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Que l’indignité nationale abime le front honteux de l’islamophobe Boualem Sansal

Par Abdellali Merdaci

 La France est-elle toujours un pays de lois où chacun de ses habitants, quel que soit son statut, est protégé dans ses croyances religieuses et ses convictions politiques ? Pourquoi est-elle devenue sous la pression de ses Juifs et de ses Chrétiens un pays qui cultive exceptionnellement la discrimination envers les Musulmans et l’Islam ? Singulièrement, ses Musulmans et son Islam. Pourquoi l’antisémitisme est sanctionné par la justice française lorsque l’islamophobie est soutenue, conservant au cœur des cités françaises ses lieux de regroupement et ses chefs de file ? L’écrivain Boualem Sansal, équivoquement rattaché à l’Algérie, s’est distingué depuis maintenant une dizaine d’années comme un des soudards de l’islamophobie décomplexée en France. Il vient de rappeler, dans un débat politique sur une chaîne de télévision française proche de l’extrême droite (Cnews, 25/9), son inusable thèse : le problème n’est pas l’islamisme, mais l’Islam. Ce ne sont pas les assassins islamistes, en France et partout dans le monde, qui doivent être condamnés, mais l’Islam. Il n’aura pas fini de ressasser : « l’Islam, voilà l’ennemi ! »

Boualem Sansal fait le job

Que font le gouvernement français et son ministre de l’Intérieur Darmanin, qui ne se signalent que lors de manifestations antisémites, que font les nombreuses associations de défense de citoyens français au-delà de ce que peuvent être leurs origines et leurs religions, particulièrement l’Islam ? Boualem Sansal peut donc proférer ses propos injurieux envers une religion et une civilisation de l’Humanité sur une chaîne de télévision au nom de la liberté d’expression. Pourquoi cette liberté d’expression française ne serait-elle pas aussi consentie en France à ceux qui vitupèrent Juifs et au Chrétiens, Alain Soral et Dieudonné Mbala Mbala, mais aussi Marc-Édouard Nabe, ami des Palestiniens, et bien d’autres, qui ont subi et subissent les exclusions des médias et de l’édition et sont enfermés dans un cordon sanitaire ? Le terroriste Bernard-Henri Lévy, l’assassin des Libyens, les académiciens racistes Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner y veillent. Ce sont aussi de sûrs protecteurs de Boualem Sansal, qui ont encouragé ses excès, qui ont accompagné sa carrière de trublion, de calomniateur de l’Islam.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que Sansal, « Algérien » sur le papier, semeur d’alerte en France, s’exerce à salir l’Islam sur tous les fronts. Sans aucune réaction des défenseurs officiels et assermentés de l’Islam en France, je pense au recteur de la Grande Mosquée de Paris et au président de la Fondation pour l’Islam de France, qui se taisent lâchement en la circonstance. Aucun signalement contre les assertions véhémentes de Sansal sur la religion de milliards de personnes dans le monde, qui est la deuxième religion de France rassemblant près de 10% de la population, n’a été, à ce jour, consigné par les autorités françaises, les organisations non-gouvernementales et les porte-parole de l’Islam en France. Boualem Sansal, qui n’a aucun lien avec le débat et le savoir théologiques, est dans une incrimination nue, sans fondement rationnel de l’Islam : la France, indique-t-il, se porterait mieux sans l’Islam et les Musulmans.

Sansal oppose volontiers Islam et islamistes, en relevant la malfaisance du premier. Les certitudes de Sansal sont en Algérie, en France et aussi dans tous les pays où l’islamiste armé a sévi, une injure pour la mémoire des ses victimes, de leurs familles et de leurs concitoyens. En Algérie, pendant la guerre qu’a menée l’islamisme armé contre l’État républicain et démocratique dans les années 1990, soldée par 200000 morts, ce sont des individus mus par des objectifs strictement politiques de prise de pouvoir qui ont tué des Algériens, précipitant des bébés dans des fours à chaux, au nom de l’Islam. Ces desperados, aussi incultes en matière de doctrine de l’Islam que le cul pelé de l’âne, issus de partis islamistes légaux, à défaut d’être légitimes, se sont regroupés dans des formations militaires financées par des monarchies et des États  musulmans du Golfe et de la péninsule arabique. Ces groupes islamistes armés, pour lesquels l’Islam n’estt qu’un paravent, étaient aussi soutenus par la France, sous le règne des présidents socialiste François Mitterrand (1981-1995) et de droite Jacques Chirac (1995-2007). Les Algériens, aux milliers de « Bataclan », ne peuvent l’oublier. C’est bien de cela que devrait parler Sansal ; mais il  ne se préoccupe que d’exonérer de leurs nuisances les tueurs islamistes pour n’accabler que l’Islam.

