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Jacob Cohen: le régime marocain ne pourra rien refuser aux sionistes

Dans un entretien accordé à Algérie54, l’auteur engagé et journaliste français natif du Maroc, Jacob Cohen, aborde les questions de la gestion de la pandémie du Covid-19 en France, la Françafrique, la normalisation du Maroc avec l’entité sioniste, la situation au Proche-Orient, le déni du droit concernant le détenu libanais George Ibrahim Abdallah, et la menace d’un embrasement sur une éventuelle confrontation militaire entre l’Iran et le régime de l’entité sioniste

L’écrasante majorité des français, sous hypnose

Algérie54 : L’actualité française semble être dominée ces derniers temps, par une gestion qualifiée de catastrophique, de l’évolution de la pandémie du Covid-19, en France, dont l’impact sur la population n’est plus à présenter, que diriez-vous ?

Jacob Cohen : Vu de l’extérieur et par une minorité des Français, la gestion de la pandémie peut être qualifiée de catastrophique. Mais selon la célèbre formule d’un politicien retors, les peuples ont la mémoire courte. Et le peuple français ne semble pas s’être réveillé d’une séance d’hypnose qui dure depuis plus d’un an. Prenons l’exemple des masques. Pendant 3 mois, les membres du gouvernement avaient martelé qu’ils étaient inutiles et même nuisibles. Et puis ,ils sont devenus obligatoires et l’écrasante majorité des Français s’y conforment, même dans les parcs et les plages, même pour leurs enfants à partir de 6 ans. C’est vrai que tous les médias, qui ne survivent que grâce aux subventions publiques, font un travail de propagande impressionnant. On remarque ici ou là quelques tentatives de résistance, mais elles n’ont pas été en mesure de modifier la politique du gouvernement. A moins d’un sursaut violent toujours possible, il semble que les citoyens, tout en râlant pour la forme, continueront à subir la politique erratique et à courte vue des pouvoirs publics. Même les médecins sont tétanisés à l’idée de prescrire des vitamines pour renforcer l’immunité, sans parler des traitements honnis qui ont fait leurs preuves dans le « tiers-monde » et interdits en France sous peine de radiation. Et la campagne de vaccination massive n’arrange pas les choses au niveau d’un débat ouvert et objectif

Algérie54 : Ne pensez-pas que cela est lié à une lutte de groupes d’intérêts ?

Jacob Cohen : Cette pandémie a montré la prise de pouvoir par les multinationales de la pharmacie, et plus généralement par les mastodontes de la finance. Une donnée simple. Ce virus a un taux de mortalité de 0,14% et encore chez les plus de 75 ans souffrant de comorbidités. Or les médias ont mené une campagne de terreur et les gouvernements des politiques absurdes de destruction de l’économie et d’instabilités sociales ,pensez aux étudiants qui ne risquaient absolument rien et qui vivent des drames de l’isolement et de la précarité menant même aux suicides  pour arriver à faire avaler la nécessité d’un vaccin qui de plus bouleverse l’équilibre génétique humain.

Mais au-delà du sanitaire, cette gestion vise à bouleverser les équilibres économiques et les conquêtes sociales et démocratiques. Le monde occidental vit dans un système d’état d’urgence depuis un an. Les protections juridiques volent en éclats. Les brutalités policières et les dénis judiciaires éclatent au grand jour. Il y a un transfert de richesses colossal vers les grands financiers.

Et c’est écrit noir sur blanc par le président du Forum économique mondial. Si leur plan continue de s’appliquer, on assistera probablement à un tournant civilisationnel de l’Occident, et pas dans un sens positif.

Libye: la France portera longtemps la responsabilité d’un désastre humanitaire, politique et stratégique.

Algérie54 : La France est de plus en plus décriée dans les dossiers libyen et malien, ne pensez-pas que Paris n’a plus cette influence du passé ?

Jacob Cohen : La France a certainement beaucoup perdu de son coup de force en Libye, meurtrier et illégitime, et dont les conséquences continuent de peser aussi bien dans la région qu’en Europe. On en connaîtra peut-être un jour les raisons profondes. Mais la France portera longtemps la responsabilité d’un désastre humanitaire, politique et stratégique.

Quant à l’aventure malienne, elle apparaît de plus en plus comme une tentative néocoloniale pour maintenir des rapports de sujétion et sauvegarder des intérêts économiques. A l’impasse militaire s’ajoute un sentiment grandissant de rejet parmi les populations concernées qui aura des répercussions à long terme.

