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Mohamed Mbougar Sarr et le Prix Goncourt 2021:Le mal français - Algerie 54

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Mohamed Mbougar Sarr et le Prix Goncourt 2021:Le mal français


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Par Abdellali Merdaci

 Comme pour commémorer le centième anniversaire du Prix Goncourt attribué, en 1921, à René Maran pour « Batouala, véritable roman nègre » (Paris, Albin Michel), le jury du prestigieux prix littéraire français a couronné, le 3 novembre 2021, l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr pour son quatrième roman « La plus secrète mémoire des hommes » coédité par la maison Philippe Rey et un petit éditeur dakarois Jimsaan. Cette consécration, à Paris, d’un écrivain sénégalais ne peut être appréciée à l’aune d’une autonomisation de la littérature nationale sénégalaise qui n’existe pas. Elle n’est qu’un nouveau piège de la France littéraire enfermant dans ses rets les littératures émergentes de son ancien domaine colonial : le mal français.

Mohamed Mbougar Sarr, fils de médecin, né en 1990, à Dakar, est issu d’une famille bourgeoise de Diourbel, en pays sérère, qui l’envoie parfaire sa formation dans un lycée français et, plus tard, à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris), où il soutient une thèse de doctorat sur Léopold Sedar Senghor ; cette période, il l’évoque comme une saison sèche : « Mon  cursus  universitaire  en  France  me  mena  vers  une  thèse  de littérature  que  je  vécus  assez  vite  comme  un  exil  de  l’éden  de  l’écrivain » (p 26). Il est l’auteur de deux romans « Terre ceinte » (2015) et « Silence du chœur » (2017), publiés par Présence africaine, fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le Sénégalais Alioune Diop, accueillis par un succès d’estime. Son entrée chez Philippe Rey, un éditeur généraliste mineur, qui publie son troisième roman « Des purs hommes » (2018), l’assigne-t-elle à une marge littéraire ? Au-delà de la consécration inattendue du Prix Goncourt 2021 pour « La plus secrète des mémoires », et en raison de cette consécration, la trajectoire d’écrivain de Mohamed Mbougar Sarr reste-t-elle peu conventionnelle ?

Rejoignant, au début de sa carrière, Présence africaine, libraire et éditeur africain militant de Paris, lié à l’affirmation d’une culture noire, créant la Société africaine de Culture, promouvant les Congrès des écrivains et artistes noirs de Paris (1956) et de Rome (1959), portant l’espoir de littératures africaines libérées des tutelles coloniales (1), le romancier sénégalais se projette-t-il dans une spécificité littéraire africaine – particulièrement sénégalaise ? Cette orientation est-elle confortée, en 2021, par le choix d’un éditeur sénégalais au côté du Français Philippe Rey, qui n’appartient pas au cercle fermé de l’édition germanopratine ?

On s’y tromperait facilement lorsqu’on ignore le parcours littéraire du romancier déjà bien installé dans le champ littéraire français et dans ses cuisines faisandées : Prix Stéphane-Hessel pour « La Cale », une nouvelle publiée en 2014, Grand Prix du roman métis et prix su roman métis des lycéens 2015, Prix du roman métis des lycéens 2015, Prix Ahmadou Kourouma 2015 pour « Terre ceinte », Prix du roman métis les lecteurs, Prix littéraire de la Porte Dorée et Prix littérature monde 2018 pour « Silence du chœur », Prix Transfuge du meilleur roman français et Prix Goncourt 2021 pour « La plus secrète mémoire des hommes ».

. Huit médailles françaises en six années pour ce sûr client de la Fondation Lagardère. Mohamed Mbougar Sarr est plus un enfant de la France littéraire qu’un écrivain surgi d’un marécage sénégalais. Il est de la même pâte que nos écrivains zouaves d’Algérie, petits trotteurs nourris (et au besoin réécrits), pour le plus fadasse d’entre eux, dans un box de la rue Sébastien-Bottin. Triste parentèle.

