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Après le tourisme exotique, les vacances lubriques, le capital donne congé aux voyages de masse toxiques (1/3))

Par Khider Mesloub

Au moment où le tourisme, partout dans le monde, bat  de l’aile, certains officiels et affairistes algériens, par opportunisme politique ou esprit mercantile, veulent lui donner son envol dans nos pures contrées au ciel jusqu’à présent préservé de la pollution des avions emplis de voyageurs occidentaux aux mœurs toxiques. L’occasion, pour nous, de livrer aux lecteurs d’Algérie54 notre étude consacrée au tourisme, rédigée en 2020. Cette étude, réactualisée, demeure encore d’une brûlante actualité.

« La terre est une vieille prostituée. Elle se vend partout », a écrit l’écrivain Pierre Mac Orlan. Transfigurée par le capital, elle sait mettre en valeur ses charmes naturels, monnayer ses paysages voluptueux, compléterai-je.

Le tourisme est un phénomène inhérent au monde occidental capitaliste. Dans un univers concentrationnaire où l’homme moderne aliéné passe la majeure partie de sa vie enfermée dans les bagnes industriels ou les geôles du tertiaire, cloîtré dans des habitations carcérales bétonnées, cet homme – cette femme – opprimé et stressé éprouve le besoin de s’évader de sa prison urbaine et mentale. En guise de thérapie compensatoire, les voyages lui permettraient, pense-t-il, de soigner son affliction existentielle, de s’offrir quelques évasions furtives vers des contrées exotiques ; de s’accorder quelques moments de pureté loin de son monde urbain pollué, de sa vie quotidienne souillée, de sa famille atomisée, de sa culture originelle lobotomisée.

L’horreur touristique

Depuis un demi-siècle, l’horreur touristique s’abat sur l’ensemble de la planète. Tous les pays sont mis en coupes réglées. Aucun espace n’échappe à la concurrence. Chaque pays investit dans les infrastructures touristiques pour attirer le maximum de clients. À l’instar de la péripatéticienne luxurieuse vantant les agréments de son anatomie lascive et orgastique, chaque pays magnifie les attributs exceptionnels de son territoire : nature luxuriante, mer cristalline, patrimoine culturel exceptionnellement riche. Cette politique touristique participe de la spécialisation des pays, s’intégrant dans la division internationale du travail, obérant pour les pays du Sud toute diversification productive, pénalisant tout développement économique authentique et pérenne.

Au reste, l’industrie du tourisme participe grandement à la destruction de ces contrées dont elle tire profit. Ainsi, elle vend ce qu’elle contribue à détruire, notamment par la destruction écologique, la désagrégation sociale et culturelle, la défiguration des régions entières, transmuées en zones spécifiquement touristiques.

De surcroît, par la rapacité mercantile de l’industrie du tourisme, le « monde touristique » est mis en mode économique productive : les villes transformées en musées lucratives, les campagnes muées en parcs d’attraction rentables, les littoraux métamorphosés en mer bétonnée où surnagent en surface des verrues architecturales hideuses.

Par ailleurs, les populations « autochtones » sont folklorisées par les protagonistes de leur déculturation, ces Occidentaux ethnocidaires, responsables des désordres anthropologiques irréversibles infligés aux peuples longtemps colonisés (introduction de l’argent, de la propriété privée ; destruction des modes de production traditionnels, exode rural, etc.).

Sans oublier que la majorité de la population locale impécunieuse des pays dits touristiques ne profite jamais des infrastructures du tourisme (complexes touristiques, hôtels, piscines, plages, divers secteurs de distractions et de loisirs, et autres multiples sites), réservées exclusivement aux seuls voyageurs occidentaux richement solvables.

