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Le gouvernement Macron : Fossoyeur des maisons de retraite

Par Khider Mesloub

Il y’a un an éclatait au grand jour le « scandale » des Ehpad, favorisé par la parution du douteux livre, intitulé Les Fossoyeurs, écrit par un obscur jeune journaliste (il est par ailleurs l’auteur d’une enquête sur l’homosexualité dans les Ehpad parue dans Le Monde en mars 2019, où il était préconisé la création d’une maison de retraite LGBT, autrement dit une structure réservée aux seniors gays, lesbiennes, transgenres).

Devant le battage médiatique orchestré par le gouvernement Macron, j’avais décelé, comme je l’avais souligné dans mon article « Les dessous du scandale des maisons de retraite en France », publié notamment dans Le Quotidien d’Oran le 8 février 2022, la manœuvre politique et économique ourdie par l’Élysée pour s’emparer à bon compte des maisons de retraite appartenant aux grands groupes, notamment Orpea.

En effet, par une opération de dénigrement et de disqualification rondement bien menée par les médias stipendiés, l’objectif était double. D’abord, après avoir ruiné la réputation (par les accusations de maltraitance) et les finances (par l’effondrement de la valeur des actions) des maisons de retraite, le gouvernement escomptait se les approprier à un prix dérisoire afin de les transformer en structures médicalisées réservées aux personnes âgées dépendantes conformément à sa politique de restriction budgétaire. Ensuite, par l’opération de dénigrement des maisons de retraite accusées de maltraitance, de dissuader les « enfants » de placer leurs parents dans ces supposés « établissements de torture », manière indirecte de les acculer à les prendre directement en charge, conformément, également, à l’agenda du gouvernement qui œuvre à l’institutionnalisation de la politique de maintien à domicile, planifiée depuis plusieurs années pour des raisons d’économie financière et non humanitaire, comme le serinent les instances gouvernementales et médiatiques.

Virage domiciliaire ou politique gériatrique suicidaire ?

Le système de maintien à domicile est amplement moins onéreux pour l’État. Comme le soulignaient les parlementaires macroniens, auteurs d’une proposition de loi relative au vieillissement : « Nous devons amplifier les mesures en faveur d’un véritable virage domiciliaire ». Un rapport est également demandé sur la question de l’aide sociale à l’hébergement, offrant une prise en charge des frais d’hébergement des personnes âgées.

Au reste, le projet de loi de maintien à domicile des personnes âgées est à l’étude depuis plusieurs années. Depuis son premier quinquennat, le gouvernement Macron prépare l’opinion publique à la perspective du démantèlement des Ehpad. Au final, les députés, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) avaient adopté le 26 octobre 2021 en première lecture le projet de loi, qui prévoit notamment toute une série de mesures pour favoriser le vieillissement à domicile. « Nous mettons l’accent sur le maintien à domicile pour, à terme, limiter le besoin de places en Ehpad », affirmait la ministre Brigitte Bourguignon dans le magazine Capital. À court terme, l’objectif du gouvernement Macron est de remplacer les Ehpad par les Spasad (Services polyvalents d’aide et de soins à domicile).

« Et si nous mettons l’accent sur le maintien à domicile c’est aussi pour, à terme, limiter le besoin de places en Ehpad. Il faut que ces structures deviennent plus sanitaires, dédiées aux pathologies les plus lourdes. Nous y arriverons si nous réussissons le pari du domicile », avait-elle ajouté. En d’autres termes, les Ehpad deviendraient des appendices des hôpitaux actuellement en souffrance. L’objectif est de maintenir à domicile un maximum de personnes par l’aide technique comme la téléassistance, la domotisation ou l’adaptation des logements.

En France un habitant sur 10 a plus de 75 ans (7 millions). En 2050, ce sera un habitant sur six (12 millions). Au lieu d’investir dans la construction de nouvelles structures d’accueil de personnes âgées, jugées coûteuses, le gouvernement Macron prône la politique de maintien à domicile des séniors. Qui dit maintien à domicile dit absence d’encadrement institutionnel sanitaire et médical : la personne âgée, quoique isolée et partiellement dépendante, est livrée à elle-même. Et les actuels Ehpad seront, à terme, transformés en « structures sanitaires dédiées uniquement aux pathologies les plus lourdes ».

Actuellement, globalement le budget alloué par l’État aux seniors en perte d’autonomie est de l’ordre de 24 milliards d’euros. Avec l’accroissement du nombre de personnes âgées dépendantes d’ici 2050, ce budget devrait considérablement augmenter. Or, restrictions budgétaires obligent, l’État français n’envisage pas de rallongement financier de ce poste de dépense. Bien au contraire.

