entre l’UE et le royaume chérifien qui incluaient le Sahara Occidental.
Outre le fait que cette décision a eu l’effet d’un coup de tonnerre au milieu des douces illusions dans lesquelles se berçait le royaume enchanté et qu’elle a visiblement ébranlé le ministre marocain, ce dernier ne croyait pas si bien dire.
En effet, cette décision, qui vient s’ajouter à plusieurs avis et arrêts de la même cour ainsi qu’aux nombreuses résolutions des Nations Unies, s’appuie sur une réalité historique que le Makhzen s’est escrimé en vain d’occulter : le Sahara Occidental n’a jamais été sous l’autorité d’un quelconque sultan de Marrakech et de Fès et a de tout temps constitué un territoire distinct, séparé traditionnellement par Oued Noun ; ce qu’a brillamment démontré le chercheur en histoire autodidacte, Mohamed Doumir, preuves à l’appui.
L’arrêt de la Cour européenne survient donc comme un éclair de justice au sein de ce monde régressant peu a peu dans les ténèbres de la barbarie, projetant une étincelle d’espoir. Le droit, la justice vont-il enfin prévaloir, même pour le faible ?
Mais pour l’avènement d’un tel triomphe de la raison encore faut-il revoir un certain lexique pour le moins incongru, inconvenant.
Imaginez un instant qu’un tribunal quelconque, dans quelque lieu que ce soit ici-bas, oblige une femme violée à s’asseoir face à son bourreau, et lui demande de s’entendre sur une solution « mutuellement acceptable ». Que diriez-vous d’un tel tribunal ? Ne serait-ce pas une aberration, bien plus, une obscénité ?
Or, qu’est-ce qu’une colonisation en définitive, si ce n’est le viol de tous les droits humains et de toutes lois internationales ? Et si un tel « arrangement » venait à se réaliser, ne ferait-il pas jurisprudence et ne donnerait-t-il pas un blanc-seing à tous les violeurs de France et de Navarre ?
Voilà bien une inconséquence qu’aucune espèce de « compensation » ne saurait lever. L’atteinte à la dignité, le trauma, les dégâts physiques comme moraux demeureront une fletrissure indélébile.
C’est pourquoi aucune loi civilisée ne consacre le fait accompli colonial. Et si l’on devait arguer des investissements dans les territoires que l’on a occupés par la force pour justifier et perpétuer cette occupation, alors la majorité des États siégeant aux Nations Unies devraient se résoudre à revenir sous la domination des anciennes puissances coloniales.
Voilà l’essence même du message de nos grandes figures panafricaines, telles Nelson Mandela ou Thomas Sankara, pour qui notre liberté ne sera pas complète aussi longtemps que les terres palestiniennes et sahraouies demeureront encore sous le joug du colonialisme. L’Histoire témoignagera en effet que tous deux, de même que l’Algérie, étaient de fervents défenseurs de ces causes justes.
Le Maroc n’ayant donc aucune part dans ce qui regarde le Sahara Occidental et par conséquent aucune légitimé sur ce territoire comme le reconnaissait le ministre marocain des affaires étrangères, le Front Polisario n’a aucun intérêt à poursuivre des discussions, du reste stériles, avec le royaume du haschisch.
Il lui serait bien plus profitable et pertinent de s’adresser directement au Conseil de sécurité et à l’assemblée des Nations unies, où il doit avoir un siège en tant que membre à part entière. Quant aux colons marocains qui occupent le territoire du Sahara Occidental, ils bénéficient également d’un droit, celui de repartir au pays de leur origine. Mais s’il veulent encore rester, ils devront demander un visa, comme il est d’usage dans les relations entre États souverains.