Par Khider Mesloub
Victor Hugo, cet élu du peuple qui se croyait appartenir au peuple élu Blanc, comme son héritier intellectuel BHL partage la croyance de ses coreligionnaires juifs selon laquelle les enfants d’Israël sont le peuple élu, présenté comme l’écrivain humaniste partisan du progrès et de l’universalisme, parachève son discours par cette capitalistique ode au colonialisme, que BHL (avec ses frères sionistes et son mentor l’affairiste Trump) pourrait reprendre à son compte à propos de Gaza : «Allez, Peuples ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-la. À qui ? À personne.
Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité (applaudissements prolongés).
Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez ; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté ! ». On croirait entendre Trump encensant son projet de transformation de la bande de Gaza en Riviera du Moyen-Orient.
Pour rappel, c’est à la même époque, au lendemain de la Conférence de Berlin, que l’autre (in)dignitaire intellectuel français, Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction, tient son célèbre discours colonial et suprémaciste : «Pourquoi des colonies ?», demandait Jules Ferry le 28 juillet 1885 à l’Assemblée nationale. La réponse était sans équivoque : «La question coloniale, c’est pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, comme la nôtre, la question même des débouchés. Il y a un second point que je dois aborder : c’est le côté civilisateur de la question. Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures».
Hugo exalte la colonisation et le suprématisme blanc
Ainsi, Victor Hugo, artisan intellectuel de la bourgeoisie française, fut un partisan perpétuel du colonialisme. Pour autant, quoique contemporain de la conquête de l’Algérie et de l’extension constante de l’empire colonial de la France, Victor Hugo ne consacre spécifiquement aucune œuvre, ni aucun article à la colonisation. Excepté dans ses carnets où il affiche son soutien indéfectible à l’entreprise de colonisation de l’Algérie.
En effet, comme le souligne Franck Laurent dans son ouvrage intitulé Victor Hugo face à la conquête de l´Algérie : «Hugo, pair de France de 1845 à 1848, représentant du peuple de 1848 à 1851, opposant actif, tenace et prestigieux à l´Empire de Louis Bonaparte, député en 1871, sénateur de 1876 à sa mort en 1885, Hugo auteur de plus d´un millier de pages d´interventions politiques, n´a pas consacré un seul de ses discours ou de ses articles à la question algérienne».
Victor Hugo, au cours de sa longue vie, ne prononce aucune condamnation du colonialisme. Ni contre la poursuite de la colonisation de l’Algérie, ni contre l’intervention française en Tunisie en 1881.
Pour autant, dans des notes qu’il a transcrites dans ses carnets, à la fin des années 1830, en écrivant sous le titre «Algérie», Victor Hugo livre sa vraie pensée sur le colonialisme. Hugo ne se contente pas d’encenser et d’encourager la colonisation dans ses écrits. Son épouse, Adèle, dévoile dans son « journal personnel » qui relate leurs conversations la position de son mari sur la question coloniale. Elle révèle qu’en 1842, Victor Hugo, en tant que député, plaide clairement et franchement en faveur de la colonisation de l’Algérie devant la Chambre qui tenait lieu de Parlement à l’époque de la Restauration.
«Algérie. La colonisation militaire doit couvrir et envelopper la colonisation civile comme la muraille couvre et enveloppe la cité. La colonisation militaire, c’est une muraille vivante. Quel meilleur obstacle continu qu’un camp français ? Mettez le soldat en avant du colon comme vous mettez un fer au bout d’une lance.» (…) «Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomp1it, je ne chante qu’Hosanna. Vous pensez autrement que moi c’est tout simple. Vous parlez en soldat, en homme d’action. Moi je parle en philosophe et en penseur.»
«L’armée faite féroce par l’Algérie. Le général Le Flô me disait hier soir, le 16 octobre 1852 : “Dans les prises d’assaut, dans les razzias, il n’était pas rare de voir les soldats jeter par les fenêtres des enfants que d’autres soldats en bas recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles d’oreilles aux femmes et les oreilles avec, ils leur coupaient les doigts des pieds et des mains pour prendre leurs anneaux. Quand un Arabe était pris, tous les soldats devant lesquels il passait pour aller au supplice lui criaient en riant : cortar cabeza !. Le frère du général Marolles, officier de cavalerie, reçut un enfant sur la pointe de son sabre, Il en a du moins la réputation dans l’armée, et s’en est mal justifié.” Atrocités du général Négrier. Colonel Pélissier : les Arabes fumés vifs.»
