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ANALYSE

Si la démocratie marchande permettait de changer le sort du peuple elle serait interdite

La démocratie est la forme idoine de domination politique de la classe bourgeoise. Elle ne permet jamais au peuple d’accéder au pouvoir, totalement concentré entre les mains des classes possédantes.

Par Khider Mesloub

La démocratie est la forme idoine de domination politique de la classe bourgeoise. Elle ne permet jamais au peuple d’accéder au pouvoir, totalement concentré entre les mains des classes possédantes.

La démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Dans notre société prétendument démocratique, les élections sont partout mais la démocratie populaire et sociale nulle part.

Historiquement, en Europe, dès le début de l’accession de la bourgeoisie aux rênes du pouvoir, dans sa phase embryonnaire de domination formelle, par crainte de livrer l’État à son ennemi, le peuple, la bourgeoisie instaure le suffrage censitaire pour maintenir le peuple à distance. 

Dès l’époque de son éclosion, la démocratie marchande est ainsi restrictive : son exercice verrouillé par la classe dominante, son action politique corsetée par l’argent, sa souveraineté despotique assurée par son armée et sa police. 

À la fin du XIXème siècle, après avoir consolidé sa domination sur la totalité de la société, pour mieux mystifier le peuple, en particulier dans les pays développés en proie à l’âpreté de la lutte des classes, la bourgeoisie eut l’ingénieuse idée d’associer électoralement (non politiquement ni économiquement : la différence est importante) le peuple à son système régalien de gouvernance. Mais à une condition fondamentale : à aucun moment ce « privilège électoral », formellement concédé par les représentants du capital, ne doit servir de tremplin aux classes populaires pour remettre en cause la hiérarchie des pouvoirs de la société de classe, ni le mode de production capitaliste, ni la propriété privée ni le salariat. 

Autrement dit, le suffrage universel constitue, depuis sa création, une mascarade électorale, permettant d’associer les prolétaires à la reproduction sociale de leur exploitation et aliénation.

Plus tard, au XXe siècle, avec l’essor de la suprématie de la bourgeoisie, l’affermissement de son pouvoir économique et politique, l’expansion de ses moyens de contrôle des instruments de propagande scolaires et médiatiques, autrement dit au cours de sa phase de domination réelle, la bourgeoisie se résout à desserrer l’étau de sa dictature par l’instauration du suffrage universel féminin.

Dorénavant, avec l’institutionnalisation de la démocratie libérale domestiquée au XXe siècle, certes les « citoyens » allaient pouvoir user « librement » de leur droit d’expression, mais c’est la bourgeoisie qui dicterait et contrôlerait la pensée de cette expression politique au moyen de ses appareils idéologiques de conditionnement mental, notamment par le truchement du système scolaire et les organes médiatiques.

À plus forte raison à notre époque dans laquelle le débat politique s’est aseptisé, chloroformé. Le débat est principalement encadré par les instances de propagande scolaire et médiatique, instruments d’uniformisation de la pensée unique hégémonique.

En tout cas, l’activité politique est une entreprise très rentable, au plan idéologique et financier. Elle permet d’embrigader des millions d’électeurs et d’engranger des millions d’euros de profits. 

Au plan électoral, à notre époque, la démocratie marchande constitue un véritable marché au sein duquel chaque candidat bourgeois vante son produit politique programmatique pour mieux le vendre aux citoyens prolétaires, impécunieux économiquement (pour bâtir leur propre parti révolutionnaire) et indigents politiquement (pour transformer la société dans l’intérêt de leur classe). 

De nos jours, le candidat organise sa campagne électorale comme une réclame publicitaire, vantant les mérites de sa personne comme une marchandise. À l’instar de l’aguicheuse péripatéticienne, le candidat vend les charmes de sa personne avec les promesses de nous offrir le paradis, des noces politiques éternelles. Mais en fait de paradis, c’est le même enfer que continuent à subir les « citoyens ». En fait de noces sociales orgasmiques promises, c’est la poursuite de la sempiternelle impuissance politique du candidat à honorer son programme affligé de frigidité économique.

Les mascarades électorales s’apparentent aux ventes aux enchères où les programmes diffèrent uniquement par leurs emballages et leurs étiquetages. La mise est lancée par les instituts de sondage, ces entités occultes mafieuses spécialisées dans la fabrication des candidats, le façonnage des opinions politiques et de l’orientation libérale économique. 

Dès lors, dans cette société marchande où tout se monnaye, jusqu’à l’air qu’on respire, il ne faut pas s’étonner de voir les campagnes électorales ressembler à des réclames pour produits de consommation. De surcroît, dans le cirque électoral régulièrement organisé pour élire un député ou un président, l’important n’est pas la qualité morale et politique du candidat victorieux (soumis toujours aux puissances économiques) mais la participation massive des « citoyens » à leur servitude volontaire électoralement exécutée.

En général, parmi les recettes aptes à passionner les débats, à mobiliser les foules citoyennes léthargiques, à rabattre les électeurs dépolitisés vers les urnes, il n’y a pas mieux que la politique de la peur, l’agitation de l’épouvantail. Selon les époques et les contextes, les épouvantails varient en fonction des nécessités circonstancielles politiques : la menace brune (fascisme), le spectre rouge (communisme), l’épouvantail vert (islamisme), le danger noir (terrorisme), la peste communautaire, le péril viral (Covid-19), etc. 

En ce moment, en France, c’est l’épouvantail « fasciste » qui est agité par le pouvoir macroniste. La démocratie serait menacée par la dictature. 