Un coureur de fond du Goncourt

Hors d’une date-anniversaire, le siècle de « Batouala », rien ne pouvait prévoir le vote du jury Goncourt pour un roman, certes prometteur, d’un auteur sénégalais, au sortir de sélections mise à mal par les polémiques suscitées par une de ses membres, la romancière et critique Camille Laurens, dans les bruyantes – et très parisiennes – affaires de son compagnon François Noudelmann (« Les Enfants de Cadillac », Gallimard) et Anne Berest (« La Carte postale », Grasset), tous deux pressentis et expurgés des dernières listes. Mais dans le récit de Mbougar Sarr, il y a un clin d’œil au jury du Prix, si ce n’est un appel du pied : le personnage central de « La plus secrète mémoire des hommes », T.C. Elimane, n’a-t-il pas attiré l’attention de leurs prédécesseurs en 1938 pour son roman « Le Labyrinthe de l’inhumain », entre autres de leur chef de file typique Léon Daudet, pur maurrassien, directeur de « L’Action française », antisémite déclaré : « Léon  Daudet  aurait  dit  à  un  journaliste : ‘‘La seule chose qui me déplaise dans ce livre est son éditeur, Ellenstein, un israélite !’’ » (p. 217). En vérité, c’est l’évocation, furtive et caricaturale, d’une histoire française politique et littéraire insortable. Un bon point pour Mbougar Sarr, qui éveille, en la circonstance, les mânes de Francis Carco dans un périlleux retour à la sulfureuse histoire littéraire de la France de l’entre-deux-guerres.

Poussé dans la course au Prix par Philippe Rey, Mbougar Sarr a effacé de rudes concurrents, parrainés par de grands éditeurs parisiens, écrivains confirmés, habitués des sélections littéraires françaises, Sorj Chalandon (« Enfant de salaud », Grasset), Christine Angot (« Le Voyage vers l’Est », Flammarion) et, exceptionnellement, le Haïtien Philippe Dalembert (« Milwaukee Blues », Sabine Wiespiser). Faudrait-il imputer cette chaleureuse reconnaissance de l’écrivain sénégalais au thème de son roman, la longue et insaisissable quête de l’objet littéraire à travers la figure constellée de l’écrivain T.C. Elimane (« un nom à initiales mystérieuses », p. 15) et son évanescente œuvre « Le Labyrinthe de l’inhumain », métaphore de la Littérature.

Dans son principe, le roman peut faussement passer pour une critique de l’institution littéraire française et de ses manœuvres néocoloniales. « La plus secrète mémoire des hommes » est dédiée à l’écrivain malien Yambo Ouologuem (1940-2017), auteur du « Devoir de violence » (Paris, Seuil, 1968), prix Théophraste Renaudot, à l’itinéraire littéraire souffreteux et contrarié. Mbougar Sarr raconte une enquête sur un écrivain – fictif – sénégalais T.C. Elimane, un « Rimbaud nègre ». Son roman introuvable est-il le miroir du « Devoir de violence » de Yambo Ouologuem, interrogeant comme lui, les dérives d’un roi grotesque et d’un empire noirs déchus ? Il est salué, en 1938, par une critique unanime – comme le sera, en 1968, « Le Devoir de violence ». Mais cette bonne étoile littéraire se dissipe sous les coups de boutoir de deux redoutables professeurs du Collège de France : Henri de Bobinal « explorateur et ethnologue, spécialiste de l’Afrique », et Paul-Émile Vaillant, académicien littéraire, dénoncent, comme cela a été le cas pour Ouologuem, le plagiat d’Elimane, qui disparaît brutalement de la scène littéraire parisienne, au grand dam de la maison d’édition Gemini et de son fondateur Charles Ellenstein. L’auteur de « La plus secrète mémoire des hommes » et son narrateur Diégane Latyr Faye peuvent-il survoler les vies improbables d’un roman et de son auteur ? Conviendrait-il pour autant, de Yambo Ouologuem à T.C. Elimane et à leurs légendes africaines, de trouver dans la construction de « La plus secrète mémoire des hommes » une mise en abymes que le lecteur – érudit – est appelé à dépêtrer ? Je ne le crois pas.

