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December 9, 2025

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TRIBUNE

Le socialisme français porte en lui le sionisme comme la nuée porte l’orage. (3e et dernière partie)

Ni en 1896, lorsque Théodor Herzl publie à Leipzig le texte fondateur du sionisme officiel, pas plus qu’en 1897 lorsqu’il organise le congrès sioniste mondial ou en 1905, année durant laquelle le choix de la Palestine est définitivement arrêté au VIIème congrès, le sionisme ne rencontre en France plus qu’une curiosité marginale. En conséquence, on ne trouve chez Jaurès qu’un point de vue parcellaire sur le sionisme, assimilable à un phénomène de mode passager, à notre connaissance du moins.

Mohamed Belhoucine*

Le sionisme culturaliste de Blum

Ni en 1896, lorsque Théodor Herzl publie à Leipzig le texte fondateur du sionisme officiel, pas plus qu’en 1897 lorsqu’il organise le congrès sioniste mondial ou en 1905, année durant laquelle le choix de la Palestine est définitivement arrêté au VIIème congrès, le sionisme ne rencontre en France plus qu’une curiosité marginale. En conséquence, on ne trouve chez Jaurès qu’un point de vue parcellaire sur le sionisme, assimilable à un phénomène de mode passager, à notre connaissance du moins.

Avec Léon Blum les choses sont bien différentes. Décrivant sa rencontre avec le sionisme, Léon Blum précise « dès le lendemain de la première guerre mondiale, Weizmann m’enrôla au service de ses desseins en s’aidant parfois de mes avis ».

Dès 1919, le sioniste français Léon Blum joue un rôle actif dans la défense du projet sioniste en intervenant pour obtenir la levée de l’opposition française au mandat anglais sur la Palestine :

« C’est un grand orgueil et une grande satisfaction pour moi de penser que j’ai pu l’aider dans la difficile négociation dont dépendait la création du Home National juif, et qui consistait à obtenir la levée simultanée de l’opposition française contre l’attribution du mandat palestinien à la Grande-Bretagne et de l’opposition américaine contre l’attribution du mandat syrien à la France. »

Il participe dès sa création en 1928 au « Comité socialiste pour la Palestine ouvrière » et est désigné l’année suivante au comité élargi de « l’agence juive pour la Palestine ».

Dans son texte, les juifs devant le problème allemand, Léon Blum (décèdera en 1950) s’émerveille devant les kibboutz qu’il présente comme la solution à la question juive. « Comparez les jeunes pionniers avec leurs grands-parents du ghetto et jugez à quel point on peut transformer une race humaine ! » s’exclame le leader socialiste.

L’admiration de Blum s’inscrit en continuité avec sa vision des « indigènes » et de la colonisation. Si les Palestiniens font écho dans la pensée de Blum aux indigènes arriérés, les militants sionistes construisant les kibboutz font également écho aux civilisateurs coloniaux. De même que la colonisation visait à civiliser les Africains, le sionisme visait à « transformer l’Orient en Occident » pour reprendre la formule éclairante d’Edward Saïd dans son magnifique et fondamental ouvrage « l’Orientalisme ».

Tout comme la colonisation visait à régénérer des peuples retardataires et féodaux, le sionisme a pour idée centrale « que l’Orient est dégénéré, qu’il a besoin d’être reconstruit conformément aux notions politiques de l’Occident éclairé » complète Edward Saïd.

Pour reprendre une formule de Léon Blum, Israël apparaît dans cette logique comme « le rêve transposé au niveau de la réalité historique ». Une colonisation idéale en quelque sorte.

Le soutien socialiste au sionisme n’est, on le voit, le résultat d’aucun grand complot international. Il est tout simplement la continuité idéologique du colonialisme socialiste. C’est d’ailleurs la même raison qui conduit les socialistes au culturalisme intégrationniste en ce qui concerne les immigrés et leurs enfants français (voir Julien Dray (alias Bensousan originaire du quartier juif Derb d’Oran) sioniste ‘’socialiste’’, connu pour ses détournements de fond et abus de biens sociaux, un malfaiteur notoire, protégé par l’Etat profond français, initiateur du mouvement false flag SOS racisme créé en 1985, ‘’ne touche pas à mon pote’’. Sa famille militante OAS, fait partie du CRIF et du cercle dirigeant juif dans deux partis extrémistes judéonazis le Tagar et le Bétar).

Pour eux aussi, l’approche n’est pas celle du traitement égalitaire mais celle de l’intégration et de la civilisation.