Ces 2 affaires montrent, en partie du moins, que la France ne mène plus une politique indépendante conforme à ses intérêts, mais qu’elle obéit à des considérations stratégiques globales décidées ailleurs qu’à Paris.

La Françafrique n’a jamais vraiment cessé

Algérie54 : Paris est accusée dans ce cadre de soutenir les régimes qui lui sont dévoués au détriment de l’instauration d’une démocratie réelle, les réponses nous viennent de la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Tchad, quelle est votre opinion sur ce sujet de la Françafrique qui refait surface ?

Jacob Cohen :La Françafrique n’a jamais vraiment cessé, malgré quelques velléités de gouvernements « socialistes ». Qu’on le veuille ou non, c’est l’héritage laissé par le général de Gaulle et perpétué depuis. C’est un peu le rare titre de gloire dont peut se prévaloir encore une grande puissance en déclin. Mais pour garder ces acquis, la France doit sacrifier les grands principes dont elle prétend être la grande défenderesse. Soutien aux régimes autoritaires qui peuvent tout se permettre parce que sans eux la France aurait déjà tout perdu. Crainte de ces régimes de se libérer de la tutelle française de peur de subir les foudres de la Cour pénale internationale, ou de connaître le sort de Sankara, ou enfin de perdre tous les biens immobiliers et les fortunes bancaires acquis illégalement. Les dictateurs africains et la France se soutiennent comme la corde soutient le pendu. Mais l’arrivée d’autres acteurs internationaux en Afrique, principalement la Chine, mais aussi la Russie et dans une moindre mesure la Turquie, pourrait entamer la prépondérance française sur les quelques pays qui lui restent fidèles.

Le Maroc s’associera à toutes les manœuvres sionistes d’espionnage et de déstabilisation des États voisins

Algérie54 : La normalisation amorcée par le Maroc avec l’entité sioniste, a révélé la mainmise des lobbys sionistes sur le devenir de la monarchie, que dira Jacob Cohen ?

Jacob Cohen :Cette mainmise avait commencé pratiquement après l’indépendance du Maroc, du moins avait-elle été admise officieusement en février 1961 lorsque, après le naufrage, plus ou moins provoqué, du chalutier « Egoz » emmenant clandestinement 43 juifs marocains vers les côtes espagnoles, le roi Hassan II avait dû concéder au Mossad et à l’Agence juive la liberté absolue d’emmener tous les juifs marocains qui le voudraient vers Israël sans aucun document administratif.

Depuis le Mossad a dû rendre bien des services à la monarchie marocaine. L’installation au Maroc d’un conseiller spécial juif, André Azoulay, probablement lié aux services secrets sionistes, dans les années 80 auprès du souverain, va permettre de tisser les liens nécessaires pour une normalisation officielle. Il a fallu juste attendre l’occasion pour sauver les apparences.

Il est évident maintenant que le régime marocain ne pourra rien refuser aux sionistes. Ce sont ces derniers qui dicteront le tempo et la nature de leurs relations. Il paraît aussi vraisemblable qu’il s’associera à toutes les manœuvres d’espionnage et/ou de déstabilisation des États voisins dont il pensera tirer profit. On peut même imaginer une espèce de front de défense autour du Maroc et d’Israël pour lutter contre les « instabilités » régionales, à l’instar de l’accord que le régime sioniste va signer avec les monarchies du Golfe contre les « menaces » iraniennes.

Néanmoins, la normalisation israélo-marocaine a été hélas facilitée par l’état de désunion et d’affaiblissement de la Nation arabe.

Libération de Georges Ibrahim Abdallah: la France n’a pas le courage de résister aux pressions de ses « alliés »

Algérie54 : Des appels pour la libération de Georges Ibrahim n’ont pas eu l’écho escompté et la France continue d’exercer le déni de droit concernant le vieux détenu de la planète ?

Jacob Cohen : La France montre dans cette affaire sa soumission aux intérêts américains et israéliens. Le mouvement auquel appartenait Georges Ibrahim Abdallah avait assassiné un agent de la CIA et un agent du Mossad. Abdallah était libérable depuis 1999 et diverses décisions de justice avaient autorisé son élargissement et son expulsion. Mais à chaque fois que les autorités françaises s’apprêtaient à le faire, de fortes pressions américaines et israéliennes les en dissuadèrent. Jacques Vergès, son avocat, l’avait reconnu publiquement, ainsi que l’ancien patron de la DST. Ce militant âgé de 70 ans maintenant mourra peut-être en prison parce que la France n’a pas le courage de résister aux pressions de ses « alliés ».