Selon une certaine idée répandue, la démocratie est l’ennemie de la dictature, et réciproquement. Or, il n’y a rien de plus fallacieux. En réalité, la démocratie et la dictature sont des frères siamois. C’est l’avers et le revers de la même médaille de l’imposture. Pour preuve : il ne faut jamais perdre de vue que Mussolini et Hitler accédèrent démocratiquement au pouvoir, appelés à la rescousse pour dompter le prolétariat.

Au vrai, démocratie et dictature, deux modes de régulation politique complémentaires, se succèdent alternativement au sein du même mode de production capitaliste institutionnellement incarné par l’État des riches, au gré des conjonctures socioéconomiques et de l’assoupissement ou de l’exacerbation de la lutte des classes. 

Il ne peut exister de démocratie sous la dictature capitaliste, mode de production par essence fondé sur l’exploitation, l’oppression, la répression, comme l’illustre notre époque marquée par le durcissement autoritaire, le despotisme étatique, la fascisation rampante des pays occidentaux.

À cet égard, il est utile de rappeler que, contrairement à l’idée erronée communément répandue par l’historiographie et les médias, le fascisme n’a pas été engendré par un racisme ethnique ou sociologique, mais a été démocratiquement procréé par la Première Guerre mondiale couplée à la dissolution de la lutte des classes dans le nationalisme belliciste propagé, telle une épidémie pestilentielle contagieuse, par les classes dominantes. En revanche, le colonialisme, notamment français, est consubstantiellement raciste. Et si le racisme imprègne encore la société française, c’est en raison de cet héritage colonial suprémaciste.

Aussi, pareillement, aujourd’hui, contrairement à la représentation collective communément partagée, le fascisme ne peut pas être associé aux partis d’extrême-droite qu’on pourrait, à juste titre, qualifier de populiste, racistes, notamment le Rassemblement national. 

En réalité, de nos jours, le fascisme, c’est-à-dire la gouvernance par la terreur, est devenu l’apanage des États, également des États dits démocratiques. Actuellement, institutionnellement, nombreux sont les États en voie de fascisation, États pour qui toute voix dissidente doit être étouffée, opposition, écrasée, contestation, anéantie, organisation politique criminalisée, poursuivie, condamnée. 

Mussolini a résumé le fascisme en trois strophes : TOUT pour l’ÉTAT ; TOUT par l’ÉTAT ; TOUT dans l’ÉTAT. Voilà la véritable définition politique et sociologique du fascisme, amplement illustrée ces dernières années dans de nombreux pays, notamment occidentaux. 

De nos jours, comme on l’observe actuellement en France, quand les « veaux-tants » (votants) se précipitent vers ces isoloirs illusoires pour déposer leur bulletin de vote dans l’urne (qui porte si bien son nom tant elle ne contient que les promesses politiques depuis longtemps trépassées, réduites en cendres mortuaires), le choix de ces « veaux-tants », bêlant l’apathie politique, se fait par défaut et non par conviction, pour le « moins pire des candidats », proclament-ils (pensent-ils). Par élimination, plutôt que par sélection. 

Souvent, ils doivent se résoudre à choisir entre la peste et le choléra. Entre le candidat des promesses mensongères et le candidat des mensongères promesses. Entre la politique des restrictions budgétaires et la politique des budgets restreints. Entre le programme politique de la disette et la misère de la politique programmatique. Entre une organisation politique prônant brutalement la militarisation de la société et celle qui prône pacifiquement une société militarisée. La différence est dans le style rhétorique, et non programmatique. L’un présente son programme dans un esprit pragmatique, l’autre présente le même programme dans esprit dogmatique. 

Ainsi, dans ces mascarades électorales, à défaut d’avoir le choix, les citoyens ont le show. 

Cependant, à force de supercheries électorales, nos « veaux-tants » citoyens ont fini par comprendre que les élections sont des « pièges à cons », et les électeurs, des « cons piégés ». Victimes de sempiternelles promesses électorales mensongères. Où le meilleur des mondes promis vire au pire cauchemar du monde.

Le meilleur des mondes est aujourd’hui construit sur le meilleur des mensonges. La propagande bourgeoise nous fait croire que choisir « son maître » (candidat) est un acte démocratique de liberté. 

Or, tout élu n’est qu’un agent du marché, un gestionnaire du système, serviteur du capital, allié de l’impérialisme, ami des mafias financières. Autrement dit, tout électeur, par devers lui-même, légitime l’entreprise de rapine criminelle et de racket des deniers publics, institutionnellement légalisée par l’État des riches, opérés par les politiciens professionnels. 

Au reste, à l’ère de la mondialisation du capitalisme, même les présidents sont également devenus de simples administrateurs de l’État. L’État, lui-même, métamorphosé en simple rouage assujetti au Grand capital mondial. De fait, chaque pays s’est mué en une véritable société anonyme dirigée par un PDG-président asservi au capital mondial apatride. Le pouvoir étatique est devenu à tel point impuissant qu’il est soumis, comme un vulgaire salarié, aux appréciations des agences de notations financières chargées de distribuer les notes d’évaluation de la gestion du pays. La moindre mauvaise note en matière économique et budgétaire, et s’en est fini du pouvoir, en particulier, et du pays, en général. Pris en otage, le pays se voit parachuter un nouveau président, imposer une nouvelle classe dirigeante (caste affligeante) constituée de mercenaires politiciens, fabriqués par les puissances financières entièrement contrôlées par le grand capital mondial, à la manière du régime bonapartiste de Macron intronisé à l’Élysée.

Aussi, par sa participation à ces mascarades électorales, l’électeur cautionne-t-il et légitime-t-il ce système démocratique bourgeois mafieux. Par sa duplicité et sa complicité, pérennise-t-il le fonctionnement d’une entreprise de corruption politique, de prévarication des deniers publics, de l’asservissement « démocratique » du peuple. 

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