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Les erreurs stratégiques de l’industrie pharmaceutique et leurs répercussions néfastes sur notre tissu économique.

L’Algérie serait, à travers l’accord signé par Saidal avec une entreprise chinoise, en négociation avancée pour construire une usine de production de cristaux d’insuline (matière de base et principal intrant pour la fabrication d’insuline).

Les premières données en notre possession semblent confirmer que le projet est insuffisamment maturé eu égard à sa rentabilité et aussi dans sa globalité que ce soit sur le plan des études de marché national et international, des études financières et des études d’impacts économiques.

Passons en revue, les différents points soulevés par les experts :

  • L’industrie d’insuline est en aval de la production de cristaux d’insuline

La demande du marché algérien en insuline humaine avoisine actuellement les 300.000 flacons, cette quantité a été fortement revue à la baisse aujourd’hui et ne représente que 0,7% du marché au profit de l’insuline analogue administrée par stylos qui s’accapare actuellement 99,3% de part de marché (1 flacon représente un volume équivalent de 3 stylos d’insuline).

Cette demande de 300.000 flacons représente 01 mois de production des capacités nouvellement installées de l’usine Saidal de Constantine à la suite des travaux de mise à niveau réalisés en 2019 par Novo Nordisk portées à 03 millions de flacons par an.

Le constat est vite fait : cette unité industrielle de production d’insuline est surdimensionnée par rapport aux besoins du marché algérien (dans un rapport de 1 pour 10). A signaler que cette unité de production qui avait démarré en 2006 avait été mise en arrêt de production en 2013, pour les travaux de mise à niveau qui se sont échelonnés jusqu’en 2019. Sa production annuelle n’avait auparavant jamais dépassé les 500 000 flacons alors que la demande en insuline humaine se situait entre 900 000 et 01 million de flacons annuellement pour la période allant de 2006 à 2012 (l’appoint était comblé par l’importation).

Il importe de préciser et de répéter que ce produit (l’insuline humaine en flacons) qui représentait 3 à 4% du marché algérien, il y une dizaine d’années ne représente aujourd’hui que 0,7% et que les 99,3% restants sont importés et distribués par les 03 trois laboratoires internationaux (Novo Nordisk, SANOFI et Lilly).

Le contrat Saidal et Novo Nordisk

Le contrat de fabrication sous licence signé par Saidal et Novo Nordisk en 2012 pour la fabrication de cartouches d’insuline analogue est mis en touche depuis 2016 pour des raisons mystérieuses par les différents responsables qui se sont succédés, sous injonction de hauts responsables(lobbying, trafic d’influence, ou mégalomanie de l’égo ?), loin de toute rationalité économique et financière, causant un grave préjudice à Saidal, au détriment de l’économie nationale.

Au titre de ce partenariat, seule la mise à niveau de l’usine de flacons a été réalisée et achevée avec 03 années de retard. Quant au projet d’usine, le génie civil a été réalisé, les équipements-clés achetés et stockés et l’étude d’engineering achevée.

L’usine de stylos Novo Nordisk longtemps bloquée parce que devant faire partie intégrante du partenariat Saidal-Novo Nordisk (fabrication sous licence est plus avantageuse qu’un partenariat 51/49), a démarré à la satisfaction de ce dernier, avec l’aval, la couverture et l’activisme de l’actuel ministre de l’industrie dont les démarches s’inscrivent dans une perspective qui est loin de s’accorder avec les intérêts de Saidal et de l’économie nationale et des objectifs initialement arrêtés.

Le contrat de 2012 devait en effet, permettre :

– De satisfaire la demande intérieure en insuline analogue pour un montant de 45 milliards de dinars et consolider une économie en devises de plus de 40%.

– D’exporter de l’insuline analogue et humaine sur des territoires convenus avec Novo Nordisk, et permettre ainsi à l’usine de flacons de Constantine d’utiliser pleinement ses grandes capacités de production non utilisées actuellement.

  • La population de diabétiques dans le monde

Le nombre de diabétiques dans le monde approxime le chiffre de 425 millions en 2019, ce chiffre va progresser à l’orée 2045 à 630 millions. En Algérie, il a été évalué à 03 millions de diabétiques.

  • Deux types d’insuline (l’insuline analogue et l’insuline humaine).

La fabrication de l’insuline humaine est peu présente dans le monde (14% du marché mondial d’insuline et 0,7% du marché algérien), sa structure moléculaire est identique à l’insuline humaine produite par le pancréas humain.

C’est l’insuline analogue qui est prépondérante (86% du marché mondial et 99,3% du marché national algérien) sa structure moléculaire est légèrement modifiée par rapport à l’insuline humaine, afin de lui donner de nouvelles propriétés.

  • Le marché de l’insuline dans le monde et la demande en Algérie.

03 entreprises Novo Nordisk, Sanofi et Lilly se retrouvent en position de concurrence monopolistique et se partagent le marché mondial à hauteur de 86% dont 47 % pour Novo Nordisk. Aucun de ces 03 concurrents n’a le monopole et peut difficilement influencer les prix, si dans le cas où il n’y a pas d’entente tacite (interdite par les lois internationales). Ces 03 entreprises misent toutes sur la différenciation. Elles essayent de différencier afin de pouvoir obtenir un monopole sur certains produits pour pouvoir augmenter le prix.