Dans un autre paragraphe, Victor Hugo, en humaniste et universaliste, en homme de paix, apostrophe les dirigeants européens qui se livrent des guerres «fratricides» perpétuelles sur leur continent. Et il les invite, non pas à cesser définitivement de guerroyer, mais à tourner leurs énergies belliqueuses à conquérir des pays dans tous les continents, à coloniser l’Afrique, l’Asie : «Au lieu de se déchirer entre soi, on se répandrait pacifiquement sur l’univers ! Au lieu de faire des révolutions, on ferait des colonies ! Au lieu d’apporter la barbarie à la civilisation, on apporterait la civilisation à la barbarie ! […] L’Asie serait rendue à la civilisation, l’Afrique serait rendue à l’homme.»
Et pourtant, dès le lendemain de l’indépendance de l’Algérie, dans le cadre de la nouvelle toponymie nationale, alors que des centaines de rues à connotation coloniale sont débaptisées pour être remplacées par des plaques toponymiques symbolisant les personnalités et gloires issues du patrimoine algérien, notamment des noms de personnages, dates ou faits liés à la Révolution algérienne, plusieurs rues porteront le nom de Victor Hugo, ce fervent partisan de la colonisation de l’Algérie.
Les noms de lieux sont des éléments essentiels de la mémoire collective. En renommant les lieux, l’homme reprend possession de son espace, de son histoire. Dans le cas de l’Algérie, il marque sa rupture avec un passé colonial avilissant et traumatique.
Pis. Victor Hugo régnera souverainement non seulement sur les artères algériennes, mais intellectuellement sur l’esprit des écoliers algériens, puisqu’il est inscrit au programme scolaire de l’Éducation nationale algérienne. Et ses livres coloniseront les rayons des librairies et des bouquinistes des décennies durant, d’Alger à Oran en passant par Constantine et Tizi Ouzou.
Hugo fut un brillant rhétoricien mais un piètre théoricien
Six ans après son prêche pour la colonisation de discours colonial, le 22 mai 1885, Victor Hugo, «le plus illustre représentant de la conscience humaine» comme le titre un journal, rend l’âme. Le 1 juin 1885 le Tout Paris célèbre les plus magnifiques funérailles du siècle du colonialisme : il enterre en grande pompe Victor Hugo, «le génie en qui vivait l’idée humaine». Galvanisées par une propagande médiatique inédite pour l’époque, trois cent mille personnes arpentent les rues de Paris derrière le char du génie de la littérature emportant l’écrivain au Panthéon, sans compter les centaines de milliers amassés sur les trottoirs pour rendre un dernier hommage à la dépouille de l’astre littéraire.
L’enterrement du «plus grand poète du siècle» a ressuscité le commerce. «Il faudrait qu’il meure toutes les semaines un Victor Hugo pour faire aller le commerce !», note un journal. Cela correspond à l’esprit mercantile de ce vendeur de mots, Victor Hugo qui faisait commerce de son art poétique et littéraire.
Contrairement à la légende, comme on l’a souligné plus haut, Victor Hugo ne fut jamais un révolutionnaire, qui plus est ennemi de la bourgeoisie. Ce phraseur, en idéaliste, professait que c’est par la bonté et la charité, par la fusion des cœurs (des exploiteurs et des exploités) que peut se résoudre le drame de la misère. Et non par la Révolution. Le renversement des exploiteurs, autrement dit des capitalistes, de la bourgeoisie.
Si Victor Hugo fut préoccupé par des questions sociales et morales, ce fut en littérateur, et non en militant libérateur. En artisan des mots, et non partisan de la révolution. Au vrai, Victor Hugo fut la «dame patronnesse littéraire» de la bourgeoisie française, qui aimait se consacrer à des œuvres de bienfaisance.
Par ailleurs, sur le chapitre de la politique, certes, Victor Hugo passe du royalisme et catholicisme réactionnaire au parti républicain. Mais moins pour des raisons politiques que poétiques. Voire tactiques : pressentant le déclin du pouvoir monarchique, en opportuniste, il épouse diligemment les idéaux de la République bourgeoise pour assurer sa carrière politique, finalement contrariée par son ami Louis-Napoléon.
Comme le soulignait le critique littéraire au début du XXème siècle, René Doumic : «Son catholicisme et son royalisme lui étaient entrés au cœur par l’imagination, ils en ont été chassés non point par une profonde crise de l’intelligence, mais par les besoins nouveaux de son vocabulaire, par la rapide extension de sa gamme poétique, qui, d’abord contente d’un simple clavier, exigea bientôt d’autres notes et la symphonie de tout un orchestre. C’est l’image, c’est le verbe, c’est le mot qui seul a engendré toutes les théories religieuses, politiques, sociales, morales et littéraires de Victor Hugo.»