Il serait difficile de considérer que les autorités françaises de l’époque, comme celles d’aujourd’hui, tout comme l’intelligentsia française, ne fassent pas le distinguo entre « Islam » et « islamisme » pour permettre que soit corrompue par Sansal ou ses acolytes une religion de civilisation et d’universalité, qui mérite la semblable protection que l’État laïc français accorde sur son territoire à la Chrétienté et au Judaïsme. M. Gérald Darmanin est soit peu informé soit de parti pris, qui n’a jamais exigé de Sansal le respect de l’Islam, précisément lorsqu’il s’exprime publiquement à Paris. C’est aussi le cas pour la haute instance française de régulation de l’audiovisuel qui accepte l’ouverture de tribunes haineuses contre l’Islam dans une chaîne de télévision de service public. Dans sa guerre contre l’Islam, « l’Algérien » Sansal dénigre aussi les Musulmans, spécialement Français d’origine algérienne. Il leur dénie la nationalité française, alors qu’ils sont nés en France de parents français, aux lointaines ascendances algériennes, appelant  dans des discours rageurs, comme en 2019, après le sacre de l’équipe nationale d’Algérie à la CAN, à leur déchéance et à leur exclusion de France. À défaut de les exterminer proprement.

Qu’attend donc ce défenseur de la pureté raciale française, de la France gauloise, de Clovis, Charlemagne et Saint-Louis, pour se faire naturaliser français comme son comparse Kamel Daoud ? Lisez la prose calamiteuse de Boualem Sansal stipendié à la France, sa supposée algérianité n’est qu’un alibi parce que ses protecteurs à Paris ont besoin que certaines positions fallacieuses sur lesquelles ils ne prendraient pas de risque soient assumées par un « Algérien ». Boualem Sansal fait le job. Le gouvernement français peut-il continuer à faire le dos rond devant ses déclarations hostiles à l’Islam ?

À Alger, un pseudo-expert embusqué de l’Islam et de l’islamisme

En quoi Boualem Sansal est-il un « expert de l’islamisme et de l’Islam », lui qui se réclame d’une expérience algérienne de l’islamisme armé qu’il n’a pas concrètement vécue ? C’est un vil imposteur, un mythomane sombrant dans la radicalité antimusulmane. A-t-il lu le Coran, texte fondamental de l’Islam, en connaît-il les pieuses pratiques et les exégèses. Non, il n’en sait rien. Il criaille, pour répondre  aux attentes de ses mandants français, ses sentences nauséabondes sur les plateaux de télévision et de radios contre l’Islam, le fustigeant dans des propos extrêmes, comme il l’a fait souvent avec les Palestiniens. Il faut sortir d’un bordel de Theniet El Had pour hurler que la Palestine et les Palestiniens n’existent pas, qu’ils sont une invention de pays arabes, pour nuire à Israël et aux Israéliens. Les animateurs du CRIF, instance de défense du sionisme en France, qui lui ont donné la parole lors d’un de leurs « diners » n’en attendaient pas tant. Mille livres d’histoire de la Palestine et des Palestiniens, mille livres d’histoire de l’Islam et des Musulmans ne changeront pas le discours d’un harki qui n’a de conviction que celle de ses maîtres.

