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Gaz: la gabegie de Pedro Sanchez et les fantasmes de Mohamed VI

Une semaine avant la tenue du Sommet du gaz GECF, tenu à Alger du 29 février au 2 mars, le président du Conseil espagnol le socialiste Pedro Sanchez s'était rendu au Maroc après que son ministre des affaires étrangères José Manuel Albares ait échoué à se rendre en Algérie quelques jours auparavant.

Une semaine avant la tenue du Sommet du gaz GECF, tenu à Alger du 29 février au 2 mars, le président du Conseil espagnol le socialiste Pedro Sanchez s’était rendu au Maroc après que son ministre des affaires étrangères José Manuel Albares ait échoué à se rendre en Algérie quelques jours auparavant.

Manquant de vision et de visibilité, Pedro Sanchez tentait vainement de « torpiller » l’image de l’Algérie comme partenaire international fiable en matière d’approvisionnement énergétique et « d’empiéter » sur le partenariat stratégique entre Alger et Rome, ( le mégaprojet « SoutH2 Corridor »),en annonçant son soutien à la concrétisation de l’ubuesque projet gazier reliant le Nigeria et le régime du Makhzen, via treize pays africains, et la relance du projet Midcat, reliant la Catalogne en Espagne à l’Allemagne.

Des personnalités espagnoles et une grande partie des médias ibériques ne cachent pas son scepticisme sur la sincérité du prétendu soutien de l’Espagne dirigé par Pedro Sanchez au gazoduc Nigeria-Maroc , un vieux projet du régime du Makhzen pour concurrencer l’Algérie. Un ubuesque projet  confronté aux turbulences géopolitiques et au coût de réalisation avoisinant les 30 milliards de dollars, et dont l’annonce coïncide avec la crise économique que connaît beaucoup de pays et qui ne s’aventuraient nullement à investir dans un projet ou la rentabilité n’est nullement garantie.

D’ailleurs, le premier pays concerné par ce projet à savoir le Nigeria, par la voix du patron de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), Mele Kyari a affirmé à partir de Houston, en marge de la conférence CERAWeek (18 – 20 mars), que son pays prendra le temps nécessaire pour s’engager dans ce projet , repoussant la prise de décision à la fin de l’année en cours.

Pedro Sanchez n’est pas à son premier échec

Dans un précédent article intitulé (Après les déclarations de Tebboune à Rome: le financement du MidCat fera tomber Pedro Sanchez) en date du 2 juin 2022, Algérie54 avait mis l’accent sur la surenchère et les subterfuges de Pedro Sanchez, qui échoua de faire de l’Espagne, un hub gazier, à cause de sa gourmandise et ses faux calculs malgré les prix préférentiels que lui accordait l’Algérie à l’occasion de la signature d’un contrat à long terme.Un pari perdu au profit de l’Italie, dont le partenariat stratégique est de plus en plus renforcé. Et comme le ridicule ne tue pas, le président de l’Institut marocain de renseignement stratégique, Abdelmalek Alaoui, indiqua au journal El Independiente, que »L’Espagne pourra obtenir le gaz dont elle a tant besoin grâce au gazoduc Maroc-Nigéria et éviter le gaz algérien » .

Les fantasmes du Makhzen

Le projet du gazoduc Maroc-Nigéria a été annoncé pour la première fois en décembre 2016, lors de la visite d’État de Mohamed VI au Nigeria. En Mai 2017, des accords de coopération ont été signés à Rabat pour engager les deux parties à parrainer une étude de faisabilité, ainsi qu’une pré-étude des détails (FEED). En Juin 2018, des accords relatifs à sa construction sont signés à Rabat. Dans la phase de pré-études.

Ce gazoduc devrait mesurer environ 7000 kilomètres de long. Il longerait la côte Ouest Africaine en traversant ainsi 14 pays : Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie, la RASD et le Maroc, pour un coût d’investissement estimé pour l’instant entre 25 et 35 milliards $., les travaux après étude seront réalisés en plusieurs phases qui s’étaleront pour au moins 25 ans et viendra à se greffer au « West African Gas Pipeline »  WAGP (gazoduc ouest-africain long de 678 km, géré par Wapco, un consortium comprenant des Etats mais aussi Chevron et Shell, d’une capacité de 5 milliards de m3 /an, à titre indicatif soit quelque 10% de la capacité du gazoduc NordStream reliant la Russie à l’Europe), le WAGP relie le Nigéria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo.

[Afin  de vendre son projet et en vu aussi d’intégrer la CEDEAO et voulant faire croire que c’est un terrain de concurrence régional entre grandes puissance ,  Rabat fait preuve  d’un amateurisme flagrant en mettant en avant comme à l’accoutumée des campagnes de communication présentant des arguments qui n’ont rien à voir avec les réalités commerciales et platonique en présentant ce projet, non seulement comme étant le précurseur du développement économique des pays de la CDEAO, mais aussi à plus d’indépendance vis-à-vis de l’extérieur, notamment l’indépendance énergétique à travers le gaz, en permettrait l’électrification de la région en étant bénéfique à plus de 300 millions de personnes. Le comble, ce gazoduc placerait l’Afrique de l’ouest et Rabat comme nouveau pôle gazier pour l’Europe face à la Russie, la Norvège et l’Algérie.] 