C’est des mots que dérivent chez lui les idées, les sentiments, les actes. Et non pas des maux. C’est-à-dire de la réalité. Victor Hugo était un contemplatif, doté d’une imagination débordante, et non un militant subversif. Ainsi que le notait toujours René Doumic, pour Victor Hugo les «mots sont des images, et, c’est la remarque la plus curieuse et pleine de conséquences qu’on ait faite sur ses procédés. Le travail d’analyse, qui est pour nous le résultat de longs siècles de culture, n’existe pas pour lui».
C’était un rhétoricien. Il ne fut jamais un théoricien. Victor Hugo pense en images. Et imagine sans pensées, à l’instar de nos deux illustres écrivains francophones et francophiles, Kamel Daoud et Boualem Sansal. «L’étalage qu’il fait de son érudition suffirait presque à faire foi de sa complète ignorance. Il ignore l’histoire et il ne se soucie pas de la connaître, il n’a besoin ni de l’étudier ni de la comprendre, puisqu’il l’invente.
Il projette à travers le temps son imagination», précisait René Doumic. Et d’ajouter : «Hugo est indifférent au mouvement de la philosophie et de la science de son temps, et on voit de reste, sitôt qu’il s’avise de les citer, quelle est sa prodigieuse inintelligence ou ignorance des penseurs de tous les temps. Aux religions, aux philosophies, aux découvertes scientifiques, il emprunte ce dont il a besoin pour traduire l’émotion dont il est actuellement possédé». (…) «Si l’esprit philosophique réside dans le pouvoir de lier des idées, de les enchaîner logiquement, de les construire en systèmes d’une savante architecture, nul n’en fut plus parfaitement dépourvu (que Victor Hugo)».
Victor Hugo aborde le savoir, les connaissances, en spécialiste du lyrisme. En bâtisseur de mots. Le mot est pour Victor Hugo un être réel et vivant. A contrario, la réalité, le réel constitue une abstraction, un simple champ littéraire à exploiter pour fructifier son imagination féconde, cultiver fertilement son lyrisme.
Toute l’œuvre de Victor Hugo est fondée sur le lyrisme, qu’il décline en satire, en épopée, en poésie apocalyptique, en théâtre, en roman. Y compris la politique, il y est entré par lyrisme. Pour nourrir son appétence poétique, élargir et renouveler son lexique. Tout au cours de sa carrière littéraire et politique, Hugo, ce génie des mots, est demeuré essentiellement lyrique.
Victor Hugo, auteur inspiré, empli de lyrisme épique, acculé à l’exil, ses ambitions politiques déçues, il convertit son lyrisme en invectives, notamment contre Napoléon III, devenu sa bête noire. Pourtant, les deux hommes ont d’abord été, sinon amis, du moins alliés. Victor Hugo juge alors Louis-Napoléon «distingué et intelligent». Lors de la campagne électorale de 1848, il soutient sa candidature à la présidence de la République. Une fois Louis-Napoléon élu président, Victor Hugo compte parmi les premiers invités à l’Elysée. Il devient même son conseiller officieux. Est-ce parce qu’il n’a pas été nommé ministre de l’Instruction publique comme il escomptait qu’il vouera dorénavant une haine inexpiable à Napoléon III ? C’est ce que certains historiens soutiennent. La rancœur hugolienne est tenace. Son amertume lyrique indélébile.
Une chose est sûre, Victor Hugo demeura toujours un bourgeois qui savait, à l’instar de son disciple littéraire BHL, fructifier son argent, négocier ses contrats d’édition.
Ainsi que l’écrit Paul Lafargue : nombreux sont ceux qui «s’imaginèrent que l’écrivain, qui venait de trépasser, était un de ces prolétaires de la plume, qui louent à la semaine et à l’année leurs cervelles aux Hachette de l’éditorat et aux Villemessant de la presse.