Boualem Sansal, aux origines douteuses, plus Marocain du Rif qu’Algérien, « expert » autoproclamé de l’Islam et des Musulmans, cache précautionneusement en France et en Occident des vérités, qu’il convient toujours de dire et redire, qui sont vérifiables. Dans les années 1990 et jusqu’à exactement l’année 2003, il  a été un haut fonctionnaire de l’État algérien au parcours parfaitement balisé, accrédité par les enquêtes de la Sécurité militaire puis du DRS, qui a connu sans coup férir  les présidences de Houari Boumediene (1965-1978), Chadli Bendjedid (1979-1991), Liamine Zeroual (1995-1999), Abdelaziz Bouteflika (1999-2019) et les chefferies d’État successives de Rabah Bitat (1979), Mohamed Boudiaf, Ali Kafi et Liamine Zeroual (1991-1995).

 

Le directeur-général Boualem Sansal arborant le costume bleu-pétrole des dignitaires du « système » guidant, en 1984, lors d’une visite officielle le ministre Messaoudi Zitouni

Longtemps directeur général de l’Industrie, avec les attributions d’un secrétaire d’État, numéro 3 du ministère éponyme, Boualem Sansal a conduit sans état d’âme pour le compte du gouvernement Bendjedid la destruction de l’outil industriel conçu par Boumediene, déstructurant des pôles industriels et mettant au chômage des dizaines de milliers de travailleurs algériens de tous les grades professionnels.

Le dépeçage de l’industrie nationale naissante est indéniablement son œuvre, proposant, non sans outrance, dans un entretien avec l’écrivain et cinéaste Ali Ghalem, de céder à la France, pour un dinar symbolique, les entreprises cassées par ses soins. Il le répétera encore et encore : l’Algérie n’est rien sans la France.

Gardien du « système » sous la protection de l’État, Sansal n’a pas réellement été placé sous la menace directe de l’islamisme armé, comme ce sera le cas des écrivains Tahar Djaout (1954-1993) ou Youcef Sebti (1943-1993) et des dramaturges Abdelkader Alloula (1939-1994) et Azzeddine Medjoubi (1945-1995), en tête de listes d’intellectuels dont le sang était licité par les « mesjless » des moquées, qui mourront sous le feu et la lame de tueurs islamistes. Il n’a connu l’islamisme armé que dans les pages des quotidiens francophones d’Alger, il ne l’a jamais rencontré ni gravé ses blessures dans sa chair et dans sa mémoire. La balle et la lame du tueur islamiste ne sont pour lui, à cette époque, qu’une image éthérée, presque littéraire. Autant reconnaître que la pseudo-expertise de Sansal sur l’islamisme assassin en Algérie, servie à profusion dans les bars à bière germanopratins relève plus de l’hallucination que des faits. Les statistiques en témoignent : dans ces années 1990, ce ne sont pas Boualem Sansal et les directeurs centraux des ministères qui étaient visés par les groupes islamistes armés. Ils étaient logés dans des résidences d’État – ou  comme Sansal dans d’inexpugnables bunkers.

Paradant en costume bleu-pétrole, signe indépassable de la haute fonction gouvernementale algérienne, dans les couloirs de son ministère et du palais du gouvernement, apportant sa caution et son « expertise » économique et industrielle à des gouvernements qu’il jugera plus tard « anti-démocratiques », qu’il  aura servi sans rechigner comme une pute de Casbah, Boualem Sansal a traversé la guerre islamiste des années 1990 dans un cocon, si éloigné du réel algérien et de ses balles perdues.

Dans le désœuvrement d’une Algérie confinée, paralysée par l’islamisme armé, le directeur-général de l’industrie naissait à une inattendue et folle ambition d’écriture, une ripaille de mots dans une plume résolue de haut fonctionnaire de l’État algérien, qui ne sera jamais celle d’un créateur. En 2003, Abdelaziz Bouteflika, qui jusque-là l’avait superbement ignoré, l’avait confronté au douloureux choix entre sa haute fonction dans l’État et son engagement dans la littérature, marqué par des déclarations intempestives. À défaut de gagner des mérites littéraires par son œuvre, Sansal le fera par le buzz, le maléfique buzz, tachetant de boue et d’humeur rance le règne inaugural de « Si Abdelkader El Mali ». Il ne voulait renoncer ni à sa sinécure gouvernementale, qui devenait à l’usage une ignoble prédation, ni au buzz payé en factices consécrations dans les médias parisiens. Bouteflika, qu’il allait rabaisser en Borgia de la Mouradia, le raye du registre des hauts salaires de l’État. Comme un malpropre !  Boualem Sansal ne le lui pardonnera jamais.

