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ANALYSE

Turquie : l’opium du peuple footballistique provoque de fréquentes flambées de violence

La Turquie, devenue au lendemain de la Révolution d’Atatürk Etat moderne et laïc, s’est métamorphosée en pays islamiste depuis l’avènement au pouvoir de l’indéboulonnable président-sultan Recep Tayyip Erdogan, hissé au sommet de l’Etat comme Premier ministre puis Président depuis 2003.

Par Khider Mesloub

La Turquie, devenue au lendemain de la Révolution d’Atatürk Etat moderne et laïc, s’est métamorphosée en pays islamiste depuis l’avènement au pouvoir de l’indéboulonnable président-sultan Recep Tayyip Erdogan, hissé au sommet de l’Etat comme Premier ministre puis Président depuis 2003.

Dès son intronisation, Erdogan ambitionnait de restaurer le califat ottoman. Le sultan-président Erdogan, islamiste bon teint, se rêve toujours en nouveau calife. En tout cas, depuis son investiture à la plus haute magistrature turque, Erdogan n’a pas ménagé ses efforts pour redonner un nouveau souffle à son opium du peuple, l’islam populiste et conquérant. Depuis lors, les mosquées turques ne désemplissent pas. Elles font salle comble. Mieux, les mosquées lui servent également d’officines politiques pour mener ses campagnes électorales, rabattre les foules islamistes vers les urnes afin d’assurer sa réélection.

La Turquie, pays dorénavant islamiste, se passionne également pour un autre opium du peuple : le football. Tout se passe comme si les stades servaient de soupapes de sécurité au trop-plein d’agressivité. En tout cas, si les tapis des mosquées turques parviennent à amortir et à émousser le tempérament agressif et violent de nombreux Turcs, en revanche, ni les gradins ni la pelouse ne semblent apaiser leurs ardeurs batailleuses et bellicistes. Régulièrement les stades de football turcs se transforment en champ de bataille. 

Comme le rapporte le site d’information Upday : «Le championnat turc de football a connu une nouvelle flambée de violence dimanche 17 mars au soir, avec des échauffourées ayant opposé des supporters de Trabzonspor à des joueurs de Fenerbahçe à l’issue d’un match entre les deux clubs.» En effet, des centaines de fans de Trabzonspor ont envahi le terrain à l’issue de la défaite de leur équipe face à Fenerbahçe, pour s’en prendre aux joueurs adverses.

Dans le football, au-delà de l’expression des émotions névrotiques, on assiste fréquemment à l’éruption volcanique des particularismes primitifs, des conduites tribales. A notre ère des tribus (des petits groupes, des réseaux sociaux, des communautés identitaires et, surtout, religieuses) où la raison a été mise au vestiaire, remplacée sur le terrain sociétal par les affects et les émotions, tous les tacles comportementaux sont permis pour réussir socialement, souvent au détriment d’autrui laissé sur la touche. Régulièrement, dans de nombreux pays, les matchs de football donnent lieu à des explosions de violence et de xénophobie régionale, nationale. Les supporteurs n’hésitent pas à se livrer à d’hystériques surenchères d’expression ethnico-identitaires, communautaristes, nationalistes, à la limite du racisme.

En Turquie, à l’instar de nombreux pays, le football sert d’exutoire aux shootés du stade, toxicos du foot. Le football, comme tous les sports de compétition, stimule l’agressivité, excite les rivalités, intensifie les tensions, attise les haines, exacerbe les conflits, déchaîne les violences, enflamme les foules fanatisées, exalte les chauvinismes, incite aux crimes, prédispose à la guerre. Le football recèle même un ferment de radicalisme. Certains de ses fanatiques supporteurs ne sont-ils pas «fichés S», interdits de stade en raison de leurs activités violentes.

Décidément, l’opium footballistique s’apparente à la drogue islamiste où la violence est érigée en référent culturel. Le football est la meilleure école de la guerre (autre point commun avec l’islamisme belliqueux qui utilise non pas le ballon rond pour dynamiser les foules mais la bombe explosive pour dynamiter des populations civiles innocentes) : guerres des quartiers, des régions, des nations, guerres ethniques, guerres des supporteurs, transformées souvent en guerres civiles.

Force est de relever que le football est belligène. Le football est la continuation de la guerre par d’autres moyens.

En tout cas, en Turquie, les deux opiums réunis, islamisme et football, semblent former un cocktail explosif.

Question : pourquoi, au lieu d’utiliser leur agressivité et leur violence à se livrer de fréquentes guerres footballistiques fratricides, ces dizaines de milliers de supporteurs turcs qui se proclament fiers d’être musulmans, d’appartenir à l’oumma islamique, ne vont-ils pas faire la guerre aux sionistes israéliens qui massacrent depuis cinq mois leurs coreligionnaires palestiniens ? Ou à leur sultan-président Erdogan qui, non seulement maintient, en dépit du génocide perpétré par les Israéliens contre les Palestiniens, ses relations diplomatiques avec Israël, mais continue éhontément à entretenir des échanges économiques et commerciaux avec cet Etat sioniste génocidaire ?

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