Naissance du tourisme

Historiquement, le terme touriste fut introduit dans la langue en 1816 et le vocable tourisme en 1841. Mais c’est au XV IIIème siècle que fleurit la mode du tourisme ou plus exactement des voyages. Elle prit naissance en Grande-Bretagne, première puissance économique à l’époque. En effet, c’est à cette époque que de jeunes riches aristocrates anglais commençaient à faire leur Grand tour de l’Europe. Ils visitaient la France, l’Espagne, l’Italie, etc. Ensuite, au cours du XIXème siècle se développa le tourisme bourgeois. Sa consécration se matérialisa par la création de la première agence de voyage par Thomas Cook en 1841. Dans le sillage de l’industrialisation et l’urbanisation de l’Europe se développèrent parallèlement les premiers moyens de transport modernes, favorisant l’expansion du tourisme Au début, le chemin de fer constitua la principale locomotion mécanique rapide. Ensuite, au XXème siècle l’avion remplaça les chemins de fer comme moyen de déplacement rapide. Plus tard, les premières autoroutes furent créées en Italie (1924) et en Allemagne (1932) – non pour permettre l’acheminement accéléré des touristes, secteur sous-développé à l’époque, mais pour favoriser le déplacement diligent des chars de guerre.

C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au cours des Trente Glorieuses (piteuses, puisque de leur éphémère illusoire prospérité ne demeure que leurs réminiscences rêveuses) que le tourisme connut réellement son essor. Le tourisme se démocratisa, se massifia, se popularisa. L’industrie du tourisme se structura, notamment par la création de nombreuses agences de voyages, la publication de guides touristiques, l’invention de clubs, l’élargissement d’infrastructures dévolues au tourisme (hôtels, aéroports).

Aujourd’hui, le tourisme est devenu un véritable produit de consommation courant. Il génère des milliards de chiffres d’affaires et de substantiels profits. En matière économique, le tourisme devance l’industrie pétrolière et automobile. Il est devenu la première activité mondiale, avec plus de 200 millions de salariés employés. Soit quasiment 10 % de l’emploi mondial. Le tourisme est en forte croissance. À mesure que le mode de vie occidental se répand et se vulgarise, le tourisme se propage tel un virus villégiateur, contaminant toutes les contrées du monde.

Tourisme : exutoire de l’aliénation

De façon générale, dans la société capitaliste moderne, le tourisme a pour fonction de procurer, à l’occidental stressé, immergé dans une atmosphère urbaine polluée, dans une ambiance temporelle haletante et un rythme de vie trépidant, un fugace parfum d’exotisme, une sensation factice de bonheur, un bain de soleil, un lit de détente, une sensation de bien-être absent de son quotidien cimenté par la spleenuosité. En un mot, un sentiment d’évasion et de dépaysement.

Pour ce touriste occidental à la vie accidentée par le stress oxydant et le travail aliénant, il s’agit de partir savourer la « pureté » de la nature, les sites vierges sauvages écologiques ; découvrir des « peuplades » autochtones folklorisées, infantilisées.

Le tourisme offre au voyageur occidental, en quête de son paradis perdu, un dépaysement garanti, par la découverte de paysages féeriques. Plongé dans ces horizons édéniques, le touriste occidental peut communier avec des espaces et horizons fantastiques. Il peut se ressourcer, se régénérer, se purifier, le temps de ce séjour éphémère furtif, avant de regagner l’enfer de son quotidien bétonné d’agressions stressantes protéiformes, barbelé d’activités professionnelles aliénantes, oppressantes, déprimantes.

À notre époque moderne capitaliste mondialisée, le tourisme constitue l’ultime étape de la marchandisation de la société. De fait, les pays du Sud, souvent sous-développés, sont livrés à la perversion du capitalisme. Longtemps épargnés par les rapports marchands, ces régions traditionnelles pauvres ont été infectées par l’introduction du mercantilisme, la « civilisation » capitaliste.

Désormais, la cupidité gouverne les mentalités de ces populations périphériques. Le mode de vie de ces sociétés a subi une véritable mutation anthropologique. Ces sociétés traditionnelles, sous l’effet corrosif du tourisme, se décomposent. Victimes des prédateurs touristiques et des spéculateurs immobiliers, ces populations sont expropriées de leurs terres et de leur village, pour être parquées à la périphérie des villes. Perdant ainsi le lien avec leurs racines, leurs coutumes, leurs traditions. Aussi finissent-elles par se désagréger.

