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Rachid Nekkaz et la canaillarchie

Les processus des forces sociales et historiques principales sont constamment mis en lumière et leur modèle théorique explicatif est sans cesse renouvelé et remodelé par les sciences sociales et économiques contemporaines, mais celles-ci restent muettes pour décrire et saisir les éléments de la marginalité sociale dans nos grandes villes, difficilement classables dans notre société.
Par: Mohamed Belhoucine

*«L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits, la canaille des grandes villes qui décident de la défaite d’une révolution et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales.»

*Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956).



Les processus des forces sociales et historiques principales sont constamment mis en lumière et leur modèle théorique explicatif est sans cesse renouvelé et remodelé par les sciences sociales et économiques contemporaines, mais celles-ci restent muettes pour décrire et saisir les éléments de la marginalité sociale dans nos grandes villes, difficilement classables dans notre société.

Friedrich Engels dans, La guerre des paysans en Allemagne, Paris, éditions sociales 1974 p 20 à 37, distingue avec brio dans une fine typologie, les intérêts et le comportement politique de chaque classe. En gros l’une qui correspond aux travailleurs ayant un emploi, à peu près fixé, et qui sont vus avec une certaine sympathie, l’autre qui est aux frontières de la délinquance qu’on appelle populace mais qui seront appelés plus tard par Karl Marx sous un autre vocable dans le Manifeste du Parti communiste (éditions sociales, 1987, p70-71), le lumpenproletariat--- mot « lump » et ses composés « lumperei » (gueuserie) et « lumpengesindel » (canaille)--. Mais l’analyse de Marx va plus loin dans le Capital [Ed. Sociales 1974, p.452-455, théories sur la plus value], fait distinction entre travailleurs productifs et improductifs en poussant l’approfondissement jusqu’au rôle « productif du criminel » dans des pages qui n’ont pas perdu un iota de leur actualité et ajoute « on peut prouver jusque dans le détail l’influence qu’exerce le criminel sur les forces productives. Les serrures auraient-elles jamais atteint leur perfection actuelle s’il n’y avait pas les voleurs ? Dans la fabrication des billets de banques serait-on parvenu au fini atteint de nos jours s’il n’y avait pas de faux-monnayeurs... ? Le crime par les moyens toujours nouveaux qu’il a d’attaqué la propriété fait naitre des moyens toujours nouveaux de la défendre, et du coup son effet sur l’invention des machines est tout aussi productif que les strikes (grèves) ».

Les 05 traits notés par Karl Marx, dans Manuscrits de 1857-1858 (Grundrisse) Paris, Ed. Sociales, 1980, p.214, comme caractéristiques de cette populace sont sa versatilité politique (comportement politique incertain), son instabilité sociale, son comportement en général favorable à la classe dirigeante et son inclinaison à servir les causes réactionnaires, sa propension à la délinquance et sa vénalité (achetable).

D’ailleurs F.Engels dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Ed.sociales 1960, p.123- 135 , décrit d’une part la population des « superflus » , sans travail fixe, réduits à des occupations de fortune (colporteurs, travailleurs occasionnels etc.) et surtout les immigrés irlandais (dénuement, malpropreté, insouciance, brutalité, alcoolisme etc..).

C’est en effet après avoir décrit les phases de développement du prolétariat que Marx, les luttes de classes en France Ed. Sociales 1984 p100-114 en vient aux classes menacées par le développement capitaliste et qui s’opposent à la bourgeoisie, les classes moyennes, le petit industriel, le petit commerçant, le paysan, enfin le lumpenproletariat défini comme « Racaille que l’on trouve aux degrés les plus bas du développement des villes, de la pourriture passive des couches inférieures de la vieille société, les anciens mendiants, vagabonds, filous, gamins et petits voleurs, les soldats licenciés, bandes de brigands capables de toutes les turpitudes, des canailles, des gens sans gagne-pain bien définis et sans domicile fixe, des repris de justice, des galériens en rupture de ban, des pickpockets, des escamoteurs, des chiffonniers, des joueurs, des petits maquereaux, des rémouleurs, des rétameurs, des gens sans aveu et sans feu fixe, des paysans chassés de leur terre, des criminels, des prostituées, piliers d’estaminets, des traineurs.. bref toute cette masse confuse décomposée, flottante… » -- Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx, Ed.sociales 1984 p.130-144.

Sur ce même registre F.Engels accepte ''la perspective d’une alliance avec les éléments de la petite bourgeoisie, avec les diverses catégories paysannes'' , mais exclut fermement toute alliance avec le lumpenproletariat en termes très vifs, dans la révolution démocratique bourgeoise en Allemagne Ed. Sociales 1951 p.16-19 ; je cite « Le lumproletariat , cette lie d’individus corrompus de toutes les classes, qui a son quartier général dans les grandes villes est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est absolument vénale et impudente […] Tout chef ouvrier qui emploie ces vagabonds comme défenseur ou qui s’appuie sur eux prouve qu’il n’est qu’un traitre au mouvement ».

Dans nos villes de l’intérieur de l’Algérie, cette racaille est surclassée (qu’il ne faut pas assimiler) par les paysans sans terre, nos bergers pasteurs, qui ont gardé un fonds considérable de saine nature paysanne et pastorale et sont encore loin d’avoir atteint le degré de vénalité et de dépravation de la racaille des villes du nord du pays.

Marx et Engels par la notion du lumpenproletariat tentent de prendre en considération les comportements historiques, peu favorables dans l’ensemble à la lutte ouvrière organisée. Marx dans sa Contribution à la critique du droit politique Hégélien Pais, ED.SOCIALES 1975, P.211, fait une belle révérence spéculative, « Une classe qui n’est pas une classe, qui est la dissolution de toute les classes, qui est la négation de la société civile parce qu’elle la nie. Cette classe est le prolétariat. Mais on n’a pas relevé que cette détermination peut s’appliquer au lumpenproletariat, de sorte que lumpenproletariat serait le prolétariat du prolétariat. Si en réclamant la négation de la propriété privée le prolétariat ne fait qu’élever en principe de la société ce que la société a posé en principe pour lui ». Explication de texte : Le lumpenproletariat par son illégalisme et sa vénalité élève en principe de la société bourgeoise l’immoralisme dans le domaine économique et financier que celle-ci cache mais dont elle vit.

Le lumpenproletariat ne peut se changer ni s’engager dans un changement de l’état actuel. Si le prolétariat ne peut, je cite Marx « Balayer toute la pourriture du vieux système qui lui colle après et devenir apte à fonder la société sur des bases nouvelles. Que par une révolution, on comprend que le lumpenproletariat qui manque de l’énergie nécessaire pour la révolution ne balayera pas la pourriture du vieux système, car il est cette pourriture. » Marx ajoute, « le lumpenproletariat doit être abandonné à son sort, qu’il est vain de chercher à le réformer, qu’il faut surtout se préserver de sa contamination. ».

Nous constatant de jour en jour, le développement et la prolifération récente de plus en plus nombreuses des couches de sous prolétariat dans nos villes, rebuts de ce système finissant.

Rachid Nekkaz a réussi à nous visionner en grandeur nature sur youtube , l’actualité de cette notion de la racaille des villes, la canaillarchie dont parlait Karl Marx.

C’est dans l’enfer du paupérisme que Nekkaz puise et collecte son électorat.


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