Mais si on leur avait appris que le mort avait son compte chez Rothschild, qu’il était le plus fort actionnaire de la Banque belge, qu’en homme prévoyant, il avait placé ses fonds hors de France, où l’on fait des révolutions et où l’on parle de brûler le Grand livre, et qu’il ne se départit de sa prudence et n’acheta de l’emprunt de cinq milliards pour la libération de sa patrie, que parce que le placement était à six pour cent ; si on leur avait fait entendre que le poète avait amassé cinq millions en vendant des phrases et des mots, qu’il avait été un habile commerçant de lettres, un maître dans l’art de débattre et de dresser un contrat à son avantage, qu’il s’était enrichi en ruinant ses éditeurs, ce qui ne s’était jamais vu ; si on avait ainsi énuméré les titres du mort, certes les honorables représentants de la Cité de Londres, ce cœur commercial des deux mondes, n’auraient pas marchandé leur adhésion à l’importante cérémonie ; ils auraient, au contraire, tenu à honorer le millionnaire qui sut allier la poésie au doit et avoir.
La bourgeoisie de France, mieux renseignée, voyait dans Victor Hugo une des plus parfaites et des plus brillantes personnifications de ses instincts, de ses passions et de ses pensées.»
Khider MESLOUB
Victor Hugo le BHL du XIXème siècle : affairiste, suprémaciste, colonialiste, anti-ouvrier (III)
Victor Hugo, en opportuniste et homme d’affaires avisé, a toujours été un courtisan sachant vendre sa plume aux royalistes contre des royalties. La preuve : des années durant il a bénéficié d’une confortable pension royale. De même, son art n’était pas désintéressé. Il n’écrivait pas pour la gloire littéraire ou poétique mais pour s’enrichir. Victor Hugo n’était pas un adepte de «l’art pour l’art», mais partisan des gratifications pécuniaires royales.
Qui plus est, Victor Hugo avait un ego littéraire démesuré. Ce fils d’un général de l’armée de Napoléon, pétri d’un narcissisme précoce, écrivit dans son cahier d’écolier, à 14 ans : «Je serai Chateaubriand ou rien.» Chez Hugo, la folie des grandeurs politiques se conjugua avec la grandeur des folies poétiques !
Victor Hugo : bouffi d’un ego littéraire surdimensionné
Comme le souligne Franck Laurent dans ouvrage intitulé Victor Hugo face à la conquête de l´Algérie, «Hugo reste, avant tout, un homme immensément vaniteux, toujours quêtant l’admiration du monde, toujours occupé de l’effet, et capable de toutes les politesses pour se grandir. Le mot est toujours calculé et ordonné, il est l’état d´âme du poète».
«Mon œuvre, disait-il, est de l´histoire écoutée aux portes de la légende». En effet, l’œuvre (littéraire, politique, sociale, philosophique) d’Hugo est une légende. Une construction idéologique de ses amis les puissants, ces «équarisseurs d’indigènes», qui l’ont panthéonisé pour l’immortaliser.
Ce vendeur de mots a su vivre richement de ses fresques littéraires et de ses frasques politiques antinapoléoniennes. Hugo n’est-il pas cet écrivain qui, se prenant pour un géant de la Littérature, prenait tout le monde de haut. Y compris Napoléon III qu’il qualifiait de Petit. Napoléon III lui a même inspiré une œuvre lyrique incendiaire. Un pamphlet.
Pour Karl Marx, Hugo, contrarié dans ses ambitions politiques, par son pamphlet vindicatif, est tout juste capable de proférer depuis son exil doré des «invectives amères et spirituelles» contre Napoléon III. Tel un enfant en colère, Victor Hugo laisse exploser sa rage inoffensive contre le puissant empereur Napoléon III. «Je n’ai pas l’intention de faire un livre», écrit-il, «je pousse un cri.»
Dans le désert, nous serions tenté d’ajouter, tant ce genre de protestation politique lyrique ressemble à un pétard mouillé. À un effet d’annonce. Il s’agit en l’espèce non pas d’un combat politique collectif, mais d’un règlement de compte personnel. Œuvre d’un poète désabusé, d’un ambitieux politicien abusé. Dans son exil, il emporte aussi bien l’acrimonie du vaincu que les ressentiments du désappointé. Et rien ne semble apaiser sa rancœur contre Napoléon III.
Animé par un esprit vindicatif inextinguible, Victor Hugo va consacrer son temps d’exil à noircir des centaines de pages rageuses emplies de haine contre Napoléon III, à la manière de certains de nos plumitifs algériens contemporains exilés en Europe, qui s’emploient exclusivement à déverser avec frénésie leur haine sur l’Algérie.
