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Cette « démocratie » occidentale apanage des classes opulentes et purulentes (2/2)

Par Khider Mesloub

Historiquement, au fur et à mesure du développement du capital, au tournant des XIXème et XXème siècles, la configuration du rapport social capitalistique se transforme. Le couple antagoniste capital-travail vit des tensions et des conflits de plus en plus exacerbés, au point de menacer sa viabilité. Par ailleurs, du fait de l’agrandissement et de l’élargissement des forces productives, celles-ci deviennent trop vastes pour continuer à être gérées par des propriétaires privés. C’est le début de l’ère des trusts, des cartels, holdings, multinationales, monopoles.

Du côté de l’autre partenaire du couple antagoniste, à savoir le Travail, incarné par le mouvement ouvrier en pleine croissance, il devient trop puissant pour continuer à être tenu à l’écart du pouvoir économique et politique. Aussi, l’État des riches, pour neutraliser le mouvement ouvrier, jouera désormais son rôle d’arbitre. De conciliateur. En forçant le capitalisme, non pas à devenir socialiste, mais à se socialiser, c’est-à-dire en incitant, voire en contraignant, les capitalistes à instituer des mesures socialisantes. Une politique sociale. Ce socialisme patronal calculé culminera au XXème siècle avec l’adoption de lois sociales et l’instauration de la société de consommation. Somme toute, après la phase de répression contre la classe ouvrière caractérisée par sa propension à la lutte subversive permanente, le capitalisme rentrera dans une phase d’intégration de la classe ouvrière afin de dompter sa nature rebelle par « l’aiguillon lucratif » de la consommation effrénée, et de domestiquer ses organisations politiques et syndicales par leur embourgeoisement.

En revanche, dans les pays sous-développés, en lieu et place de la satisfaction des revendications sociales portant notamment sur la hausse des salaires, la diminution du temps de travail, c’est-à-dire l’amélioration des conditions de vie, la bourgeoisie compradore concédera opportunément la généralisation du suffrage universel. En lieu et place de la répartition égalitaire des richesses, elle procédera à la distribution régulière des bulletins de vote à la plèbe affamée, sous les ovations complaisantes des bureaucrates syndicaux ravis de leur collaboration traîtresse et l’approbation perfide des partis de gauche infatués de leur allégeance. À l’instar des pays d’Afrique et du Maghreb, où la « démocratie » de papier sera généreusement octroyée au peuple misérable en lieu et place de besoins sociaux essentiels. Sans conteste, la démocratie bourgeoise constitue l’apothéose de l’aliénation et de la mystification. Une chose est sûre : si la démocratie bourgeoise permettait de changer le sort des prolétaires, elle serait interdite.

À la vérité, depuis son apparition, la démocratie parlementaire n’a jamais concerné les classes dominées, si ce n’est pour être sollicitées périodiquement, au moyen de campagnes électorales racoleuses, aux fins de déposer un bulletin de vote dans l’urne, au nom évocateur tant elle symbolise le réceptacle mortuaire des illusions déposées par l’ensemble des classes populaires enterrées socialement vivantes.

À plus forte raison, la démocratie constitue un efficace adjuvant politique prescrit aux dociles citoyens comme antidote à leur misère sociale, citoyens reconnaissants pour ce « privilège électoral » généreusement octroyé par le pouvoir dominant. Ces dociles citoyens sont satisfaits d’élire leurs représentants respectifs (mais point respectables) aux prétendues différentes casquettes politiques, mais en vrai à l’alternative électorale réduite au choix entre le candidat de la droite du capital et le candidat de la gauche du capital (pour l’Algérie : longtemps entre le candidat de la nomenklatura kleptomane FLNèsque et la confrérie mafieuse et séditieuse islamique, en particulier sous l’ère du régime de Bouteflika).

Assurément, la démocratie bourgeoise a de tout temps revêtu un caractère de classe. Les mascarades électorales ont toujours été une affaire de riches par lesquelles chaque fraction (clan) de la classe dominante tente d’accaparer les leviers de l’État pour l’exercer à son profit et, surtout, contre le peuple, tenu en respect (en joue) par ses forces de l’ordre et son armée, prêtes à le réduire en cendre, comme la démocratie réduit en cendres ses illusoires espoirs déposés dans les urnes électorales.

Pour autant, actuellement, la démocratie bourgeoise est en crise. La démocratie marchande a tellement perdu sa crédibilité que la bourgeoisie est disposée à s’endetter pour payer les électeurs afin d’acheter leurs suffrages aux fins de perpétuer la mystification électoraliste.

Inauguration de l’ère du démospotisme en Occident

Aussi, avec la discréditation de la démocratie financière et l’impossibilité d’instaurer une dictature à visage clairement fasciste, moralement honnie et politiquement bannie, en Occident le capital œuvre à l’établissement d’un régime oligarchique, c’est-à-dire « un système d’organisation politique dans lequel un petit nombre de personnes concentrent et se partagent les pouvoirs économique, politique et médiatique et discutent entre eux des décisions à prendre pour la collectivité », comme l’écrit Hervé Kempf, auteur du livre « L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie».

En France, le Conseil de défense, devenu instance suprême de gouvernance instituée par Macron, symbolise cette dérive oligarchique et despotique du pouvoir.