Signale-t-on volontiers la créativité romanesque de « La plus secrète mémoire des hommes » ? Dans ce récit à plusieurs entrées, Mohamed Mbougar Sarr, rassemblant le Journal du narrateur Faye, délégué textuel de l’auteur, et plusieurs chroniques et « biographèmes », joue sur la quiddité du littéraire, dévalant parfois, non sans risques, les pentes de la théorie de la littérature. Ce déploiement du roman en plusieurs tableaux peut paraître fascinant. Il l’est dans la magie des personnages, au premier plan ce peu rassurant T.C. Elimane : « Si  on  pouvait  douter  qu’ait  réellement  existé,  à  une  époque,  un  homme appelé  T .C.  Elimane,  ou  se  demander  si  ce  n’était  pas  là  le  pseudonyme qu’un auteur s’était inventé pour se jouer du milieu littéraire ou s’en sauver, nul,  en  revanche,  ne  pouvait  mettre  en  doute  la  puissante  vérité  de  son livre : celui-ci refermé, la vie vous refluait à l’âme avec violence et pureté » (p.15). Et, aussi, essentiellement le retentissant chœur des femmes, ainsi Siga D. aux plantureux seins et Béatrice Nanga, qui porte dans son corps l’alphabet de la séduction érotique, ouvrant l’une et l’autre des portes au narrateur-enquêteur, tout comme l’insondable Brigitte Bollème, qui a écrit un bref essai sur T.C. Elimane, en 1948, « Qui était vraiment le Rimbaud nègre ?  Odyssée d’un fantôme », aux bien-nommées Éditions de la Sonde.

Une filouterie littéraire

Au gré de nombreuses circonvolutions de Paris à Amsterdam, de l’Amérique latine (Argentine, Bolivie) au Sénégal, où se dénoue le récit, l’œuvre de Mohamed Mbougar Sarr se lit comme une aventure du roman. Mais qu’en est-il de Yambo Ouologuem, fil d’Ariane dans la lecture du roman ? Le lien avec le romancier malien se distend au point de s’effacer totalement, de n’être qu’une illusion. Certes, il y a l’inscription du nom de l’auteur du « Devoir de violence » dans l’unique dédicace, et la ressemblance de son parcours avec celui de T.C. Elimane, tous deux écrivains choyés et célébrés, confondus dans de sinistres plagiats. Et, c’est tout, il n’y rien d’autre. Rien qui puisse laisser penser que Mbougar Sarr venge rétrospectivement le Malien Yambo Ouologuem, victime d’une France littéraire arrogante. Ce fait n’est rapporté nulle part dans la presse littéraire française, qui a assez tôt encensé ce roman, il est vrai peu conforme au pitoyable misérabilisme des écrivains d’Afrique – ainsi Boualem Sansal et Alain Mabanckou.

Opération de récupération vivement menée par le champ littéraire germanopratin, qui a manifesté la semblable ferveur envers les personnes et les œuvres de Yambo Ouologuem, en 1968, du fictif T.C. Elimane, en 1938, de Mohamed Mbougar Sarr, en 2021, et avant eux de René Maran, en 1921. La boucle de la Grande Tromperie. La récompense donnée par le jury du Goncourt au roman de Mohamed Mbougar Sarr n’est qu’un piège d’une France littéraire décrédibilisée qui réinsère dans son giron et neutralise un romancier, qu’elle finira comme pour beaucoup d’autres écrivains étrangers de toutes provenances à intégrer dans sa périphérie littéraire de la « littérature-monde en français », qui l’a gratifié d’un prix littéraire, pour le verser dans l’imparable « Trésor de la Littérature française ». Dans un processus immuable rameutant la glorieuse épopée des lettres françaises. La critique Pascale Casanova notait la prépondérance de « Paris, ville-littérature » : « Paris est ainsi devenu, bien qu’il n’ait cessé de rivaliser dans ce rôle avec Londres, la capitale de l’univers littéraire, la ville dotée du plus grand prestige littéraire du monde |…] La capitale française combine en effet des propriétés a priori antithétiques, réunissant étrangement toutes les représentations historiques de la liberté. Elle symbolise la Révolution, le renversement de la monarchie, l’invention des droits de l’homme – image qui vaudra à la France sa grande réputation de tolérance à l’égard des étrangers et de terre d’asile pour les réfugiés politiques. Mais elle est aussi la capitale des lettres, des arts, du luxe et de la mode. Paris est donc à la fois capitale intellectuelle, arbitre du bon goût, et lieu fondateur de la démocratie politique (ou réinterprété comme tel dans le récit mythologique qui a circulé dans le monde entier), ville idéalisée où peut être proclamée la liberté artistique » (2).