De ses interminables nuits d’insomnie germeront trois ouvrages consacrés à Napoléon III. D’abord, Napoléon le Petit, puis, Les Châtiments, enfin, L’Histoire d’un crime, publié qu’après la chute du Second Empire, en 1877. En manque d’inspiration romanesque, Victor Hugo est réduit, au cours de son exil, à rédiger des pamphlets. Napoléon III est devenu son principal personnage. Sa muse.
Comme l’a écrit un historien, contrairement au plumitif Victor Hugo, «Napoléon III ne s’est pas contenté d’écrire. Détenteur du pouvoir, il a agi pour les pauvres. On lui doit la reconnaissance du droit de grève en mai 1864, les premiers embryons de syndicats en 1868, les caisses de retraite, les assurances contre les accidents du travail, l’assistance judiciaire gratuite, le libre accès de filles à l’instruction publique, l’instauration des “fourneaux économiques”, ces soupes populaires qui serviront jusqu’à 1 200 000 repas par an, sans oublier l’assainissement des villes, notamment Paris, où le choléra tuait encore 5 000 personnes en 1853, avant les grands travaux d’Haussmann».
Une chose est sûre, comme le notait Paul Lafargue, Victor Hugo, dépourvu de convictions politiques affirmées, fut, au gré des vicissitudes de l’histoire et des bouleversements gouvernementaux, tour-à-tour bonapartiste, légitimiste, orléaniste, républicain. Car il poursuivait un seul dessein : son intérêt personnel. «Toujours il resta hugoïste, ce qui est pire qu’égoïste». Ce trait de caractère égoïste s’affirme dès sa jeunesse. Dans la préface d’un de ses livres de jeunesse, il avait pris pour devise : «Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (c’est-à-dire qui rapportent) ; n’être d’aucun par leurs mauvais côtés (c’est-à-dire qui occasionnent des pertes)». C’est de l’opportunisme dans toute sa laideur.
En homme d’affaires avisé profitant de toutes les opportunités politiques et bouleversements gouvernementaux, en 1848, Victor Hugo, quand les réactionnaires se sont ralliés à la république, n’a pas hésité a troqué sa redingote royaliste pour le costume républicain.
«Je suis prêt à dévouer ma vie pour établir la République qui multipliera les chemins de fer… décuplera la valeur du sol… dissoudra l’émeute… fera de l’ordre, la loi des citoyens… grandira la France, conquerra le monde, sera en un mot le majestueux embrassement du genre humain sous le regard de Dieu satisfait», déclare-t-il dans sa profession de foi aux électeurs.
Dans un autre texte «électoraliste» que ne renierait pas Macron, ni Sarkozy, ni aucun homme politique démagogue, Victor Hugo, en idéologue patenté, écrit pathétiquement : «Je suis né noble, devenu vicomte et pair de France, monarchiste, mais… mais j’ai connu le peuple, j’ai ressenti la force du peuple, j’ai ressenti la nécessité d’écrire comme la conscience du peuple et, que celui-ci m’ait aimé ou pas, je l’ai aimé…» Macron le financier ou Donald Trump le milliardaire pourraient reprendre à leur compte cette rhétorique jésuitique et casuistique.
Hugo ne fut pas un partisan de la Commune de Paris
Au vrai, ainsi que l’écrit Paul Lafargue : «Victor Hugo était (en 1848) de ceux qui fermaient les ateliers nationaux, qui jetaient les ouvriers dans la rue, pour noyer dans le sang les idées sociales, qui mitraillaient et déportaient les insurgés de juin, qui votaient les poursuites contre les députés soupçonnés de socialisme, qui soutenaient le prince Napoléon, qui voulaient un pouvoir fort pour contenir les masses, terroriser les socialistes, rassurer les bourgeois et protéger la famille, la religion, la propriété menacées par les communistes, ces barbares de la civilisation.»
L’auteur des “Misérables”, encensé comme le chantre de l’humanité, défenseur du peuple, écrit dans un périodique cette diatribe anti-ouvrière que ne désavouerait pas Macron : «Hier, au sortir de la plus douloureuse corruption, ce qui se déchaîna, ce fut la cupidité ; ceux qui avaient été les pauvres n’eurent qu’une idée, dépouiller les riches. On ne demanda plus la vie, on demanda la bourse.
La propriété fut traitée de vol ; l’État fut sommé de nourrir à grands frais la fainéantise ; le premier soin des gouvernants fut de distribuer, non le pouvoir du roi, mais les millions de la liste civile, et de parler au peuple non de l’intelligence et de la pensée mais de la nourriture et du ventre… Oui, nous sommes arrivés à ce point que tous les honnêtes gens, le cœur navré et le front pâle, en sont réduits à admettre les conseils de guerre en permanence, les transportations lointaines, les clubs fermés, les journaux suspendus et la mise en accusation des représentants du peuple.»