Les oligarques appartiennent à la catégorie des hyper-riches. De nos jours, c’est au sein de cette fraction de la classe possédante que se recrutent les décideurs politiques (ministres, conseillers, députés, sénateurs, PDG des grandes entreprises publiques). Issus des grandes écoles, ces oligarques débutent leur carrière dans les instances étatiques, avant de se hisser à la direction d’une banque ou d’une multinationale (ou l’inverse, à l’instar de Macron, ancien banquier, hissé à l’Élysée par les grands argentiers). Souvent, ils reprennent du service dans la politique, notamment en qualité de député, maire ou ministre. Ainsi, cette rotation professionnelle entre secteur privé et public permet à ces oligarques de fortifier et de fructifier leurs fortune et puissance. Par exemple, un PDG, nommé ministre (ou placé par le capital à un poste ministériel stratégique), ne manquera pas de favoriser le secteur de son ancienne entreprise ou le secteur de telle société au sein de laquelle il escompte siéger à la direction.

Au reste, à notre époque dominée par les oligarques, même les présidents sont également devenus de simples administrateurs de l’État. L’État, lui-même, métamorphosé en simple rouage assujetti au Grand capital mondialisé et oligarchique. De fait, chaque pays s’est mué en simple société anonyme dirigée par un PDG-président asservi au capital mondial apatride. Le pouvoir étatique est devenu à tel point impuissant qu’il est soumis, comme un vulgaire salarié, aux appréciations des agences de notations financières chargées de distribuer les notes d’évaluation de la gestion du pays. La moindre mauvaise note en matière économique et budgétaire, et s’en est fini du pouvoir en particulier, et du pays en général. Pris en otage, le pays se voit parachuter un nouvel oligarque-président, imposer une nouvelle classe dirigeante (caste oligarque affligeante) constituée de mercenaires politiciens, fabriqués par les puissances financières entièrement contrôlées par le grand capital mondial.

À la manière du régime de Macron intronisé à l’Élysée par le grand capital, devenu, à la faveur de la pandémie politiquement instrumentalisée et de la crise énergétique orchestrée, et surtout de la gestion répressive et punitive des Gilets jaunes, démospotique, cette nouvelle forme de gouvernance fondée électoralement sur la démocratie mais gouvernementalement sur le despotisme. Macron, hissé au pouvoir par les firmes et la finance transnationale, n’envisage-t-il pas, comme le rapporte de nombreuses informations, d’amender (ou plutôt trafiquer) la Constitution pour briguer un troisième mandat. Avec Macron, la bourgeoisie occidentale décadente inaugure l’ère du Démospotisme.

Démocratie et Dictature : deux modes de gouvernance siamois inhérents au mode production capitaliste

Le démospotisme, c’est ce mode de gouvernance occidentale qui a l’apparence de la démocratie par l’élection, mais le vrai visage du despotisme par la gestion étatique. Cette gouvernance occidentale oligarchique prétend être vaccinée contre la tyrannie, immunisée contre le fascisme. Mais elle renferme au vrai tous les attributs pathologiques du totalitarisme asymptotique, ce virus despotique, invisibilisé par la subliminale propagande médiatique autocratique. Ce système démospotique viral se propage sur tout le corps social occidental, désormais immergé dans la nauséabonde boue de la servitude volontaire dans laquelle l’ensemble des citoyens se vautrent allègrement.

De toute évidence, le monde occidental a basculé de la démocratie formelle au despotisme réel. En effet, en Occident on assiste à la fin de la démocratie bourgeoise avec ses Parlements, ses Droits, ses Pouvoirs et contre-pouvoirs superflus. Car, dorénavant, les lois et les mesures despotiques sont dictées directement par le Pouvoir Exécutif, sans être ratifiées par le Parlement (Parle ment). Tous les pays occidentaux, caractérisés par la militarisation de leur société, la mutilation des droits sociaux de leurs populations et la gouvernance par la terreur, s’apprêtent à étriller les vétustes Constitutions, les libérales règles politiques et les lois sociales protectrices, devenues des entraves à la nouvelle gouvernance despotique dictée par la situation de crise économique systémique (vectrice de menaces d’explosions sociales), et la marche forcée vers la guerre généralisée.

De même, on assiste à la fin de la souveraineté du pouvoir judiciaire dorénavant dépouillé de son apparente et illusoire indépendance, à la mort de la liberté d’expression et de la presse, illustrée par la disparition des fonctions de contrepoids correctif démocratiques défendues par des instances de régulation libres, menacées de disparition car encombrantes en période de guerre de classe et de conflit armé.

Il s’agit ni plus ni moins d’un retour au despotisme absolu d’avant la « Révolution française », d’une volonté de démantèlement de toutes les règles de gouvernement démocratiques bourgeoises, devenues inopérantes pour contenir la guerre de classe en fermentation, encombrantes pour entraîner le peuple récalcitrant vers les conflits armés permanents.

Une chose est sûre : cela dévoile le caractère illusoire de la démocratie bourgeoise occidentale. En effet, la démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du capital. Dans l’histoire de l’Occident, Démocratie et Dictature, deux modes de régulation politique siamois au sein du même mode production capitaliste, se succèdent alternativement au sein du même État, au gré des conjonctures économiques et sociales mais, surtout, de l’assoupissement ou de l’exacerbation de la lutte des classes.

« Essayez d’être libre : vous mourrez de faim. La société ne vous tolère que si vous êtes successivement serviles et despotiques. » Emil Michel Cioran.

Lire: Cette « démocratie » occidentale apanage des classes opulentes et purulentes (1/2)

 

 

 

 

 

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