À Paris, il élargira l’éventail de ses emplois et de ses compétences : il « tapera » sur la fratrie Bouteflika, mettant de son côté les rieurs et les soupeurs d’Hydra, sur les Palestiniens pour ne pas désespérer son ami Netanyahu, sur les Arabes, tous les Arabes de la création, pour souffler sur un cauchemar de l’Occident, sur l’Islam, plus que sur l’islamisme et ses offices funèbres sanglants, pour contenter un philosophe sans système de pensée et des académiciens-voyous, qui lui assurent à Paris son indélicat renom de flibuste et son infecte pitance à l’aïoli.

L’obsession maladive du Goncourt

Venu très tard à la littérature à l’âge de cinquante ans, la méconnaissant totalement, sa culture littéraire se limitait à la lecture de quelques polars de l’Américain James Hadley Chase. Totalement ignare, en 1999, au moment où Gallimard publiait son premier roman « Le Serment des barbares », Sansal ne pouvait pas aligner trois noms d’écrivains français dans un pays où la grande littérature se mourait pour laisser  se développer et prospérer celle de l’esbroufe. Dans cette France-là, un cénacle d’écrivains tarés s’appelait le « Caca Club » et il n’était pas étonnant d’y retrouver Frédéric Beigbeder et Yann Moix. Sansal a compris assez vite que dans cette littérature française sans inventivité ni talent, il allait gagner sa place par le buzz, la provocation et la surenchère morbide. Il rejoint, ainsi, en voyageur d’Israël, le sionisme mondial, s’en faisant un défenseur acharné, exhibant une franche camaraderie avec le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahu qui le bombarde, en 2014, pour « services rendus », membre de la commission scientifique d’une mirifique célébration d’Israël, sous le sceau de l’Unesco, qui en avait à la requête des ambassadeurs arabes refusé le principe.

Boualem Sansal en visite au mur de lamentations

En vérité, c’est un inquiétant personnage qui allait entrer en littérature dans le repli d’une société, de son pouvoir et de ses hydrocarbures, non pas pour la faire aimer par les lecteurs, mais pour s’en glorifier. Sansal n’a jamais retenu de la littérature que sa course aux prix. Il a acquis à Alger, en des temps dits « révolutionnaires », une redoutable réputation de « tueur », parvenant à écarter dans son ministère des adversaires mieux cotés, lui qui ne se réclamait que d’une grand-mère maquerelle de bordel qui aurait versé son obole, de la main à la main, au président Ahmed Ben Bella, lors de la trop fameuse opération du « Sandouq Taddamoun ». Il a ravi (et gravi), au gré de fiches bleues adroitement compilées et traficotées, tant de chefferies que lui envieront et disputeront d’authentiques fils de la « famille révolutionnaire ».

Ce savoir de fourberie bédouine, couillonnant la redoutable « SM » et le terrible « DRS », il voudra le mettre à l’œuvre en France, dans le milieu étoilé de la littérature qui est celui de toutes les ascensions possibles, recréant à l’envi ses Lucien Chardon. Sansal n’avait pas encore lu Balzac, qu’il avait toujours regardé comme un code d’archaïque téléphonie, mais il se parera des audaces de Rubempré. Dans son dispendieux rêve de sommets, il nourrit l’inaltérable obsession du prix Goncourt et il ne manquera pas pour y arriver à mordre  dans le gras cet Orient arabo-musulman, qui indispose les garants qu’il a réunis autour du feu d’une ambition de satrape. Il a triomphé dans la plus haute fonction de l’État à Alger, pourquoi ne réussirait-t-il pas avec la semblable méthode de tireur dans le dos à Paris ?