De fait, ce secteur rentable du tourisme, le capitalisme l’a investi avec d’énormes moyens de communication, notamment par le recours effréné à la publicité. Pour l’exploiter de manière optimale et rentable, le capitalisme a favorisé le développement de cette industrie du tourisme collectif, le voyage organisé. Le voyageur, devenu consommateur quasi compulsif de produits touristiques, est constamment assailli de propositions de séjours aux tarifs réputés compétitifs et économes en temps. Aussi, les tarifs des séjours sont-ils tirés de plus en plus vers le bas, accompagnés d’une réduction du gaspillage de temps. Comme au sein du monde de l’entreprise où les gains de productivité et l’optimisation temporel dominent la logique entrepreneuriale, l’industrie du tourisme a intégré ces catégories marchandes capitalistiques dans ses offres de voyages. Le temps de transit est proscrit, car il est considéré comme du temps mort. Désormais, l’objectif principal des voyagistes est d’acheminer le touriste aux points de consommation touristique dans un temps court. Cet objectif est assuré grâce au développement exponentiel des moyens de transport à grande vitesse, comme l’avion et le TGV, et des réseaux d’autoroute.

Cette croissance des transports s’effectue malheureusement au prix de la pollution de l’écosystème. En effet, toute cette technologie des transports modernes est obtenue moyennant une consommation de ressources énergétiques et d’une pollution grandissante. Ainsi, l’industrie touristique constitue-t-elle un vecteur de destruction écologique, sociale et culturelle (voilà qui devrait intéresser les égéries de l’Urgence climatique et de Sauvons la planète : au lieu de culpabiliser les « citoyens », ces hystériques écologistes, talibans de l’Occident, devraient s’attaquer aux grands argentiers du tourisme, responsables de la dégradation de l’écosystème).

Ironie de l’histoire, la croissance exponentielle des moyens de transport, étendue à l’ensemble des pays, entraîne parallèlement l’aménagement de diverses structures aéroportuaires et urbaines, homogénéisant ainsi les espaces architecturaux. Générant corrélativement une uniformisation urbaine du monde, au point de réduire considérablement la frontière de l’exotisme au fur et à mesure du développement du tourisme. Aujourd’hui, tous les pays, toutes les grandes métropoles, sont, au plan architectural et urbanistique, identiques, uniformes. Aussi, pour savourer réellement les délices du dépaysement, les opérateurs touristiques organisent-ils des séjours dans des contrées de plus en plus reculées, isolées, inhabitées (qu’ils ne manquent pas d’« aménager » afin d’offrir tout le confort matériel indispensable aux gâteux touristes occidentaux, ces gâtés de la fortune).

Par ailleurs, si certaines sociétés traditionnelles érigent la virginité de la femme en dogme qu’aucune loi humaine ne doit violer au risque de stériliser définitivement la communauté, le capitalisme, quant à lui, a contrario, n’existe que par la violation permanente des espaces vierges réduits en terrains à exploiter et à féconder financièrement, sans souci de la postérité, de l’héritage légué aux futures générations. L’industrie du tourisme ne déroge pas à cette loi du viol des espaces vierges transformés en lieux de valorisation du capital par la colonisation mercantile de ces contrées longtemps demeurées impénétrables, vierges, épargnées de tout contact humain occidental infecté par la civilisation marchande ou plutôt « syphilisation » capitaliste virale, létale.

C’est ainsi que certains sites naturels, comme de nombreux monuments millénaires, épargnés longtemps par l’invasion humaine mercantile, sont aujourd’hui davantage menacés par la fréquentation outrancière des masses touristiques que par les outrages du temps (ou par les destructions de la guerre, des talibans ou de Daesh). On peut citer comme exemple le site de Lascaux : ce site a failli disparaître sous l’effet du souffle des visiteurs envahissants. Les relents infectes du capitalisme affectent même les patrimoines de l’humanité.

Cette analyse était valide jusqu’au début de l’année 2020, date de l’apparition de la pandémie qui a précipité le secteur du tourisme dans une profonde crise dont il n’est pas près de se relever. Désormais, la donne a changé.

Tourisme sexuel

Tout se consomme, la nature comme les humains. Aussi, ces dernières années, l’intérêt ne se portait plus seulement sur les paysages idylliques, la découverte des « bons sauvages », par ailleurs graduellement détruits par le capital. Le tourisme contemporain, à l’image de l’Occident libidinalement perverti, s’est sexualisé, comme l’a analysé magistralement le philosophe Dany Robert Dufour dans son livre « La cité perverseLibéralisme et pornographie ». Le touriste prédateur s’envole vers les contrées exotiques pour goûter aux charmes des corps sensuels « indigènes » juvéniles, de préférence impubères, dotés d’une volupté virginale. Cette nouvelle consommation touristique sexuelle est la dernière forme d’exploitation capitaliste (occidental, oriental, asiatique).

