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Djilali Soufiane à Algérie54: Accepter la résolution du Parlement européen ,une grave erreur 

Dans un entretien accordé à Algérie54, Soufiane Djilali, président du parti Jil Djadid évoque plusieurs sujets d’actualités d’intérêt algérien, (la résolution du parlement Européen, la complaisance des ONG algériennes avec des agendas étrangers, l’opposition, les changements politiques, l’incident des obsèques du Moudjahed Lakhdar Bouragaa, la constitution, et la géopolitique internationale

Algérie54: Djilali Soufiane est le premier responsable politique algérien à avoir réagi à la résolution du parlement européen du 26 novembre 2020, la qualifiant d’atteinte à la souveraineté et intégrité du pays, qu’en dites-vous ?

Djilali Soufiane: Je pense que tout patriote doit réagir et immédiatement à ce type d’ingérence. A l’évidence, il y a eu une manipulation d’ampleur pour mettre à mal la position de l’Algérie au niveau international. Accepter de se faire traiter comme l’a fait le Parlement européen est tout simplement une grave erreur dont les conséquences peuvent être dramatiques autant sur le moral des Algériens que sur le terrain diplomatique. Une réaction de la part de tous les responsables politiques est une nécessité. Quant à ceux qui n’ont pas dit un mot sur cette résolution, ils devront tôt ou tard s’en expliquer face à l’opinion publique. Je suis sidéré de voir certains entrer en complicité avec l’étranger avec une facilité déconcertante tout en s’attaquant à l’image et à l’honneur de leur pays ! Il y a des problèmes de tous ordres en Algérie, mais c’est aux Algériens de les régler. L’appel du pied fait aux étrangers s’assimile au mercenariat !

Algérie54:Plusieurs associations algériennes connues pour leur accointances avec des ONG internationales sont signataires de l’appel à l’origine de la résolution du parlement européen. Ces mêmes associations étaient il y a quelques années proches des revendications de votre parti Jil Jadid. Expliquez-vous, pourquoi, vous vous êtes démarqués de ces entités ongistes, et certains partis politiques confinés dans la formule des périodes de transition et de la Constituante ?

Djilali Soufiane: Tous les Algériens sont d’accord sur le fait que l’ancien régime sous la férule de Bouteflika menait le pays vers une tragédie. 

De 2013 à février 2019, nous avions tout fait, à Jil Jadid, pour contribuer à rassembler l’opposition. Ce qui nous réunissait était, je le pensais, l’engagement loyal envers notre patrie. L’expérience nous a malheureusement révélé que chacun visait son propre agenda ou parfois même, des agendas étrangers, comme dans le cas de Rachad et de la nébuleuse qu’il traine derrière lui. C’est devenu pour nous, à Jil Jadid, une évidence, lorsque face à la crise, le comportement de certains devenait très suspect. Je dois rajouter qu’il n’est pas question de condamner tous ceux qui ne partagent pas nos choix. Ils ont fait des options. A eux de démontrer le bienfait pour le pays avec leurs propositions.

Algérie54:Lors des obsèques du Moudjahed Lakhdar Bouragaa, vous étiez la cible de  certains individus, un acte indigné par une grande partie des algériens qui dénonçaient l’utilisation des lieux de recueillement comme arène politique, et le manque de respect aux morts, qu’en dites-vous ?

Djilali Soufiane:Le matraquage à travers les réseaux sociaux et les manipulations de certains relais, y compris par des financements occultes, a fini par créer des tensions dangereuses. Ceux qui font semblant de combattre le régime au nom des valeurs de la démocratie et de l’Etat de droit, ont démontré qu’ils n’avaient aucun scrupule. J’ai toujours eu d’excellentes relations avec Si Lakhdar Bouregaa (Que Dieu ait son âme) et rien ne peut justifier l’attitude agressive et indigne de certains lors de son enterrement. Ces actes prouvent simplement que ceux qui se veulent les nouveaux révolutionnaires confondent entre lâcheté et engagement politique. 

Il y a des problèmes de tous ordres en Algérie, mais c’est aux Algériens de les régler.

Algérie54:Beaucoup d’observateurs pensent que votre parti serait convaincu de la nécessité d’un changement en douceur, en prenant langue avec le pouvoir, qui semble être ouvert au dialogue après l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, et la fermeture définitive de la porte de la transition ?

Les élections sont l’outil par excellence des Etats de droit pour régler un conflit politique

Djilali Soufiane: La transition aurait pu être installée dès le mois d’avril 2019. Cela avait capoté alors et l’armée a opté pour des présidentielles. Aujourd’hui, il y a un Président de la République. Il veut le dialogue. Pourquoi refuser ? Tout le monde sait que des changements profonds doivent survenir. Je pense que l’esprit du Hirak était pacifique. Alors pourquoi certains poussent à l’affrontement ? Le changement doit s’installer par la règle démocratique. Les élections sont l’outil par excellence des Etats de droit pour régler un conflit politique. Pourquoi donc revenir systématiquement sur cette idée de transition ?  Ils nous disent que le peuple algérien veut la démocratie, l’Etat de droit et qu’il est mûr pour faire ses choix. Eh bien oui, je suis d’accord. Pourquoi alors, juste après avoir dit cela, ils veulent des désignations ? Comment trouver des politiques qui fassent consensus sans passer par des élections ? Qui doit nommer ? Qui représente réellement le Hirak ? Autant de questions qui sont escamotées. En réalité ceux qui n’ont aucune représentativité sur le terrain veulent imposer au pays leur propre personne et leur propre projet. A ceux là, il faut opposer la démocratie : le droit du peuple à choisir lui-même ses dirigeants !