Le sionisme stratégique de Guy Mollet

Le sionisme de Guy Mollet ajoute la donne stratégique à l’argumentaire culturaliste. Le soutien à Israël s’inscrit comme défense de « l’Occident » face à ses ennemis : les communistes et les luttes de libérations nationales hier, l’islam, « l’intégrisme », l’Iran, etc., aujourd’hui.

C’est cette approche stratégique qui le conduit à l’agression contre l’Egypte lors de la nationalisation du canal de Suez en 1956. Pour Guy Mollet, faire la guerre à Nasser c’était mener le même combat que celui pour le maintien du colonialisme par la guerre d’Algérie.

Les Israéliens ne s’y trompent pas, comme en témoigne cette phrase cynique de Shimon Perez de retour d’une rencontre avec Guy Mollet à Matignon en vue de préparer l’agression contre l’Egypte :

« Nos liens avec la France se poursuivront aussi longtemps que seront tués des Français en Algérie et des Egyptiens sur les frontières d’Israël ». Ce sionisme stratégique n’est pas sans rappeler la décolonisation stratégique de l’empire français : « Lâcher l’Asie pour garder l’Afrique », puis « lâcher l’Afrique subsaharienne pour garder le Maghreb », puis « lâcher la Tunisie et le Maroc » pour garder l’Algérie » et « lâcher l’Algérie et garder le Sahara » et enfin « lâcher le Sahara algérien et garder le Sahel ».

Le camouflet reçu à Suez ne change pas la préoccupation stratégique centrale de Guy Mollet. Au contraire, elle le conduit pour « assurer la défense d’Israël » non seulement à lui livrer massivement des armes mais aussi à lui donner accès à la technologie permettant de produire l’arme nucléaire. La technologie française permettant la production de l’arme nucléaire n’est pas encore totalement au point mais la France sait désormais produire des réacteurs. Guy Mollet va « aider Israël en septembre 1956 à la construction dans le désert du Néguev d’un « réacteur de « recherche », le « EL-102 », connu sous le nom de Dimona et destiné à produire du plutonium », rappelle le chercheur Ben Cramer, qui fera d’importantes révélations dans un de ses ouvrages qui a fait sensation en 2009 (Ben Cramer, NuclearWeapon : At Whatcost ?2009. International Peace Bureau (IPB). Geneva, Switzerland).

Plus de dix ans après Suez, au moment de la guerre dite « des six jours », le discours et l’analyse de Guy Mollet sont les mêmes et ce dernier continue à « dénoncer Nasser [qui] a employé les mêmes procédés qu’Hitler ». On le retrouve logiquement dans le conseil de parrainage du « Comité pour le droit d’Israël à l’existence » au côté du trio sioniste, Gaston Monnerville, Gaston Deferre, François Mitterrand.

En 1956 comme en 1967 et comme aujourd’hui, le sionisme stratégique socialiste justifie l’idée d’une guerre préventive basée sur le droit de légitime de défense d’Israël.

Il est vrai que Guy Mollet connaît bien la logique de « légitime défense » au nom de laquelle 60 résistants algériens furent guillotinés alors qu’il était président du conseil.

La construction d’un amalgame entre antisémitisme et antisionisme

L’héritage sioniste du parti socialiste n’est pas une réalité inerte et atemporelle. Il évolue et s’adapte aux besoins idéologiques d’Israël. Or l’État sioniste est confronté à une réalité nouvelle : celle du développement de la solidarité avec le peuple palestinien. En particulier depuis les intifada, cette solidarité s’est massifiée lors des agressions militaires israéliennes.

Même si le mouvement de solidarité ne prend cette forme massive que de manière épisodique, elle est perçue comme dangereuse par l’état israélien et ses soutiens occidentaux. Avec le génocide des populations de Gaza, une solidarité universelle est en train de devenir endémique et structurelle.

L’exclusion proche d’Israël de l’ONU en tant qu’Etat paria n’est pas à écarter, ce sera une défaite permanente et stratégique pour l’entité sioniste qui va augurer sans conteste etde façon inéluctable sa prochaine disparition.

Le génocide de Gaza renforce l’isolement d’Israël conjugué aux arrêts de la cour de justice international qui ne feront qu’accélérer cet isolement de jure et de facto.

De même, le mouvement BDS Boycott-Désinvestissement-Sanctions est une forme d’action de par ses conséquences économiques et à la lumière des dernières résolutions de la cour de justice internationale, son développement va devenir massif.