Vieille antienne et topoï politico-littéraires défraichis. Soit. Mais pourquoi ne faudrait-il pas imaginer que Mohamed Mbougar Sarr, contrairement aux écrivains qui l’ont précédé, affriolés par les lumières de la « ville-littérature », fuyant son récit mythologique et le chant de ses sirènes, ne rechercherait-il pas sa « liberté artistique » et aussi sa liberté politique chez lui, au Sénégal, loin des apologues fabuleux et surfaits de la France ? Et contre la France, précisément, avec ses breloques perverses et rugissantes, qui ne comprend la littérature que comme un champ de bataille, où s’allongent cadavres et médailles. Il n’est pas nécessaire de conjecturer ce que sera l’avenir littéraire de l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr. Son éditeur a déjà choisi pour lui : plus qu’il ne le pense, le romancier provisoirement sénégalais, comme l’a été David Diop (« La Porte du voyage sans retour », Seuil, 2021), a les deux pieds en France. Philippe Rey y veille, qui le promène depuis plusieurs mois dans les foires littéraires de ses provinces et de ses hameaux les plus reculés. Rentrera-t-il incessamment dans les rangs de la République française et de la « démocratie française » pour aspirer, à l’image d’un ignominieux Kamel Daoud, à une naturalisation française et à un rôle affligeant de propagandiste servile de la France néocoloniale ?

Il y a, pourtant, une certitude dans cette empreinte africaine du Goncourt. Le Guyanais René Maran, fonctionnaire de l’Afrique équatoriale française, en poste dans l’Oubangui-Chari, actuel Tchad, n’a pas tenu les promesses du Prix. Il ne signera plus que des œuvres complaisantes, raturant le cri de liberté de son « Batouala ». Pour un écrivain de langue française des anciennes colonies d’Afrique et d’Asie, les récompenses littéraires de Paris sont toujours des cadeaux empoisonnés. Je ne ferais pas le pari de voir le Goncourt 2021 retourner dans son pays pour servir la littérature sénégalaise et se battre pour son autonomie nationale, pour l’extirper de la gangue de la France littéraire, de ses insoupçonnés tours et détours. Mais, s’il est dans l’esprit du Yambo Ouologuem de « Lettre à la France nègre » (1969), instruit de son exemple malheureux, Mohamed Mbougar Sarr rejettera le mal français, qui a brisé l’élan du romancier malien. Ce n’est qu’une illusion. Sa littérature n’aura jamais le souffle de celle du défunt écrivain malien, oublié et injurié dans son propre pays ; il observe, cependant : « Elle  suffit,  par  conséquent,  à  me  valoir  une certaine  attention dans le milieu  littéraire de la diaspora africaine de Paris – le Ghetto, comme l’appelaient avec affection certaines langues de pute, dont la  mienne. (p. 22). Comment sur ce point ne pas lui donner quitus ? Dans les folles campagnes littéraires de la France, les zouaves (d’Algérie) et les Tirailleurs (du Sénégal) et leurs semblables de toutes bâtardises, aux « langues de pute », triomphent dans les guinguettes des prix littéraires. Mohamed Mbougar Sarr est pleinement de ce monde de fricoteurs des lettres, surnageant dans de sombres filouteries, qui mélange honteusement l’argent brumeux de la Fondation Lagardère, qui a payé sa formation en ateliers d’écriture, et la mémoire blessée de Yambo Ouologuem.

Notes

  1. Nadjia Merdaci, « Littératures subsahariennes », Constantine, Médersa, 2015, pp. 118-123.
  2. Cf. « La République mondiale des lettres », Paris, Point, 2008, pp. 47-48 (1ère éd., Paris, Seuil, 1999).

 

 

 

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