Territoires palestiniens: la colonisation se poursuit et  personne  n’en parle

Algérie54 : La situation au Moyen-Orient demeure explosive, compte tenu de la politique d’agression de l’entité sioniste à l’égard du peuple palestinien, victime du mutisme de la communauté internationale, qu’en est-t-il aujourd’hui de l’application du droit international ?

Jacob Cohen : Au regard de la Palestine, la situation semble bloquée, et cela va dans le sens des intérêts du régime sioniste, qui poursuit tranquillement la colonisation sur ce qui reste de ce territoire. Personne ou presque n’en parle, ce n’est plus dans l’agenda diplomatique international. Pour l’Occident c’est assez compréhensible. Les autres grandes puissances ont d’autres chats à fouetter. Quant aux États arabes, à part 2 ou 3 mais dont la marge de manœuvre est faible, ils pousseraient carrément les Palestiniens à accepter le plan de Trump, c’est-à-dire une espèce de « bantoustan » qui aurait le nom de Palestine mais soumis au contrôle d’Israël. Les dirigeants palestiniens qui font semblant d’espérer un vrai État sont ou bien naïfs ou bien complices. 28 ans après les accords d’Oslo le constat est dramatique. Ils y ont une grande part de responsabilité. En collaborant avec Israël, ils lui offrent sur un plateau la légitimité nécessaire du partenaire qui a reconnu juridiquement et politiquement la partie palestinienne, et pour qui des négociations futures menées de bonne foi et avec des concessions réciproques amèneront à un accord global.

Le droit international n’a rien à y voir. C’est la feuille de vigne qui cache pudiquement la loi de la jungle qui régit les relations internationales. Rappelons que les premières résolutions onusiennes en faveur de la Palestine datent de 1949. Ce n’est pas spécifique à la Palestine. Le monde a toujours fonctionné ainsi. On peut seulement regretter que les Palestiniens ou leurs leaders n’aient pas tiré les leçons d’un siècle de colonisation sioniste, avec son cynisme, sa brutalité, son racisme, sa mauvaise foi, son appétit d’expansion et de colonisation.

L’Iran reste cet État qui tient tête et revendique sa totale indépendance

Algérie54 : Ne pensez-pas qu’une guerre entre l’Iran et l’entité sioniste se profile après la dernière attaque d’un site nucléaire iranien, et les menaces iraniennes de couper le dialogue avec l’Union Européenne suite aux dernières sanctions ?

Jacob Cohen : Une guerre entre l’Iran et l’entité sioniste paraît peu probable. Nous parlons d’un embrasement généralisé. D’abord l’Occident ne le souhaiterait pas. Et Israël ne peut entreprendre une telle aventure sans l’aval de l’Amérique. Ce n’est pas pour les beaux yeux des Iraniens ou par des considérations pacifistes. Cette région est d’une sensibilité extrême, tant sur le plan pétrolier que sur celui de la circulation maritime. Une guerre pourrait créer un chaos tel que les avantages éventuels de frappes massives sur l’Iran ne compenseraient pas les désastres économiques. Et ensuite la victoire n’est pas certaine. On voit mal Israël et l’Amérique s’engager dans un conflit à l’issue incertaine. L’Iran n’est pas l’Irak. Et les ripostes contre l’entité sioniste pourraient être douloureuses. Combien de missiles iraniens pourraient tomber sur les centres vitaux israéliens ? Quand on sait que le Hezbollah pourrait lancer des milliers de missiles sur Israël ? Celui-ci ne prendra pas ce risque. Il privilégie plutôt l’étouffement économique de l’Iran avec la complicité des puissances occidentales d’une part, et d’autre part quelques escarmouches limitées. De toute façon, le régime islamique iranien ne sera jamais à l’origine d’un conflit. Il l’a montré depuis plus de 40 ans, et n’offrira pas ce prétexte à l’axe américano-sioniste. Il a même montré sa volonté pacifique en acceptant des contrôles sur son programme nucléaire contre la fin de tout boycott. Le problème fondamental, c’est que dans cette région qui a globalement accepté le leadership américain ou israélien, il reste cet État qui tient tête et revendique sa totale indépendance.

Entretien réalisé par M.Mehdi

 

 

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