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Niger: La France, l’uranium, les scandales d’Orano et les souffrances des nigériens

Le coup d’État survenu au Niger le 26 juillet dernier ,ayant entraîné la chute du président Mohamed Bazoum, a mis au devant de la scène les contradictions pérennisées par un ordre mondial injuste, ou un pays, disposant de richesses inestimables, vit encore dans une pauvreté manifeste.

En dépit des richesses naturelles , le peuple nigérien continue d’être la victime de cette fatalité néocoloniale, le privant des commodités les plus élémentaires de la vie, comme le manque de l’électricité, de l’eau potable, des salles de soins et d’écoles. La cause, en est ce néocolonialisme imposé par l’ancien colon et ses larbins qui se sont succédés au pouvoir depuis son indépendance en 1960.

Pour expliquer, les raisons à l’origine du renversement du président Mohamed Bazoum, il faut bien revenir au dernier contrat signé par le gouvernement nigérien avec Paris, passant de l’exploration à la recherche. Un contrat qui prive Niamey et son élite inféodée à Paris de 10% des dividendes de l’exploitation des mines du nord du pays.

Le Niger a été le troisième fournisseur d’uranium de la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l’Australie, selon le comité technique Euratom.

Les scandales d’Areva 

Evoquer Areva, actuellement Orano, c’est obligatoirement revenir aux déclarations faites par Marc Eichinger, ancien agent de renseignement français qui a travaillé sept années au Niger de janvier 2013 à janvier 2020. Depuis plusieurs années, cet ancien spécialiste de la finance se bat pour révéler ces pratiques souvent liées à la Françafrique, et avait pointé les derniers agissements du groupe français Orano (anciennement AREVA) dans le pays, notamment dans son livre « L’homme qui en savait beaucoup trop », sorti en 2020.

Entre 2007 et 2009, l’entreprise française Areva mène une série d’opérations douteuses. Elle achète Uramin, une société détenant trois licences minières en Centre Afrique, Namibie et Afrique du Sud, censées être des gisements de classe mondiale. En réalité, ces actifs sont inexploitables, et donc sans valeur, affirme Marc Eichinger. De plus, les fondateurs d’Uramin sont liés à des affaires de criminalité financière. L’un des fondateurs était même sous mandat d’arrêt émis par la Corée du Sud au moment de l’opération.

En 2009, Areva, en proie à des problèmes financiers, acquiert la licence d’Imouraren, pourtant considérée sans intérêt, et l’annonce comme un actif de classe mondiale, valorisé à 1,3 milliard, bien qu’aucun uranium n’en ait été extrait. Une expertise indépendante commandée par EDF en 2012 confirme que le site est inexploitable. Malgré cela, l’inauguration de la mine est célébrée en grande pompe, avec des promesses de production de 5 000 tonnes d’uranium par an. « Même si les manipulations comptables autour de cette « mine » ont été signalées au parquet national financier dès 2014, la manœuvre permet de tromper les investisseurs et de procéder à des augmentations de capital », souligne Marc Eichinger.

Areva fait finalement faillite, et ses actifs sont transformés en une nouvelle société, Orano, avec une filiale, Orano Mining qui gère Imouraren. L’ancien agent assure que, dans le processus de transformation de l’entreprise, la mine est valorisée 1,5 milliard d’euros, un gisement énorme au niveau mondial.

Les réserves probables d’Imouraren sont alors présentées comme des réserves prouvées, augmentant ainsi la valorisation de la société. Mais un nouveau rebondissement survient en mai dernier : le gouvernement nigérien, insatisfait de l’inaction sur le site d’Imouraren depuis 2009, demande la restitution de la licence d’exploitation du site. Redoutant de perdre cet actif aussi précieux qu’opaque, Orano Mining propose alors de mener des nouvelles recherches sur le site jusqu’en 2028, moyennant un dédommagement de 85 millions d’euros afin de garder Imouraren dans son giron. Or, cette mesure est en conflit avec le Code minier nigérien qui prévoit une durée de contrat de recherche de trois ans, dénonce Marc Eichinger. De plus, le contrat d’abandon signé le 4 mai inclut l’abandon d’une créance d’un milliard d’euros, soulevant des questions sur la provision et l’état des fonds propres d’Orano Mining qui se monte à 330 MEUR en 2022. Des changements rapides au sein de la présidence d’Orano Mining et la démission d’un des auditeurs sans remplacement ajoutent également à la confusion.

Pour Marc Eichinger, l’affaire d’Imouraren pose « de nombreuses interrogations sur la manipulation comptable et la gestion d’actifs non existants », impliquant « plusieurs acteurs de haut niveau », alors que le Niger est rongé par la pauvreté et la kleptocratie, et que ses ressources sont limitées, notamment avec la fin de l’exploitation de l’uranium.

 « Lorsque dans dix ans, elle aura atteint 35 millions d’habitants. Il n’y aura, alors, plus d’uranium et de pétrole », assure Marc Eichinger. « Il est donc essentiel, pour la communauté internationale, que le Niger ne soit plus victime de kleptocrates. Il faut trancher la tête du serpent de la corruption et tout ce qui permet de détourner les fonds, autrement, ça n’est pas viable. Ça me fait rire quand j’entends qu’on va couper l’aide internationale, alors qu’elle est bien souvent détournée au bout de quelques mois », explique-t-il.

Pour Marc Eichinger, le coup d’État au Niger peut être une opportunité de combattre le crime organisé qui se cache derrière la Françafrique et de remonter à l’origine des sommes détournées et des réseaux qui ont permis de les blanchir, « notamment si la police et la justice française interviennent à Niamey ». « Idéalement, une collaboration avec la justice internationale, et surtout le FBI, pourrait aider la junte au pouvoir à démanteler les circuits d’évasion et de blanchiment, et les affaires de fraude. Cela pourrait permettre de récupérer des sommes considérables, et d’offrir une chance de redressement au pays. »

Le scandale de la radioactivité

Une vidéo diffusée il y a quelques temps démontre , les conditions du travail des employés nigériens des mines exploitées par Orano, ainsi que les effets de la radioactivité de l’environnement, plus préjudiciable que celui de la catastrophe de Tchernobyl, nous rappelant les effets encore d’actualité des essais nucléaires français dans le Sahara algérien.

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