Sauf que l’initiateur de ce projet à savoir le Maroc, n’est pas ni un pays producteur et ni un pays qui dispose du know how nécessaire ni d’infrastructures gazières pour faire valoir une telle ambition, les dirigeants à Abuja (disposant d’une réserve de cinq trillions de m3 de gaz naturel, et exporte 45 milliards/an.  des centaines de km de gazoduc, une usine de liquéfaction à Bonny Island) , en producteurs aguerris, savent pertinemment qu’un tel projet ne pourra aucunement être rentable car , avec un minimum de 7% de redevance pour les 14 pays que traversera ce gazoduc (soit 91%), ils arriveront au final à un taux injecté de seulement 9%  d’exportation vers l’Europe (sur un total prévu de 30 milliards de m3 /an) , aussi la difficulté du financement d’un tel projet qui présente un début de retour sur investissement après  25 ans, nonobstant les coûts d’exploitation, de maintenance et les aspects sécuritaires, cependant ce qui est choquant c’est que l’étude de faisabilité du projet n’a même pas été entamé, pour cause, Rabat n’a même pas pu réunir les 90 millions $ coût de l’étude( elle n’a obtenu jusqu’à l’heure que 14 millions $ et peine à trouver les autres 76 millions $). Quand se fera l’étude ? Quand obtiendront-t-ils les finances nécessaires ? Quand démarreront les travaux?

Le Maroc , Etat vassal et fonctionnel, devrait méditer avant de fantasmer quant à une quelconque assistance de pseudo alliés pour réaliser cette chimère, à voir le sort qui à été réserver par Washington au gazoduc  « Eastmed  » en annulant son financement pour des raisons commerciales et géostatiques.

[« EastMed » est un projet de gazoduc de 1 900 km destiné à relier les réserves de gaz de la Méditerranée orientale à la Grèce. Le gazoduc aura une capacité initiale de transport de dix milliards de m3/ an  de gaz vers la Grèce, l’Italie et d’autres pays d’Europe du Sud-est. La capacité devrait être augmentée à un maximum de 20 milliards de m3/an au cours de la deuxième phase. Le projet de 6,7 milliards $ a été confirmé comme projet d’intérêt commun (PCI) par le gouvernement européen. Il est développé par IGI Poséidon, une coentreprise à 50/50 entre Public Gas Corporation of Grèce (DEPA) et Edison International Holding.] malgré cela il a été mis aux calendes «grecques»

L’économiste nigérian  Chigozie Nweke-Eze, expert en énergie et président d’Integrated Africa Power, met en avant le calendrier de sa construction. Lorsque les régimes nigérian et marocain ont lancé le projet, ils estimaient qu’il pourrait entrer en service en 2046, mais au vu des défis liés à sa construction, sa mise en service pourrait prendre entre 25 et 50 ans. Lire: (Guerre des gazoducs)

Le MidCat et les faux calculs de Pedro Sanchez

Pedro Sanchez et son gouvernement comptaient énormément sur la relance du projet de MidCat, soutenu par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Un projet jugé « crucial » par Ursula Von Leyen pour diversifier l’approvisionnement de l’UE et réduire sa dépendance à la Russie.

«Aujourd’hui, toute l’Europe s’accorde à dire qu’il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles russes», avait rappelé Von der Leyen lors d’un discours à Barcelone aux côtés du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, quelques semaines après l’opération militaire russe en Ukraine. «C’est essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques et mettre fin au chantage du Kremlin», avait-t-elle ajouté.

Dans le cadre de ce plan, «nous privilégierons les projets transfrontaliers, comme par exemple la liaison cruciale entre le Portugal, l’Espagne et la France», avait souligné la présidente de la Commission, en insistant sur «l’importance géopolitique» de cette interconnexion. «Il faut le faire maintenant», pour «nous libérer des menaces russes», avait-t-elle insisté.

Ces déclarations étaient destinées à la consommation médiatique et l’opinion publique occidentale . Pour mieux comprendre, il faut revenir à quelques années en arrière ou le projet MidCat (Midi-Catalogne) censé assurer l’interconnexion gazière entre l’Espagne et la France ? Alors que ce projet est revenu à l’ordre du jour, la question suscite de vives inquiétudes de ce côté-ci des Pyrénées. « Il y a une pression politique infernale de la part des Espagnols et de Bruxelles, mais la France estime qu’elle n’en a pas besoin et ne veut pas payer. Face au refus français de reprendre le MidCat à travers les Pyrénées, l’Espagne et le Portugal se sont alignés dans un nouveau projet appelé « BarMar ».

La principale caractéristique qui a convaincu plusieurs pays de l’UE de le reconnaître le BarMar comme un corridor vert et qui serait techniquement adapté pour transporter d’autres énergies renouvelables, ainsi qu’une proportion limitée de gaz naturel comme source d’énergie temporaire et transitoire.

TSGP, le dernier clou dans le cercueil des fantasmes de Mohamed VI, et la gabegie de Sanchez

Le ministre algérien de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab avait affirmé, en marge de la tenue du sommet du gaz GECF,tenu à Alger, que le projet du Gazoduc transsaharien « TSGP » (Trans-Saharian Gas-Pipeline) avançait à grands pas, ajoutant qu’il ne restait que 1.800 km, objet d’études techniques, à réaliser sur les 4.000 km prévus. Une réponse claire aux illusions du tandem Mohamed VI- Sanchez.

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