Certes, les anciennes puissances coloniales et impérialistes n’occupent plus les terres fertiles et fécondes des pays du Sud, mais certains de leurs lubriques habitants n’hésitent pas à s’accaparer les corps lascifs des autochtones impubères, pour assouvir leur appétence libidinale insatiable.

Ces nouvelles prestations sexuelles participent de la nouvelle industrie touristique internationale offerte aux lubriques occidentaux et orientaux riches des pays du Golfe, en quête de transcendance sensuelle exotique, de débauches orgiaques touristiques. Ces escapades libidineuses participent de la nouvelle forme de domination du mode de production capitaliste libertaire et libertin mondialisé.

Dans ce secteur lucratif et lascif du tourisme sexuel géographiquement en pleine turgescence, outre la Thaïlande, le Maroc est devenu une des destinations favorites du tourisme lubrique, l’eldorado des pédophiles. En particulier, des pédophiles européens, sans oublier les féodaux orientaux des pays du Golfe, adeptes des prosternations lascives. Les victimes, en majorité mineures, sont racolées par des rabatteurs en échange d’argent.

Au Maroc, cette industrie du sexe, à la prospérité et postérité garanties, a toujours été tolérée par le Makhzen. Cette économie des amours tarifées, nullement prête à se raréfier, en particulier depuis la crise sanitaire et économique, profite à de multiples acteurs de la société marocaine : tenanciers de bars, videurs de discothèques, taxieurs, policiers (qui ferment les yeux en échange de quelques billets ou faveurs sexuels gracieuses), les loueurs d’appartement, les hôteliers, qui vivent sans scrupule de l’exploitation sexuelle de leurs progénitures, leurs jeunes compatriotes livrés à la prostitution. Dans la plupart des hôtels touristiques des jeunes femmes offrent leurs services aux étrangers de passage.

Globalement, ce sont majoritairement des professionnels du sexe tarifé. Mais certaines se prostituent de façon occasionnelle. Plus anonyme, la prostitution masculine est très répandue au royaume chérifien. Même des enfants se livrent au racolage, pour quelques dirhams.

Au Maroc tout se vend, surtout la dignité et l’honneur, bradés sans scrupules, notamment aux sionistes, nouveaux parrains de la monarchie. Il n’y a pas que la prostitution « traditionnelle » qui permet aux touristes hommes de s’offrir les services sexuels de jeunes filles ou garçons. Il existe également la prostitution « cougarienne », celle qui permet aux touristes femmes occidentales, âgées entre 50 et 70 ans, de passer leurs vacances lubriques en compagnie de jeunes hommes, moyennant rétribution et contribution des autorités chérifiennes qui rabattent la clientèle depuis le monde entier pour lui offrir ce marché du sexe intarissable, tant l’offre prostitutionnelle est abondante.

Sans conteste, pour les touristes en quête d’aventures lubriques, les conditions sont idéales

dans ce lupanar à ciel ouvert : la monarchie marocaine leur garantit une royale impunité, la loi du silence et le silence de la loi. Selon les informations, le tourisme sexuel se serait considérablement développé dans le royaume chérifien. Dans la seule ville de Marrakech, les deux tiers des enfants prostitués se consacrent uniquement aux touristes. Touristes chouchoutés mais nullement chahutés, bichonnés mais jamais bastonnés, dorlotés mais aucunement menottés, par la population marocaine consentante. Contente de l’attrait touristique de son pays sexuellement dépaysant, sensuellement plaisant, voluptueusement apaisant. Le touriste ne vient pas à Marrakech pour admirer uniquement le minaret de la Koutoubia mais, surtout, cajoler les tibias des minets.

De façon générale, le tourisme est à l’aventure ce que la prostituée est à l’amante. Il est vénal et chronométré, et surtout il multiple les clients pour enrichir ses maquereaux financiers. C’est une entreprise de racolage. Les campagnes de publicité pour aguicher les clients sont envahissantes. Au plan des séjours, les parcours touristiques sont balisés, biaisés, banalisés. Ils sont soumis au conformisme. En lieu et place de l’aventure, le tourisme privilégie la visite guidée, téléguidée, l’atmosphère enguirlandée. Privilégie les nuits des chambres d’hôtel aseptisées aux nuits à la belle étoile naturellement climatisée. L’ensauvagement par l’esprit au corps ensauvagé. Les voyages aux pays des merveilles aux aventures dans les merveilles des pays. En un mot, un tourisme mis au format d’un centre de loisirs, à l’instar de Disneyland. Un tourisme sous cellophane. Un tourisme chloroformé.