Autrement dit, en défenseur de la propriété privée et de l’ordre dominant bourgeois, il dénonce la redistribution des richesses aux pauvres et approuve l’instauration de la dictature, la censure, la répression militaire, la fermeture des clubs politiques.
L’opportunisme de Victor Hugo lui fait dire ou écrire une chose et son contraire. Dans les périodes de «paix sociale», de soumission totale du peuple et du prolétariat, il entonne leurs louanges, il compose des odes pour vanter leur docilité. Mais dès que le peuple et le prolétariat se dressent contre la bourgeoisie et le système, Victor Hugo les fustige, les fusille à coup de chevrotines scripturales assassines.
C’est ainsi que lors de la Commune de Paris, Victor Hugo, en bourgeois légaliste et hugoïste, a eu une attitude des plus curieuse. Alors que Paris est en proie à l’agitation révolutionnaire menée par les communards, Victor Hugo, en homme d’affaires cupide, préfère s’éclipser pour se rendre en Belgique sous prétexte de régler la succession de son fils Charles. Ainsi il déserte le champ de bataille révolutionnaire à l’heure du combat décisif de l’histoire.
Et c’est depuis Bruxelles qu’il suivra les développements révolutionnaires de l’insurrection de la Commune de Paris. Durant l’insurrection, le poète lyrique limite ses interventions publiques à la publication de trois poèmes : «Un cri», «Pas de représailles», «Les deux trophées».
Dans ces poèmes, Victor Hugo, à l’instar, ultérieurement, d’Albert Camus lors de la guerre de Libération de l’Algérie, renvoie dos à dos les violences communardes et versaillaises.
Au vrai, selon ses propres notes, par son départ précipité de Paris le 20 mars 1871, deux jours seulement après le début de l’insurrection, Victor Hugo manifeste sa condamnation de la Commune de Paris : «J’ai cru devoir être présent à la guerre étrangère et absent à la guerre civile», écrit-il dans ses carnets.
Ainsi, il a accepté de remplir son devoir républicain bourgeois en se battant pour la partie, mais jamais celui de militant révolutionnaire pour se battre pour la défense de la Commune.
Victor Hugo condamne l’insurrection car, selon lui (à l’instar, ultérieurement, des Mencheviks lors de la Révolution russe de 1917, partisans de la poursuite à outrance de la guerre impérialiste), «on n’entre pas en guerre civile sous les yeux de l’ennemi victorieux». Autrement dit, Victor Hugo préfère inviter les travailleurs à mourir pour la patrie afin de défendre les intérêts de la bourgeoisie (de la République bourgeoise), plutôt que de mourir pour leur Révolution prolétarienne émancipatrice.
Une chose est sûre, Hugo ne fut pas un partisan de la Commune. Comme, du reste, l’ensemble de l’intelligentsia française. Parmi les grands écrivains, seul Jules Vallès participa à l’insurrection. Certes, après l’écrasement de la Commune, Victor Hugo, en bourgeois poète sentimental, est intervenu contre la répression, mais en paroles.
Comme le souligne Paul Lafargue, Victor Hugo, cet agent de propagande du colonialisme, représentatif de l’élite bourgeoise occidentale toujours dominante à notre époque, fut, toute sa vie, condamné à dire et à écrire le contraire de ce qu’il pensait et ressentait. «En exil, pour plaire à son entourage, il pérora sur la liberté de la presse, de la parole et bien d’autres libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet «aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides… et des idées de révolte.» «Le libertaire Hugo n’était pas homme à hésiter devant l’amputation de toute liberté qui inquiète la classe possédante et trouble les cours de la bourse».
Déjà au XIXème siècle l’hypocrisie de l’intelligentsia française était à l’œuvre, avec sa défense de la liberté d’expression à géométrie variable.
Victor Hugo fut le BHL du XIXème siècle. Certes Hugo avait, au plan littéraire, plus de style que BHL. Mais tous les deux appartiennent à la même classe bourgeoise française exploiteuse, colonialiste, impérialiste, militariste, belliciste, raciste, xénophobe, ségrégationniste, sioniste. Et, surtout, génocidaire et ethnocidaire.
Khider MESLOUB
Lire: Victor Hugo le BHL du XIXème siècle: affairiste, suprémaciste, colonialiste, anti-ouvrier (I)