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France: la DGSE , cette boîte noire aux scandales

La mise en examen de l’ancien patron de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure DGSE et ancien ambassadeur de France en Algérie Bernard Bajolet, a remis en surface les pratiques malsaines et scabreuses d’une institution républicaine française qui donnerait l’impression d’échapper à tout contrôle et qui agissait dans l’ombre.

Les  embarrassantes mesures d’extorsion dont se serait rendue coupable la DGSE, en mars 2016, à l’endroit d’un riche entrepreneur, Alain Duménil.

Bernard Bajolet et son ancien adjoint sont soupçonnés d’avoir permis ou autorisé la mise en œuvre d’un chantage intimidant sur cet homme d’affaires qui s’était retrouvé, un peu par hasard, au début des années 2000, à devoir gérer l’argent caché des « services sucrés ». Cette scabreuse affaire remet en surface une autre affaire obscure liée à des fonds cachés que que les services de renseignement français  ont imprudemment investis, ces dernières décennies, dans des sociétés fragiles. Ont-ils eu recours, pour récupérer cet argent, à des menaces sur un entrepreneur jugé indélicat ? L’affaire, dont « Le Monde » dévoile des éléments inédits, vaut à un ex-patron de la DGSE, Bernard Bajolet, d’être mis en examen.

Les « services sucrés » qui préfèrent  l’ombre, sont propulsés  dans la lumière crue des « affaires ». Selon les informations du Monde, leur ancien directeur général entre 2013 et 2017, le diplomate Bernard Bajolet, a été mis en examen par la juge Claire Thépaut, à Bobigny, le 18 octobre 2022, pour « complicité d’extorsion » et « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l’autorité publique ». L’ancien directeur du cabinet de M. Bajolet, le général Jean-Pierre Palasset, bénéficie, pour sa part, du statut intermédiaire de témoin assisté dans ce dossier. Pour sa part, l’actuel patron de la DGSE et ancien ambassadeur en Algérie Bernard Emié, a également été auditionné dans cette scabreuse affaire en tant que témoin.

La gourmandise de Bernard Bajolet

Al l’instar de certains « diplomates véreux » affectés par les « services sucrés » de la DGSE, Bernard Bajolet n’a pas tardé à rejoindre l’entité SBM Offshore qui voulait profiter de ses réseaux tissés durant son parcours diplomatique. SBM Offshore est citée dans des affaires  de corruption et de pots-de-vin rdans plusieurs pays, de l’Angola au Brésil, en passant par la Guinée équatoriale, l’Irak et le Kazakhstan. Au total, l’entreprise a déboursé 760 millions de dollars en amendes et transactions devant la justice américaine, néerlandaise et brésilienne entre 2014 et 2017 pour des infractions devenues monnaie courante des années durant.

Il a fallu attendre l’arrivée de Bernard Bajolet pour  assurer un avenir « clean » à SBM Offshore. Sa mission : traquer le moindre écart à tous les échelons de l’entreprise pour éviter de nouveaux déboires judiciaires. Ce Lorrain d’origine, proche de François Hollande et ardent défenseur des secrets d’État, s’est acquitté de missions ardues, dont la libération de plusieurs otages français ou le déclenchement d’opérations antiterroristes clandestines.

L’été dernier, Bernard Bajolet n’a pas passé des vacances comme tout le monde.Il était occupé par l’organisation de la vente de son  château d’Ouge, acquis en 1980.Ce diplomate célibataire s’est fait, au fil des années, une spécialité des affectations délicates, de celles où il faut savoir évoluer en gilet pare-balles.
L’auteur de « je suis diplomate, je travaille pour l’État » s’est fait remarquer lors de ses différentes missions dans les zones instables comme l’Afghanistan et l’Irak, par son implication dans la libération d’otages, dont les révélations font état de détournement de l’argent au Mali, à l’origine d’exécution d’otages français. Sur ce plan, il faut rappeler que Bernard Bajolet avait présidé, en 1991, un groupe de travail du comité interministériel du renseignement sur le Maghreb et la crise algérienne,  où il fera la connaissance de Bernard Squarcini, actuel patron du renseignement intérieur , rattrapé également par des scandales dont nous y reviendrons dans une de nos prochaines livraisons.

La DGSE et le Rainbow Warrior

Dans une interview accordée il y a deux années au média Les Crises, le reporter français Jacques-Marie Bourget, revient sur les deux explosions ayant ciblé le 10 juillet 1985, le Rainbow Warrior, navire « amiral » de l’association écologiste Greenpeace. Deux explosions effectuées   dans le port de la ville, saboté, , signées  par la DGSE, le service secret français, un acte qualifié de scandale d’État. Deux jours après l’attentat, le 12 juillet, la police locale interpelle à l’aéroport un couple présentant des passeports suisses au nom de Turenge. Ils sont arrêtés à l’aéroport où ils se sont rendus afin de récupérer la caution de leur véhicule de location. Une rapide enquête auprès du personnel des hôtels fréquentés par les touristes Turenge montre que ce jeune couple a l’étrange habitude de ne jamais dormir dans le même lit.

