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La guerre en Ukraine: Raisons, forme de guerre, théorie des jeux et enseignements (1ère partie)

 Dr. SACI

Avant de commencer je voulais seulement préciser quelque chose aux chers(es) lecteurs(rices). Je ne suis ni pour cette guerre ni pour une autre forme de conflit armé. Je constate, j’explique et je ne justifie pas cette guerre qui se joue actuellement selon le jeu à somme nulle et qui se terminera un jour par le système des fusibles, à savoir la poule mouillée de la théorie des jeux. Qui sera cette poule mouillée qui se tordra le coup dans les prochains quatre mois ? Il n’y aura qu’une seule, sinon ce sera un hiver nucléaire. 

Cette modeste contribution traitera dans une première partie des raisons ayant été à l’origine du conflit armé russo-ukrainien et par procuration russo-otanien, précédé par une introduction ; en deuxième partie quelle est la forme de cette guerre que mène la Russie contre l’Ukraine et le monde occidental ; en troisième partie le conflit russo-ukrainien en théorie des jeux ; et en quatrième partie les enseignements à tirer de cette guerre (leçons apprises). Pour ne pas trop encombrer les lecteurs (trices), chaque partie sera publiée séparément des autres.

J’entame cette contribution par une citation d’une personnalité connue par sa sagesse en Afrique, l’Empereur d’Ethiopie, Haile Sélassié : « Tant que la philosophie qui maintient une race supérieure et une race inférieure ne sera pas discréditée et abandonnée… il y aura la guerre ! »[1]

La suprématie, cette culture naturelle ancrée dans les racines d’une composante de notre monde, construit les relations et imposent des règles dans les rapports d’une partie avec une autre : Une philosophie hégémoniste et prédatrice.

Pensée unique et radicalement la meilleure pour les hégémonistes, elle est incontestable. Il est interdit à toute nation ou autres de remettre en cause ces valeurs occidentales ou de perturber le monde unipolaire qui s’est construit sur le dos de l’effondrement du bloc de l’Est.

Il s’agit d’une morale à géométrie variable imposée par une diplomatie coercitive occidentale, prônée par les va-t-en-guerre.

Retour à la case, si ce n’est pas le colonialisme qu’ils veulent nous imposer, c’est le néocolonialisme qui couvre notre ciel sous une autre appellation, la mondialisation moralisante visant une libéralisation économique et sociétale.

Ce néocolonialisme nous impose d’ouvrir nos frontières à ses écrans et sa ferraille, de suivre l’occident dans son mode de vie, sa manière de pensée et surtout dans les qualificatifs des choses, faute de quoi on nous accuse d’hypocrisie. N’est-ce-pas le président français, E. Macron, qui avait déclaré, lors de sa visite au Cameroun du 25 au 27 juillet 2022 : « là où je vois trop souvent de l’hypocrisie, en particulier sur le continent africain (…) à ne pas savoir qualifier une guerre qui en est une et ne pas savoir dire qui l’a lancée. »[2] Cette déclaration a été faite, de surcroit, devant le président P. Biya, dont le pays est membre de la CEDEAO, une organisation régionale francophone.

En refusant de s’aligner sur l’occident au sujet du conflit russo-ukrainien, l’Afrique aura à entendre de pareils qualificatifs et affronter des mesures de rétorsions.

Macron n’a rien inventé, car il ne fait que suivre une politique otanienne dictée et tracée dans un projet d’une résolution américaine, présentée au Congres Us, le 31 mars 2022, intitulée : H.R.7311 « Countering Malign Russian Activities in Africa Act » (Loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique)[3] ; que certains analystes, dont l’écrivain Jean Fils-Aimé considère comme une loi « à punir ceux qui soutiennent les relations russo-africaines. »[4]

Avant cela et c’est un 30 septembre 2021; Macron a exploité une occasion pour avancer que « L’Algérie n’existait pas avant la colonisation française ». Il doit certainement piquer cette blague d’un document élaboré par ceux qui espionnaient son téléphone avec le logiciel Pegasus. On peut trouver ce mensonge dans un document élaboré par une équipe des forces armées marocaines, datant des 2011-2012, intitulé « Pour une nouvelle stratégie de défense intégrée du Maroc ». Dans son 2ème paragraphe de la page 6 et en faisant allusion à l’Algérie, il est écrit : « la naissance d’un nouveau voisin à l’Est, qui n’existait pas historiquement ».[5]

C’est en voulant donner des leçons que les néocolonialistes s’égarent. En encensant lourdement un va-t-en-guerre pour l’embrasement de l’Europe, les médias occidentaux et notamment français ont enterré à jamais l’idée d’« une Europe de l’Atlantique à l’Oural », un projet cher à De Gaulle qui croyait en une relation singulière de la France et de la « Russie éternelle »[6]

Autrefois rivale du monde occidental et maintenant pays émergent, la Russie a connu une période les plus difficiles, peut-être de son existence, depuis 1991. Flouée, sanctionnée, menacée, accusée,…, mais calmement elle revient pour reprendre sa revanche et imposer à ses rivaux des lignes rouges à ne pas franchir, dont le désarmement, la neutralité et la non intégration de l’Ukraine dans l’Otan et la dénazification du pays. En d’autres termes, l’obtention d’une forme de garantie de sécurité dans l’architecture de sécurité en Europe.

Toutes ses demandes ou initiatives sous parrainage occidentales, dont celle franco-allemande concernant les accords de Minsk II de 2015, ont été ignorées par les Etats-Unis et mises sous scellés, sous différents prétextes.