Ces nouvelles réalités suscitent l’émergence de nouvelles thèses idéologiques dont la principale depuis une décennie est la construction médiatique et politique d’un amalgame entre l’antisémitisme et l’antisionisme.

Sous la pression des américains et à l’initiative du gouvernement français, la résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies adoptée le 10 novembre 1975, assimilant le sionisme comme une forme de racisme et de discrimination raciale, sera révoquée le 16 décembre 1991 par l’Assemblée générale de l’ONU.

Le parti socialiste était aux premières lignes de la construction de cet amalgame. En témoigne par exemple le communiqué du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France daté du 30 janvier 2012 relatant la rencontre avec François Hollande du 25 janvier dans lequel « le candidat socialiste a assuré le CRIF de son engagement de fermeté contre les actes antisémites et antisionistes ».

De même, Manuel Valls dénonce un « nouvel antisémitisme qui se cache derrière un antisionisme de façade. Un antisionisme qui n’est d’ailleurs pas moins contestable ».

On ne compte plus non plus les élus socialistes condamnant les « slogans antisémites » dans les manifestations en désignant ainsi les slogans antisionistes. Notamment le non moins folklorique d’entre eux George Frêche (décédé) un anti palestinien, à qui il réfute le droit à l’existence et les appelle les trans-cisjordaniens dans la pire tradition de Guy Mollet.

Il convient ici de rappeler quelques fondamentaux sur la manière dont Théodor Herzl, fondateur du sionisme officiel, aborde la question de l’antisémitisme. Le projet sioniste s’argumente dans son analyse comme une réponse à l’antisémitisme européen.

Pour Herzl, le sionisme est la seule réponse solide à l’antisémitisme. Dans son journal intime, il considère même l’antisémitisme comme un allié objectif du sionisme : « les antisémites deviendront nos amis les plus loyaux et les nations antisémites nos alliées ».

Le raisonnement est logique. L’antisémitisme par sa violence pousse les citoyens de confession juive à chercher dans un ailleurs la solution à leurs difficultés. De même qu’il existe des sionistes antisémites, il existe des antisionistes qui ne sont pas antisémites. L’existence d’antisémites sionistes n’est pas nouvelle.

La figure d’Edouard Drumont nous le rappelle. L’auteur de la France Juive propose tout simplement de « les renvoyer tous en Palestine ». Ayant pris connaissance de la naissance du mouvement sioniste, il précise sa pensée : « Le Juif qui aspire à se constituer une patrie est digne d’estime … Le Juif qui veut avoir un drapeau est un brave Juif … Avoir une patrie, n’est-ce pas le plus impérieux de tous les devoirs ? La France aux Français ! La Palestine aux Juifs ».

La diffusion de l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme se réalise au début de la décennie 2000 par la publication du livre de Pierre-André-Taguieff, ‘’La nouvelle judéophobie’’. Selon lui l’emploi euphémisé « d’antisionisme » implique la substitution de cette expression à cette autre qui, trop explicite ou « directe », serait disqualifiante : antisémitisme ».

La dénonciation des crimes israéliens ne serait rien d’autre que la réactivation des vieux mythes antisémites : « Dans la propagande « antisioniste », le peuple palestinien est transfiguré en peuple de « héros » et de « martyrs », jusqu’à être christifié en peuple d’enfants martyrs ce qui réactive le vieil imaginaire antijuif du meurtre rituel.

Toute critique d’Israël est dans cette analyse inévitablement antisémite. De surcroît, cette nouvelle judéophobie serait le fait des musulmans. D’où une conclusion limpide et sans ambiguïté politique : « Le pro-palestinisme » est assurément le principal vecteur de la nouvelle haine des Juifs à laquelle on donne souvent le nom « d’antisionisme. »

C’est à cette source que le parti socialiste emprunte son amalgame entre l’antisémitisme et l’antisionisme. La ficelle est bien grosse puisqu’elle consiste à amalgamer le soi-disant « antisémitisme » et « antisionisme », la colère contre les crimes d’Israël et le mouvement antisioniste, analysant l’état d’Israël comme un état colonial et la lutte du peuple palestinien comme une lutte anticoloniale. Le socialisme français de par sa longue tradition coloniale et sioniste ne peut réfuter cette confusion.

*Docteur en sciences physiques, DEA en économie

Le socialisme français porte en lui le sionisme comme la nuée porte l’orage. (1e Partie)

Le socialisme français porte en lui le sionisme comme la nuée porte l’orage. (2e Partie)

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