Assignés à résidence les « Turenge » commettent une erreur de couards débutants : téléphoner à un numéro « réservé » à Paris pour demander de l’aide. Très vite les « néo Z » découvrent que ce téléphone est une ligne « d’appel au secours » de la DGSE.

Le 23 juillet, la Nouvelle-Zélande inculpe quatre membres d’un voilier français, repartis depuis, venus faire eux aussi une étonnante escapade touristique en plein hiver austral. Inculpe aussi le « couple Turenge » et Christine Cabon, une « taupe » des services français introduite dans le groupe des militants de Greenpeace. Dès l’explosion du navire, la jeune femme a pris la fuite…

Affaire Uramin -Areva

La DGSE  est aussi citée dans l’affaire politico-financière Uramin-Areva, à hauteur de 3 milliards d’euros volatilisés, dont l’ancien agent et auteur Vincent Crouzet qualifiait de scandale d’État suite au rachat par Areva de trois gisements d’Uranium inexploitables. Le tout sur fond de suspicions de corruption et de rétrocommissions. Uramin, une société canadienne détentrice de gisements d’uranium en Afrique, est rachetée en 2007 par Areva pour 1,8 milliard d’euros. Des doutes ont été émis sur cette acquisition quand la multinationale française a annoncé être déficitaire pour la première fois en 2011, notamment à cause de la dépréciation de 1,5 milliard d’euros… d’Uramin. Deux informations judiciaires ont été ouvertes depuis 2014, l’une sur le rachat de la société canadienne, l’autre sur la présentation des comptes d’Areva en 2010 et 2011. Pour Vincent Crouzet, qui a écrit sur cette affaire dans « Radioactif » (2014) et « Une affaire atomique » (2017), avait cité le nom de trois banques particulièrement suspectes selon lui, à savoir la banque suisse Julius Baer, une filiale monégasque de la banque italienne Dei Monte Paschi et la banque Pasche.

Marc Eichinger et Areva

Dans le même sens, Marc Eichinger abonde et sera l’homme qui provoqua  la chute du géant nucléaire Areva . Marc Eichinger est l’homme qui a mis au jour les relations entre la société douteuse Uramin, Areva et l’État français, un peu malgré lui.

Début 2011, Marc Eichinger dirige la société de conseil Apic lorsque la direction du patrimoine d’Areva demande à ce consultant, spécialiste des questions financières et minières, de réaliser un audit sur l’opération Uramin. Son analyse est explosive : lors du rachat d’Uramin en juin 2007, Areva aurait été victime d’une escroquerie sans doute facilitée par des complices au sein du groupe. L’homme délaisse alors son costume de consultant et devient espion au sein de la société Areva.

Il raconte son enquête, qui l’emmène en Kazakhstan, en Inde, en Russie. 4,5 milliards d’euros ont été dépensés en 2017 pour sauver Areva de la faillite. Pourquoi l’État a-t-il empêché la liquidation de cette société ? En quinze chapitres thématiques, il explique l’affaire Areva qui aboutira, après de nombreux procès, à la mise en examen de sa présidente Anne Lauvergeon et de Gérard Arbola.

Marc Eichinger dénonce la corruption de l’administration française au sommet et soulève l’immunité accordée aux énarques.

https://www.youtube.com/watch?v=PMpBPFPyiUU

 Les otages d’Arlit et la DGSE

La DGSE est également au centre d’une affaire de libération d’otages français à Arlit au Niger et qui serait liée à l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, envoyés spéciaux de RFI au Mali

L’ex-DGSE Jean-Marc Gadoullet réclamait 2 millions d’euros à Areva et Vinci pour la libération des otages d’Arlit. Et remet en question la version officielle du ministère de la Défense.  Cette affaire pue une guerre de réseaux et va bien au -delà d’un simple différend commercial. Non content de réclamer son dû à ses anciens employeurs, Gadoullet remet aussi en cause la version officielle de la libération des quatre  otages, en octobre 2013. Selon le ministère de la Défense, cette libération avait été obtenue par Pierre-Antoine Lorenzi, alors patron de la société de sécurité privée Amarante,un homme de réseaux proche d’Arnaud Montebourg et de l’ex-patron de la DCRI Bernard Squarcini. Selon la version rendue publique par l’Etat français, Lorenzi avait travaillé avec le Touareg Mohamed Akotey, un proche du président nigérien Mahamadou Issoufou. Et réussi là où Gadoullet avait échoué, en libérant les quatre derniers otages en octobre 2013.

 L’ancien agent secret Jean-Marc Gadoullet, un des négociateurs de l’affaire, réclame deux millions d’euros à Areva et Sogea Satom (filiale de Vinci), soit un million par société, pour avoir mené à bien la libération des sept otages d’Arlit. Son associé touareg malien, Ahmada Ag-Bibi, demande, lui, 500.000 euros à chacun des deux groupes..

Pierre-Antoine Lorenzi affirme qu’une rallonge de trois millions d’euros, en plus de la rançon, devait servir à payer des intermédiaires et que cet argent supplémentaire a été bloqué par le chef de la DGSE, Bernard Bajolet.

Entre septembre 2010 et octobre 2013, trois réseaux distincts se sont mis en branle pour libérer les otages d’Arlit (infographie Valérie Xandry)

 

 

 

 

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