Le Goncourt ? Il a tout essayé, même l’impensable, secouant  une insistante « chitta », brosse à reluire typiquement algérienne, pour complaire à Pierre Assouline, chef de file du lobby sioniste du champ littéraire germanopratin. Lisons ce passage de basse flagornerie assez rare dans la littérature française : «  Jean m’a donné une photo de Daoud [son frère jumeau]…. Avant que nous nous séparions, il m’a offert un livre. ‘‘Vous saurez tout sur le Lutetia et son étrange histoire, la déportation, la longue chaîne des complots, ce qui fait l’atmosphère spéciale d’un palace et de celui-ci en particulier. Un livre formidable’’, m’a-t-il dit. C’était un roman, il avait pour titre Lutetia, il était de la main d’un certain Pierre Assouline » (« Rue Darwin », 2011, p. 191). Il faut sortir de Théniet El Had pour enfreindre des mœurs séculaires de la littérature française où les hommages aux confrères et consœurs se font dans les marges des récits.

En 2015, « 2084. La fin du monde » a été recalé par un jury Goncourt, qui lui était pourtant acquis, qui s’est ravisé lors de son ultime réunion, malgré le battage insensé de Pierre Assouline, estimant qu’il n’était pas honorable et admissible pour l’académie, malgré ses nombreuses et bruyantes casseroles, de décerner sa récompense à une bouillie de mots incohérents. Au lendemain de sa déroute, un éminent membre de ce jury a été plus clair dans les colonnes du magazine parisien « L’Obs », assénant que Sansal a plus de dispositions pour le buzz que pour l’écriture. Et ce sont ses commensaux de bars à bière de Saint-Germain-des-Prés qui ont tenu à préciser qu’« il n’a pas le niveau ». Fin de partie.

Depuis son roman déchu, en 2015, Sansal a publié deux opus de la même encre emberlificotée (« Le Train d’Erlingen ou la métamorphose de Dieu », 2018 ; « Abraham ou la Cinquième alliance », 2020),  aux faibles audiences, qui ont pu être récompensés par des prix de septième zone qu’ordonne le géant de l’édition française Gallimard-Madrigall pour ses zouaves de la plume empêtrés. Il y a dans le cas de Sansal un constat fort et indémontable : s’il est établi que les académies littéraires parisiennes, entre autres celle du Goncourt, sont des ramassis d’infâmes gredins, qui ne méritent même pas la corde pour les pendre, Israël et le sionisme international n’ont pu infléchir leur décision de disqualifier Boualem Sansal.

Quoiqu’il fasse, quasiment éloigné du Grand Œuvre, parce qu’il est un piètre écrivain, Sansal ne décrochera jamais le Goncourt pour lequel il a changé de religion, se découvrant opportunément des racines juives. Cultivant le souvenir chagriné d’un « vieux rabbin poussiéreux », il a pu envisager nettement sa judéité : dans « Rue Darwin », son narrateur et délégué textuel observe : « Je me pose la question : le penchant de Daoud pour le Juif et le judaïsme était-il aussi le mien, comme les jumeaux ressentent la même chose en même temps, par-delà les distances » (p. 194). Un franchissement de territoire et de croyance ? Mais il se voulait plus politique que spirituel, jouant Golda Meir contre Houari Boumediene, terrassant le sourcilleux colonel d’Alger…

C’est dans ce roman, précisément, parsemé de séquences autobiographiques, qu’il  fait l’aveu d’un sang impur, enfanté dans un bordel sur le piémont de l’Ouarsenis. Lorsqu’on est né dans un bouge pestilentiel pour soldats français, lorsqu’on a badigeonné sa face de pissat de chien enragé, la propension au tintamarre médiatique est toujours inassouvie. Désormais, c’est l’Islam qui en fait les frais ; mais, littérairement, il ne le rachète pas. Le Goncourt ne s’est jamais autant éloigné. À Alger, Boualem Sansal a mis à terre des aspirants couillus aux cuisines fétides de l’État, à Paris, dans les brumes de l’histoire littéraire française où les « tueurs » de carrières furent rares et les excommunicateurs nombreux, Sansal, cloporte des lettres françaises, saura-t-il seulement réussir sa sortie de scène et esthétiser son propre suicide littéraire ?