Aujourd’hui, dans cette période de transition vers le maintien à domicile, pour parer à l’augmentation du nombre des séniors en perte d’autonomie, par ailleurs pourvus d’une pension de retraite pareillement vouée à diminuer du fait de l’aggravation de la crise économique, l’État s’active à réduire l’écart entre le montant moyen des pensions 900 euros par mois et le prix d’une place en maison de retraite estimé à 2000 euros mensuels. Outre, à court terme, la transformation des Ehpad en structures médicalisées, l’objectif immédiat visé est la baisse du prix de l’hébergement en maison de retraite. Aussi, cette diminution du coût est possible seulement par l’encadrement des tarifications des maisons de retraite, autrement dit par la mise au pas des établissements de retraite privés (à but lucratif) détenus majoritairement par les groupes Orpea, Korian et DomusVi.

Car, quoique appartenant au secteur privé, ces trois groupes profitent, depuis plusieurs décennies, d’un système de financement public complexe et généreux profitablement détourné à leur avantage. Or, crise économique et économie de guerre obligent, l’État français, pour financer son réarmement et ses futures guerres, œuvre à la réduction drastique de tous les budgets alloués aux services sociaux, notamment les établissements d’hébergement des personnes âgées.

Pour information, la tarification est divisée en trois sections : soins, la dépendance et l’aide sociale à l’hébergement. Comme le rapporte le magazine Capital dans son édition du 28 janvier 2022 : « La partie soins est prise en charge à 100 % par l’assurance maladie. Cela signifie donc que, même dans les établissements privés, les salaires des médecins coordonnateurs, des infirmiers et 70 % des salaires des aides-soignants sont payés par les finances publiques (tout bénéfice pour ses groupes privés, note de l’auteur, NDA). Leur nombre est encadré par une logique comptable, et déterminé en moyenne tous les cinq ans par le niveau de dépendance (mesuré par la grille AGGIR) et le besoin de soins des résidents en fonction de leur pathologie (mesuré par l’outil Pathos). Ainsi, plus un établissement accueille de personnes en grande dépendance au moment de l’évaluation par les outils tarifaires (AGGIR et Pathos), plus le budget alloué pour les soins sera important. Cette logique prévaut quel que soit le statut de l’établissement. (…). Certains établissements profitent de ce financement public de soins et n’assurent que le strict minimum en la matière. (…). Autre niveau de tarification, la dépendance. Il s’agit ici de financer en partie l’aide aux actes du quotidien comme la prise de repas, le lever ou le coucher assurée par des aides-soignants. Cette prise en charge est cofinancée par l’État et les départements dans le cadre de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA). (…). Chaque établissement reçoit donc une enveloppe correspondant au niveau de dépendance de ses résidents qu’elle a déclaré. Ces montants sont donc réservés pour des besoins très spécifiques. Enfin, dernier poste tarifaire : l’hébergement. C’est ce tarif-là qui est facturé tous les mois pour les résidents des Ehpad. Ce tarif prend en compte le logement, son entretien, la restauration. (Dans les établissements les plus onéreux, ce tarif peut atteindre plusieurs milliers d’euros (entre 6.500 et 12.000 euros dans l’Ehpad de Neuilly-sur-Seine, NDA). Dans le même établissement, le tarif peut varier en fonction de la taille du logement mais aussi des activités qui peuvent être choisies par le résident. C’est donc sur ce poste que se fait l’essentiel des profits des résidences privées (en vrai dans tous les autres postes financés par l’État. En fait, ces établissements privés soutirent l’argent aussi bien aux contribuables via les dotations publiques qu’aux pensionnaires via le paiement de leur hébergement, NDA).

Néanmoins, le projet gouvernemental de maintien à domicile est pire que le cadre d’hébergement institutionnel actuel. Sous couvert d’arguments humanitaires justifiant le maintien à domicile, l’État, pour d’évidentes motivations de rationnement du budget alloué aux seniors dépendants, livre en fait les personnes âgées en perte partielle d’autonomie à elles-mêmes, privées de l’accompagnement social et médical quotidien dispensé dans les maisons de retraite. En tout état de cause, la politique de maintien à domicile est moins coûteuse pour l’État, en matière d’hébergement, de dépendance et de soins.

Le casse du siècle du gouvernement Macron : captation des Ehpad

Une chose est sûre : on voudrait abattre ce géant gênant (Orpea) des établissements de retraite on ne s’y prendrait pas autrement. Après avoir ruiné la réputation et les finances du groupe Orpea, le pouvoir macronien s’apprête à infliger le même sort aux groupes Korian et DomusVi.

En Fossoyeur des maisons de retraite maltraitées par une campagne de diffamation et une opération de sabordage financière, par l’intermédiaire de la Caisses des Dépôts et consignation (CDC), bras financier de l’État, le gouvernement souhaite transformer le groupe Orpea en prenant la majorité du capital. « Si nous entrons au capital, nous voulons le contrôle », avait déclaré le directeur général de la Caisse des dépôts, dans Le Journal du dimanche le 15 janvier. Il avait précisé souhaiter un « changement profond de modèle ». « J’ai plutôt poussé pour une solution avec la Caisse des Dépôts pour avoir un acteur institutionnel de confiance qui rentre dans le capital et prenne le contrôle du groupe, pour qu’on s’assure très clairement de la transformation du groupe dans le sens qu’on souhaite », avait déclaré le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées de France, Jean-Christophe Combe.