En comparaison, jadis, nos ancêtres, sans voyagistes ni transporteurs, parcouraient la terre avec plus d’esprit aventurier que nos touristes dépressifs contemporains. Ils emportaient dans leurs pérégrinations pédestres interminables, à dos d’âne ou à cheval pour les plus nantis, pour seul bagage, leur viatique. Et pour seule quête : la spiritualité et l’apaisement de l’âme. Dans leurs itinéraires, motivés parfois par le pèlerinage, ils trouvaient partout gîte et couvert mis gracieusement à leur disposition par les habitants des villages traversés. Cet esprit d’hospitalité était la règle, la coutume millénaire en vigueur dans toutes les anciennes sociétés traditionnelles. (Notamment algérienne, comme vient de le découvrir, avec étonnement, un journaliste belge de la RTBF, marqué par la générosité et l’hospitalité des Algériens au cours de son séjour en Algérie. «J’ai découvert l’Algérie, le plus grand pays du continent africain. L’Algérie, c’est une variété de décors, de cultures, de populations, une histoire réellement exceptionnelle », avait témoigné François Mazure, dans un entretien accordé récemment à un média de son pays. « Et je vais vous parler de l’hospitalité des Algériens !» s’était-il exclamé, en précisant que c’était ce qui l’avait « le plus marqué ». « On n’est pas vu comme un dollar ambulant. Il n’y a pas ce réflexe de se dire : voilà un touriste, je vais lui vendre tout et n’importe quoi. On est considéré simplement comme un visiteur et jamais alpagué. On circulait de manière naturelle », avait-il témoigné, rejoignant ainsi ce qu’avait affirmé le photographe français Yann-Arthus Bertrand avant lui. « Sincèrement, on est accueilli partout comme si on était un membre de la famille», avait-t-il ajouté, en donnant l’exemple de ce geste qui l’avait touché dans un restaurant populaire algérois où il avait découvert, une fois à la caisse, que son plat lui avait été offert par un anonyme. «Nous n’avons pas l’habitude de tout cela», avait-il fait remarquer. Le touriste belge avait également  raconté comment un groupe d’amis algériens, rencontrés au hasard, l’avait invité à fêter avec lui un anniversaire. Mieux : il s’était vu offrir des cadeaux dans un magasin de souvenirs. «C’est vous dire qu’il y avait vraiment ce rapport désintéressé, et cela m’a sincèrement touché parce qu’il me semble que c’est de plus en plus rare», avait souligné François Mazure. Ce « rapport désintéressé » se perpétue en Algérie car le peuple algérien n’a pas été contaminé par l’esprit mercantile capitalistique dominant, corrompu par le tourisme de masse vénal. Le tourisme est le cheval de Troie des intérêts du capital, de la finance internationale. La porte d’entrée à la contamination culturelle, la corruption morale, l’avilissement national.)

De nos jours, sur le chemin de la route, un voyageur, tenté par l’aventure, ne rencontre que portes closes et terrains clôturés. Qu’indifférence et méfiance. Cherche-t-il un endroit où passer la nuit ? Aucun espace sans clôtures ne s’offre au voyageur aventurier impécunieux : aucune âme charitable ne lui fournira gîte et couvert, ni portion de jardin pour la nuit. En revanche, l’endroit traversé exhibe une multitude de panneaux sur lesquels sont indiqués les noms des nombreux hôtels et auberges. Cette offre marchande de notre société capitaliste moderne marque la différence fondamentale avec l’invitation gratuite des sociétés traditionnelles où toutes les maisons étaient dépourvues de serrures, comme les cœurs de leurs habitants n’étaient pas verrouillés par l’individualisme et l’égoïsme. Elle marque la différence entre le gîte payant et l’hospitalité désintéressée. Entre la société marchande et la société du don. Entre la société capitaliste régie par la carte bleue et la société traditionnelle gouvernée par le cœur blanc.

 

 

 

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