L’immuable sanction de l’indignité nationale

Relativement à l’Algérie, à son Islam, le mécréant déclaré Sansal, qui agite son tropisme israélo-sioniste et une origine marocaine incandescente comme pour en rajouter à la furie de nos jours, n’a pas désarmé. Si le sionisme international et ses crachats sur les Palestiniens et la Palestine ne l’ont pas aidé à décrocher le Goncourt, il changera assez vite de fusil d’épaule, faisant de l’Islam la cible de sa nouvelle guéguerre, mobilisant les médias parisiens qu’il a de longue date subjugués, assurant à tous cette vérité des catacombes : l’Islam est le seul coupable… Il vient de le proclamer à nouveau et fermement.

L’insulteur effronté de l’Islam a, certes, pour lui le silence des Algériens, musulmans, agnostiques ou athées de culture islamique, sur ses félonies. Mais, en Algérie, comme en France, la Loi protège les religions, toutes les religions, et sanctionne leurs blasphémateurs et leurs ligues ensorcelées. Pourquoi, comme à Paris, serait-elle vaine face aux gesticulations islamophobes de Sansal ? Pourquoi le journaliste et universitaire Saïd Djabelkhir, qui est un chercheur de haute probité scientifique et humaine, est-il taraudé pour ses interprétations de l’Islam, qui appartiennent pleinement au débat critique sur la connaissance des religions, alors que Sansal, qui prétend résider en Algérie et détruire l’Islam sur les plateaux de télévision parisiens, en sort-il toujours indemne ?

Ici la comparaison sur la nature des traitements des discours sur l’Islam produits par Djabelkhir et Sansal dans la société et dans sa justice s’impose. Ce sont deux positions diamétralement contraires. Sans doute, Djabelkhir interroge à travers différents écrits, notamment sur le soufisme, l’image de la religion dans les évolutions sociétales. S’attache-t-il à une sécularisation du dogme de l’Islam dans la société algérienne ? Cette hypothèse n’est pas interdite pour le chercheur.

Sansal, convient-il d’y insister, pourchasse l’islam en lanceur d’alerte pour le compte non pas de la France, mais d’une catégorie de Français qui ne reconnaissent plus le pays de Jeanne d’Arc et voient se distordre ses valeurs fondamentales, héritages de la Chrétienté, longtemps le ciment de l’État français depuis la période médiévale, et de la République impériale et coloniale, qui a construit, dans le XIXe siècle industriel, la modernisation du pays. Le « grand remplacement » appartient désormais au discours politique français, de Mme Marine Le Pen à Mme Valérie Pécresse – et, principalement M. Éric Zemmour. Ce qui turlupine Sansal, c’est le fait que la société française soit entrée irréversiblement dans une mutation socioculturelle essentielle, en grande partie due aux avancées de l’Islam, religion que l’État français a volontairement importée à travers la naturalisation soutenue de contingents de migrants maghrébins, orientaux et subsahariens musulmans, qui n’ont abdiqué ni leur religion ni leurs modes de vie. La dystopie de Michel Houellebecq « Soumission » (2015) n’annonce-t-elle pas le destin musulman de la France ?

Ce qui se passe, aujourd’hui en France, et Boualem Sansal s’en émeut, est le contrecoup de la colonisation française, principalement en Afrique. Oui, la France change, c’est un effet irrésistible de l’Histoire. Comment projette-t-il d’arrêter un marasme français, de plus en plus visible ? En combattant l’Islam, sans nuance. À Alger, comme à Paris, il n’est jamais troublé lorsqu’il déverse consciencieusement ses imprécations venimeuses sur les Musulmans et appelle la France et l’Occident à éradiquer l’Islam sur leurs territoires.

Est-il – toujours – protégé dans son abjecte campagne contre une religion universelle par les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Allemagne et l’Union européenne dont il écume ordinairement, lors de ses séjours en Algérie, les raouts des ambassades ? Il fait valoir comme un argument crucial sa proximité d’avec les chancelleries étrangères à Alger qu’il informe sur le pouvoir algérien – dont il formera, au besoin dans le cas de l’Allemagne, les « services » d’espionnage et de contre-espionnage.