L’erreur dans tout cela, l’occident ne croyait pas que Poutine qui avait foncièrement envie d’en découdre avec l’Ukraine, oserait mener une opération militaire spéciale. Trop confiants en eux, ils ont désigné les menaces de Poutine de Bluff[7], en occultant les avertissements de plusieurs personnalités, dont des ex-décideurs de pays occidentaux, qui se sont opposés à l’élargissement de l’Otan à l’Ukraine.

L’aspect le plus fascinant du conflit russo-ukrainien est le grand nombre d’experts et de diplomates américains qui se sont opposés à l’élargissement de l’Otan et avaient averti que l’expansion de l’Otan jusqu’à l’Ukraine ne sera jamais acceptée par la Russie et risquerait d’être à l’origine de conflits.

Parmi ces personnalités, je citerai ci-après les plus importantes :[8]

Le premier ministre de l’Australie Paul Keating en 1997; une cinquante d’experts en politique étrangère (d’anciens sénateurs, officiers militaires, diplomates, etc.) ayant saisi Clinton par écrit en 1997; Jack F. Matlock Jr., ambassadeur américain en URSS en 1997; un des principaux architectes de la politique étrangère américaine, Robert McNamara en 1997[9] le stratège en matière de politique internationale et ancien ambassadeur américain à Moscou George Kennan en 1997[10]; le journaliste et homme politique américain Pat Buchanan dans son livre 1999; l’Ancien ambassadeur Us a Moscou et actuel directeur de la CIA Bill Burns en 2008[11]; l’ancienne conseillère des présidents Bush et Obama, Fionna Hill en 2008[12] le diplomate et politologue américain Henry Kissinger en 1997[13] 2014 et 2022; le premier ministre de l’Australie, Malcolm Fraser en 2014; le chercheur spécialisé dans les études russes Stephen Cohen en 2014; le ministre de la Défense sous Clinton William James Perry dans ses mémoires de 2015; le ministre de la Défense des États-Unis Bob Gates dans ses mémoires en 2015; le politologue  John Mearsheimer en 2015;  le célèbre linguiste américain Noam Chomsky en 2015; l’ancien ambassadeur britannique en Russie Sir Roderic Lyne en 2021; l’économiste Jeffrey Sachs le 8 février 2022;  l’ancien directeur d’analyse de la Russie à la CIA et conseiller spécial du vice-président Cheney pour la Russie et l’Eurasie George Beebe en 2022; l’expert en politique internationale Ted Galen Carpenter, en 1994 et en 2022 ; le sociologue et politicien italien et ancien sous-secrétaire général des Nations Unies, Pino Arlacchi; les célèbres dissidents de l’ex-Urss comme Alexandre Soljenitsyne et Joseph Brodsky.[14]

Outre ces personnalités du monde occidental, Poutine avait averti en 2005 qu’en cas d’intégration de l’Ukraine à l’Otan, « l’Ukraine pourrait avoir des problèmes, je le dis franchement. »[15]

Malgré les avertissements des personnalités sus-indiquées et des dirigeants russes Eltsine et Poutine sur les lignes rouges, des membres de l’Otan encourageaient, voire incitaient, des pays de l’ex-Urss à rejoindre l’Organisation transatlantique.

Devant l’insistance de ces personnalités de ne pas accepter l’Ukraine au sein de l’OTAN, des milieux étasuniens, des Think Tank et des groupes de pressions, ont élaboré des scenarii et projets visant l’affaiblissement de la Russie en provoquant des guerres d’usure et par procuration, ainsi que la prise de batteries de sanctions rigoureuses et punitives, jusqu’à imaginer sa dislocation par ce qu’ils appellent « Decolonizing-russia – A Moral and Strategic Imperative » (Décoloniser la Russie – un impératif moral et stratégique).[16]

Ainsi, le déclenchement d’une opération spéciale ‘Z’ russe, le 24 février 2022, contre l’Ukraine est motivé par des raisons liées à la survie de la Russie et à son existence.

[1] https://citation-celebre.leparisien.fr/citations/22648

[2] https://fr.africanews.com/2022/07/26/guerre-en-ukraine-emmanuel-macron-evoque-une-hypocrisie-en-afrique//

[3]  https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/7311/text

[4] https://www.africa-press.net/centrafricaine/politique/presence-russe-en-afrique-lecrivain-jean-fils-aime-fustige-un-nouveau-projet-de-loi-americain

[5] https://www.arso.org/Coleman/Pour_une_nouvelle_strategie_de_defense%20integr.pdf

[6] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-marche-de-l-histoire/l-europe-de-l-atlantique-a-l-oural-8553368

[7] https://eurasiaprospective.net/2022/01/14/crise-en-ukraine-la-strategie-de-vladimir-poutine-est-celle-du-bluff-parmentier-usbek-rica/

[8] http://www.politique-actu.com/actualite/otan-penseurs-strategiques-garde-contre-expansion-otan-marc-vandepitte/1818463/

[9] https://www.armscontrol.org/act/1997-06/arms-control-today/opposition-nato-expansion

[10] https://www.armscontrol.org/act/1997-06/arms-control-today/opposition-nato-expansion

[11] https://wikileaks.org/plusd/cables/08MOSCOW265_a.html#efmBTnBfi

[12] https://www.politico.com/news/magazine/2022/02/28/world-war-iii-already-there-00012340

[13] https://www.washingtonpost.com/opinions/henry-kissinger-to-settle-the-ukraine-crisis-start-at-the-end/2014/03/05/46dad868-a496-11e3-8466-d34c451760b9_story.html

[14] http://www.politique-actu.com/actualite/otan-penseurs-strategiques-garde-contre-expansion-otan-marc-vandepitte/1818463/

[15] https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/poutine-en-2005-l-ukraine-pourrait-avoir-des-problemes-je-le-dis-franchement

[16] https://www.csce.gov/international-impact/events/decolonizing-russia

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