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Jacob Cohen à propos de la non-participation du président Tebboune au Sommet du Caire: Une décision courageuse et digne

Connu pour ses analyses pertinentes, le journaliste et auteur de la "26e tribu" et du "Printemps des Sayanim" Jacob Cohen répond aux questions d'Algérie 54, sur le renoncement du président de la république Abdelmadjid Tebboune à participer au sommet extraordinaire de la ligue arabe, à la crise diplomatique entre Alger et Paris et aux derniers développements du conflits ukrainien.

Connu pour ses analyses pertinentes, le journaliste et auteur de la « 26e tribu » et du « Printemps des Sayanim » Jacob Cohen répond aux questions d’Algérie 54, sur le renoncement du président de la république Abdelmadjid Tebboune à participer au sommet extraordinaire de la ligue arabe, à la crise diplomatique entre Alger et Paris et aux derniers développements du conflits ukrainien.

Algérie54: Le Caire abritera ce mardi 4 mars un Sommet extraordinaire de la Ligue Arabe consacré à Gaza. Quelle lecture faites- vous de ce sommet qui à première vue consacre la désunion arabe et l’aplaventrisme de ses dirigeants?

Jacob Cohen: Malheureusement ce n’est pas un scoop. Ce sommet « d’urgence » devait déjà se réunir le 27 février, plus de 2 semaines après les déclarations tonitruantes de Trump prévoyant le nettoyage de Gaza et sa transformation en nouveau Dubaï.

Il semble que les dirigeants arabes aient attendu suffisamment pour faire tomber la pression et se réunir dans le calme. Mais la récente décision de l’entité sioniste de bloquer toute entrée de marchandises dans le territoire jusqu’à ce que le Hamas libère tous les otages, en contradiction avec les accords conclus précédemment, va mettre les dirigeants arabes devant une terrible situation.

Peuvent-t-ils laisser mourir de faim ou de manque de soins 2 millions de Gazaouis, et ceci en plus au début du mois sacré du Ramadan ? Pourtant l’Egypte dispose d’une entrée sur Gaza. Mais elle n’osera pas, et aucun pays arabe ne l’y forcera, à faire entrer des milliers de camions sans l’autorisation du boss sioniste. Le sommet arabe finira donc, comme de coutume, dans de belles déclarations sans aucun effet concret. C’est triste, c’est pathétique, mais c’est l’état du monde arabe. 

Algérie54: L’Algérie par la voie d’un communiqué de la présidence de la république annonce l’absence du président de la république Abdelmadjid Tebboune, pour des raisons liées au « bradage » de la cause palestinienne et du détournement de la question par des Etats vassaux à la solde des plans sionistes.

Jacob Cohen: C’est une décision courageuse et digne. Il faut arriver à tenir un jour un langage de vérité. C’est le drame de ces régimes arabes qui agitent la cause palestinienne pour répondre, faussement et cyniquement, aux aspirations de tous les peuples arabes pour se libérer du joug impérialo-sioniste. Ces peuples sont prêts aux combats et aux sacrifices, mais les dirigeants ont peur de réveiller ce potentiel révolutionnaire qui risque de les emporter. Je pense que le diagnostic est connu depuis longtemps, depuis au moins 4 décennies, sans pouvoir y apporter un début de solution. Et ce sera d’autant plus difficile qu’un certain nombre de pays arabes ont normalisé leurs relations avec Israël sans rien obtenir en échange concernant la Palestine. 

Algérie 54: Le niet de l’Algérie à cautionner une capitulation des pays ayant normalisation de l’entité sioniste, après d’énormes sacrifices du peuple Palestinien et un succès diplomatique et moral, nous rappelle le scénario du succès militaire arabe en 1973 devenu une défaite politique par le biais d’un accord de paix signé plus tard par le Rais égyptien avec l’entité sioniste. Qu’en pensez-vous?

Jacob Cohen: L’attaque surprise de 1973, bien préparée et bien menée, et qui avait failli porter un coup sérieux au suprémacisme du régime sioniste, l’obligeant quasiment à rentrer dans ses frontières légales et à accepter un Etat palestinien, s’est malheureusement terminée par un cessez-le-feu sans solution politique. Henry Kissinger avait bien compris le danger de ce sursaut arabe et de son potentiel révolutionnaire. Il fallait en neutraliser l’élément central.