Sansal ne perçoit pas le ridicule de sa situation de chevalier blanc de la guerre à l’Islam en France. Il serait en Algérie une sorte de totem du retour de la France et de l’Occident, angoissant par sa seule présence les chefs d’État. Dans un entretien avec le journaliste français Renaud de Rochebrune, paru en 2015 dans « La Revue » (n° 57-58, novembre-décembre 2015), une publication du groupe « Jeune Afrique », Sansal rapporte que le président Bouteflika s’est plaint de lui auprès de l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique : « À une époque, l’ambassadeur des Etats-Unis qui aimait beaucoup me rencontrer – à tel point, il me l’a dit, qu’un jour Bouteflika le lui a reproché lors d’une audience à la présidence… » Forfanterie ? Confabulation d’écrivain peu inspiré ? En fait, en 2015, Sansal s’attaquait à un président démuni physiquement, abandonné par son proche entourage. Je ne crois pas qu’un président de l’Algérie indépendante et souveraine, fut-il le défunt Abdelaziz Bouteflika, puisse vendre l’honneur et la fierté de son pays et se rabaisser devant un quelconque ambassadeur qu’il a daigné recevoir en audience. Mais Boualem Sansal est connu pour être un fieffé et intarissable menteur.

N’a-t-il pas fait courir la rumeur qu’il est intouchable à Alger par la volonté de l’Occident ? Il persistera, depuis son bunker de Boumerdès, à déblatérer sur l’Islam et à raviver ses scandales d’incroyant atrabilaire, dorénavant, sous la protection de MM. Joseph Biden, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, sanctifiant « une liberté d’expression qui n’a pas de prix ». Mais, l’Islam reste une belle et généreuse idée de notre monde, en Algérie et dans de dizaines de nations, et rien ne saura atteindre à sa grandeur éternelle. Je n’appellerais jamais au jugement des tribunaux sur les litanies vengeresses de l’islamophobe Sansal, mais à l’irrévocable indignité nationale, qui assombrit le front des « khabits » et des « qawads ». Triste engeance.

 

POST-SCRIPTUM.

KHADRA, ENCORE. Dans « Les Vertueux » (Paris-Alger, Mialat-Barrault-Casbah Éditions, 2022), Yasmina Khadra écrit un roman indigéniste et colonial à la gloire des troupes d’Algériens musulmans partis au casse-pipe pendant la Grande Guerre (1914-1918). Je voudrais noter que ce n’est pas la première fois qu’un militaire publie un roman sur les soldats algériens engagés comme chair à canon dans les champs de bataille de la France. Avant Khadra, le Capitaine Mohamed Ben Cherif (« Ahmed ben Mostefa, goumier », Paris, Payot, 1920) et le Commandant Saïd Guennoun (« La Voix des monts, mœurs de guerre berbères », Rabat, Omnia, 1933) s’y sont prêtés. Ben Cherif a traversé tous les désastres de la guerre, de la « pacification » française du Maroc aux marches du Rhin, sur le front de l’Est où il est capturé et emprisonné par les Allemands. Et l’Algérien Guennoun a été en temps de guerre et de paix l’oreille de la France dans le Maroc, accédant au grade de commandant, chef des services d’espionnage et de contre-espionnage français, tout en se consacrant à d’érudits travaux d’ethnographie berbère.

Le Capitaine Ben Cherif était de Djelfa, le Commandant Guennoun,  d’Ouled Aïssa (Kabylie), et le Commandant Khadra, de Kenadsa (Béchar). Dire que le roman « Les Vertueux » aurait trouvé, par son style raboteux, sa place dans la littérature indigène de l’entre-deux-guerres n’est pas exagéré. Khadra aurait pu prêter plusieurs de ses pages à Ben Cherif et Guennoun ; il aurait pu aussi leur emprunter bien de morceaux de bravoure où s’abreuve l’âme du nomade. Qui s’assemble…

 

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