Algérie54:L’adoption d’une nouvelle Constitution, suivie de prochaine révision de la loi électorale et celle des partis politique, et l’imminence dissolution des assemblées ; s’annonce comme étapes cruciales destinées au renouvèlement de l’élite politique, qu’en pense Djilali Soufiane ?

Djilali Soufiane: C’est exactement cette démarche que nous avons préconisé. Il faut une dynamique de changement progressive mais effective. D’abord ouvrir les champs médiatique et politique, laisser s’organiser les jeunes et les bonnes volontés dans des partis politiques, nouveaux ou anciens, à leur guise. Puis, aller vers des élections législatives qui feront émerger une nouvelle classe politique. Les assemblées locales devront également être renouvelées dans la foulée. En quatre à cinq ans, le paysage politique aura été reconfiguré. C’est quoi maintenant 4 ans ? 4 ans de paix et de travail effectif, c’est quand même mieux que les 10 ans de guerre et sans solutions en Syrie ou en Libye, non ? 

Algérie54: La carte politique algérienne, est appelée à connaître des changements, ne pensez pas que c’est une opportunité à votre parti politique Jil Jadid, de se redéployer pour mettre en œuvre votre programme politique ?

Djilali Soufiane: En effet, les changements à venir pourraient être un moment important dans la vie de notre parti. Il est constitué de jeunes cadres, compétents, patriotes et loyaux envers leur pays et leur peuple. Cela fait 10 ans que nous travaillons sans relâche. Sans l’aide de quiconque. Nous n’avons pas 1% des moyens de certains partis qui découvrent l’opposition radicale mais qui restent bien au chaud dans les institutions dont ils refusent la légitimité. 

Algérie54:Les dernières déclarations du président français Emmanuel Macron, ont suscité l’indignation chez les Algériens sensibles aux propos liés à la souveraineté nationale, que dira le président du Jil Jadid ?

Djilali Soufiane: Sincèrement, il faudra sortir au plus vite de ces jeux de coulisses. La relation algéro-française est marquée par l’histoire et par maintenant une présence d’une communauté d’origine algérienne conséquente en France. Il serait déplorable d’aller vers une dégradation de ces relations. Les deux pays ont à gagner dans une relation équilibrée et respectueuse des deux parties.

Algérie54:La région du Maghreb connaît ces derniers jours une escalade militaire liée à l’agression marocaine contre la brèche de Guerguaret, ne pensez pas que cette agression vise l’Algérie après le niet du président Tebboune concernant toute normalisation avec l’entité sioniste ?

Djilali Soufiane:Les relations internationales sont complexes et souvent peu compréhensibles pour l’opinion publique. Bien sûr que tout est en relation. Le Sahara Occidental, la Palestine, la politique des pays du Golfe, la Turquie etc… Il y a un imbroglio entre les intérêts stratégiques des grandes puissances, des intérêts économiques, mais aussi des conflits d’ordre idéologiques. Les intérêts se croisent parfois et divergent d’autres fois entre deux mêmes pays. Il faut que l’Algérie trouve son équilibre et son espace naturel de développement. Au final, ce qui nous importe le plus est que notre pays assure un développement harmonieux et réel aux citoyens, tant dans la dimension socio-économique que culturelle et scientifique. 

Algérie54: Le retour de l’Algérie au premier plan sur la scène régionale, avec un redéploiement diplomatique autour des dossiers libyen, sahraoui, malien et palestinien, a ouvert la voie des hostilités pour l’Algérie avec les anciennes puissances coloniales, qui ne digèrent plus le rôle de premier ordre de l’ANP pour préserver l’intégrité territoriale du pays et de son unité face aux menaces récurrentes de l’impérialisme ?

Djilali Soufiane:L’armée algérienne est au cœur de notre Etat. Affaiblir l’armée, c’est affaiblir l’Algérie, surtout en cette période de conflits persistants autour de nous, de crise mondiale sur plusieurs dossiers qui peuvent mener à des déstabilisations d’ampleur et surtout à l’extrême fragilité de la classe politique nationale. Il faut reconstruire une véritable gouvernance civile avant de demander à l’armée de céder certains de ses pouvoirs politiques actuels. L’expérience turque est intéressante à cet égard. Ces changements ne peuvent se réaliser qu’avec le temps et surtout en parfait accord avec l’institution militaire.

Entretien réalisé par M.Mehdi

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