Ainsi, la CDC, c’est-à-dire l’État, exige le contrôle de la gouvernance du géant des maisons de retraite, Orpea. Le groupe Orpea, en situation financière très fragile et en proie à la hausse des coûts alimentaires et énergétiques, va devoir passer sous les Fourches caudines du gouvernement. Être capté par l’État. Pour rappel, grâce aux manœuvres mafieuses du gouvernement Macron, la valeur du groupe Orpea s’était effondrée de plus de 90%. En Bourse, son action est passée de 85 euros début 2022 à 6,80 euros aujourd’hui. Le secteur s’effondre au plan financier, mais également au niveau de sa gestion. Malgré les rodomontades gouvernementales, les carences de personnels sont toujours criantes, les soins toujours déficients. Selon les représentants syndicaux, un an après « le scandale Orpea », les conditions de travail en Ehpad sont toujours aussi déplorables. « Rien n’a évolué, c’est même pire », a déclaré récemment une déléguée syndicale des aides-soignantes. La solution de « réorganisation » préconisée par le président Macron demeure un vœu pieu, selon les syndicats du secteur médico-social. L’encadrement et la gestion toujours défaillants dans l’ensemble du secteur des maisons de retraite, privées, associatives ou publiques. Au cœur de la crise des établissements d’hébergement des personnes âgées se trouve toujours un manque criant d’effectifs.

Vieux, Vieilles, crevez chez vous !

Au vrai, le macabre agenda du gouvernement Macron est de laisser périr les maisons de retraite pour les récupérer à bon compte, aux fins de leur imprimer une fonction spécifiquement médicalisée, gérées avec des effectifs considérablement réduits.

Aujourd’hui, après plus d’un an de campagne de dénigrement des établissements d’hébergement de personnes âgées, ceux-ci pâtissent d’une image très dégradée.  Selon un récent sondage, les deux tiers des Français, victimes de manipulation par les médias, ne font plus confiance aux maisons de retraite, accusées de maltraitance. Et donc ne souhaitent pas mettre leurs parents dans ces « établissements diabolisés ». La méfiance persiste. Elle s’accroît. Résultat : ces Français efficacement manipulés vont réaliser le vœu du gouvernement Macron, maintenir leurs parents à domicile, en prenant, sur leur temps et à leurs frais, en charge leur entretien et leurs soins quotidiens, en lieu et place des professionnels sacrifiés sur l’autel du capital.

Ainsi, la stratégie du gouvernement Macron semble avoir atteint ses objectifs : au moyen de la psychose médiatiquement créée, persuader les citoyens de maintenir leurs parents à domicile.

Dans cette entreprise de conditionnement de l’opinion publique, outre les médias, sont mobilisés également les instituts de recherche, sollicités pour produire des études captieuses favorables à la politique de maintien à domicile. La dernière en date vient d’être publiée par le journal Le Figaro. « Selon une étude de la Drees (la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), les principales spécificités des résidents d’Ehpad sont (…) le relatif isolement social des plus jeunes », écrit le journal. « Les jeunes seniors, âgés entre 60 et 75 ans, résidant en établissements pour personnes âgées sont généralement en situation de plus grande vulnérabilité que ceux résidant à leur domicile », souligne cette étude publiée par la Drees. « La comparaison entre la situation des seniors en établissement et à domicile permet de préciser les conditions de possibilité concrètes d’un maintien à domicile important, voire total, des publics actuels en Ehpad, précise l’étude. Ainsi, la « gestion des seniors » ne devrait pas s’orienter vers le développement massif de nouvelles places en établissement d’hébergement des personnes âgées, jugées coûteuses pour le budget de l’État, mais plutôt un virage domiciliaire, recommande la Drees.

Autrement dit, la politique gériatrique du gouvernement Macron se résume en ce credo euthanasique : « Vieux, Vieilles, crevez chez vous ! ».

Décidément, ce gouvernement mafieux et belliqueux macronien dévalise les seniors, non seulement en les privant d’une décente retraite, par ailleurs repoussée au seuil de la tombe avec le recul de l’âge prévu dans la réforme contestée par 80% des Français, et rabotée financièrement, mais également les euthanasie en les privant de structures d’accueil : les maisons de retraite, sacrifiées sur l’autel des restrictions budgétaires.

L’argent économisée sur le dos courbé de misère des seniors servira à la politique de réarmement de l’État impérialiste français, engagé désormais dans une économie de guerre, prélude à la guerre généralisée qu’il escompte mener aux côtés des pays atlantistes, notamment sur le front russe, puis chinois.

 

 

 

 

 

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