  • La production mondiale de cristaux d’insuline

La production mondiale annuelle de cristaux d’insuline se situe autour de 6 000 kg par an.  85% de de ce volume est produit par les 03 majors internationaux que sont Novo Nordisk (02 usines situées au Danemark et aux USA), Sanofi et Lilly.

Les 15% restant se répartissent comme suit :

– Julphar (Emirates Arabe Unis) 1 500 kg de cristaux

– Biocon (Inde), chiffre non communiqué.

– Tonghua Dongbao (Chine) 1 200 kg de cristaux

– Sanofi- Minsheng (partenariat avec la Chine) chiffre non communiqué.

   6- Les besoins en cristaux d’insuline pour le marché algérien

Le besoin en cristaux d’insuline en Algérie, ne dépasse guère dans le meilleur des cas 10 kg par an. Les experts les plus neutres se sont focalisés sur l’aberration d’un projet de fabrication de cristaux d’insuline en Algérie, se situant aux antipodes de la rationalité financière et économique.

En Afrique, seuls 06 pays (Tunisie, Egypte, Maroc, Nigéria, Ghana, Soudan) sont dotés de capacités pour consommer les cristaux d’insuline et dont la demande globale ne peut excéder 200 kg de consommation de cristaux d’insuline.

Dans ces pays les barrières à l’entrée (les lois d’échelle, l’effet d’apprentissage, la stabilité et l’enregistrement des produits) établies par la règlementation pour la délivrance d’une AMM et la présence des majors mondiaux rendent impossible à Saidal de rentrer dans ce marché très pointu.

Dans ces conditions, est-il raisonnable d’envisager un investissement pareil lorsque on sait que la taille critique et optimale d’une usine de fabrication de cristaux d’insuline se situe entre 1200 et 1500 kg de capacité de production annuelle, une taille qui lui permet de produire à un coût suffisant pour engranger des bénéfices, assurer son autofinancement et renouveler ses équipements de production ?

  • Novo Nordisk un major mondial et une référence économique

Novo Nordisk représente 47% du marché mondial de production d’insuline et réalise un chiffre d’affaires de 23 milliards de dollars annuellement, et dispose du potentiel de production suivant :

  • 05 usines pour la fabrication d’insuline, implantées dans cinq pays (Danemark, France, USA, Chine et Brésil). La 6e usine qui était prévue en Algérie pour une production sous licence par Saidal (voir le point 2 relatif à ce contrat signé en 2012) n’a pas été réalisée et le projet est resté bloqué jusqu’à ce jour.
  • 02 usines pour la fabrication de cristaux implantées au Danemark et aux USA et approvisionnant les 05 usines d’insuline implantées dans les 04 continents.
  • Conclusion

Les aberrations qui apparaissent, au terme de cette présentation, auront à travers l’ignorance du contrat toujours en vigueur avec le n° 01 mondial Novo Nordisk et la recherche de partenaires de seconde zone, trois conséquences :

  • L’impossibilité pour l’usine de Constantine de fonctionner à pleine capacité à travers les exportations, et d’assurer sa rentabilité compte tenu des positions tenues dans le marché mondial par les majors mondiaux.
  • L’impossibilité de réduire, telle que prévu dans le partenariat SAIDAL-Novo Nordisk, de 40% minimum, la facture d’importations et de placer les excédents à l’exportation sous le label du n° 1 mondial.
  • L’impossibilité de rentabiliser l’usine de cristaux projetée avec les chinois étant donné qu’elle ne pourra jamais dépasser les 05 et 10% de ses capacités compte tenu de la taille optimale retenue (entre 1 200 et 1 500 Kg) pour assurer sa rentabilité.

NOTA /

  • Le récent déplacement d’une équipe de Saidal en Russie pour discuter d’un projet de partenariat pour la production d’insuline paraît tout à fait incongru et dénote une absence totale de stratégie dans la mesure où le contrat de fabrication sous licence avec le n° 1 mondial est toujours en vigueur.
  • De ce qui précède, il en découle que l’annonce faite le 20/07/2023 par l’actuel ministre de l’industrie, « L’accord que vient de signer Saidal avec une société chinoise permettra de se lancer dans la fabrication des matières premières nécessaires à la fabrication de l’insuline, à savoir les cristaux. Ce qui permettra de garantir la production de l’insuline, notamment pour le marché africain », apparait tout à fait incongrue et non conforme aux intérêts de l’entreprise et du pays.
  • Une question se pose : Pourquoi la relation avec Novo Nordisk a été suspendue depuis 2020 alors que 04 lots de validation totalisant plus de 80 000 flacons avaient été réalisés en vue des opérations de contrôle et d’enregistrement avec l’assistance du partenaire ?
  • L’usine de stylos de Novo Nordisk de Boufarik avait été inscrite en 2016 et réalisée avec toutes les facilités des pouvoirs publics en faisant valoir le projet de partenariat avec SAIDAL. Le fonctionnement de ce projet qui est assuré actuellement à travers l’importation de cartouches en provenance de Chartres (France), aura servi, en fait, à enterrer le projet de fabrication de cartouches initialement programmé à Constantine et qui demeure figé depuis des années avec :
  • Une infrastructure de près de 5 000 m² entièrement réalisée depuis plus de 05 ans.
  • Une remplisseuse a été acquise fabriquée par Bosch, commandée en 2015 et réceptionnée en 2017 (délai de fabrication de 2 ans).
  • Un équipement non moins négligeable de contrôle qualité, qui a nécessité un délai de fabrication de 9 mois.

 

 

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