L’Egypte fut ainsi amenée à signer une paix séparée qui lui permettait de récupérer le Sinaï, avec une aide financière importante et qui la rendait dépendante, mais en abandonnant définitivement la cause palestinienne. Peu après les pays nationalistes arabes qui auraient pu reprendre le flambeau ont été détruits. Cette situation a ouvert la voie aux normalisations qui auraient été impensables auparavant. Rappelons quelques faits qui montrent que la Ligue Arabe n’est plus dans un esprit de résistance et approuverait un Banthoustan palestinien pour tourner définitivement la page. La Syrie de Bachar Al Assad agressée et mise à l’index. Le Hezbollah traité de mouvement terroriste jusqu’à récemment. Le Hamas et autres organisations de résistance interdits de séjour dans la plupart des pays arabes, et dans la Syrie nouvelle. 

Algérie54: Beaucoup de bruits circulent ces derniers jours sur une guerre entre les différents services de renseignements marocains sur fond de succession au Trône et la fin politique de Mohamed VI. Qu’en dites-vous?

Jacob Cohen: J’avoue humblement ne pas disposer d’informations dans ce sens.

Algérie54: L’Etat français semble être pris en otage par l’extrême droite dans la foulée de la crise entre Alger et Paris. Le ministre français de l’Intérieur semble dégommer son confrère de la diplomatie Jean-Noël Barrot et aussi son président Emmanuel Macron, via cette note secrète venue désavouer les propos tenus la veille au Portugal par le locataire du Palais de l’Elysée. Pensez-vous que la crise franco-algérienne ira jusqu’à la rupture dans la foulée du soutien de Paris au plan marocain de colonisation des territoires du Sahara Occidental?

Jacob Cohen: Cette affaire illustre l’infiltration des sayanim (ces milliers de juifs « français » implantés dans tous les secteurs vitaux de la société) qui manipulent la politique du pays dans le sens voulu par le Mossad. De manière générale, le harcèlement des musulmans en France depuis les années 80 répond à cette logique.

L’Algérie étant dans la ligne de mire de l’Occident en général et d’Israël en particulier, surtout après la normalisation avec le régime marocain, l’affaire Sansal a mobilisé tous les secteurs sous influence judéo-sionistes : médias, universités, ONG, édition, politique, etc. Même Jack Lang a offert une soirée anti-algérienne à l’Institut du Monde Arabe.

L’extrême-droite, qui a reçu l’onction de Netanyahou et s’est déchainée pour défendre le génocide à Gaza, est montée au créneau et déverse chaque jour sa haine de l’Algérie. Le ministre de l’Intérieur, quasiment inconnu du grand public, connait une belle popularité grâce à son « intransigeance » et devient un candidat sérieux pour la présidentielle de 2027. Dans cette hystérie générale, il semble que le président et son ministre des A.E. aient été pris de court ou n’osent pas aller contre un sentiment général hostile à l’Algérie. Cette situation n’augure rien de bon pour la suite. 

Algérie54: Le conflit ukrainien a pris une nouvelle tournure après l’escarmouche du bureau ovale, s’achemine-t-on vers la consécration de la victoire russe?

Jacob Cohen: La victoire russe devient chaque jour plus évidente et incontestable. De fait, elle a été annoncée dès le début de la guerre par tous les observateurs sérieux et indépendants. Pour ne citer que John Mearsheimer, le célèbre universitaire américain qui avait dénoncé en 2007 l’emprise du lobby sioniste sur la politique américaine. Le problème est d’avoir le courage et la lucidité de le reconnaître. Pour toutes sortes de raisons – on évoque même le blanchiment de dizaines de milliards grâce aux fonds donnés par l’Occident et qui n’arrivent pas à leurs destinataires – les pays de l’OTAN ont du mal à l’admettre.

Trump a sauté le pas, car il veut libérer son pays de l’emprise de l’Etat profond. Mais les pays européens auront du mal. Comment justifier les sacrifices financiers, économiques et militaires au profit de l’Ukraine alors que la situation économique de leurs peuples est catastrophique ? Mais aucune issue rationnelle ne semble en vue. Ces pays se sont réunis à Londres et promettent de poursuivre un combat perdu d’avance. Et le pire c’est qu’aucun débat n’est toléré. C’est devenu comme une espèce de religion. Le signe probable d’une décadence irréversible de la civilisation européenne.

Entretien réalisé par M.Mehdi

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