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Victor Hugo : le Bernard-Henri Lévy du XIXème siècle

Par Khider Mesloub

Le XIXème a succombé à l’Hugolâtrie comme notre époque aura sombré dans la Lévytrie, par l’abêtissement de la littérature et l’embellissement du bellicisme, c’est-à-dire l’apologie de la guerre. En effet, Bernard-Henri Lévy, cet intellectuel affairiste, symbolise la décadence de la République des lettres et des têtes pensantes, et l’enjolivement des entreprises guerrières.

Bernard-Henri Lévy, l’écrivain-entrepreneur à la fortune estimée à 215 millions d’euros,  peut être qualifié de « criminel intellectuel de guerre ». Car il aura contribué à déclencher et à encenser toutes les dernières interventions impérialistes menées par le camp atlantiste dans le monde, exhibées comme des « missions civilisatrices » conduites pour instaurer la démocratie. En tout cas, par ses entreprises belliqueuses il a enrichi les industriels de l’armement et du pétrole, mais également son compte bancaire. Selon plusieurs sources, au moment où des milliards de travailleurs perdaient jusqu’à 20% de leurs revenus du fait de l’hyperinflation spéculative orchestrée par ses frères de fortune, Bernard-Henri Lévy (souvent désigné par ses initiales BHL) aurait amassé entre les mois d’avril 2022 et avril 2023 la prodigieuse somme de 75 millions d’euros, sonnants et trébuchants. Une hausse de 40 millions par rapport à l’année précédente.

Depuis plus quarante ans, cet activiste atlantiste aura été derrière (et non sur) tous les fronts de guerre qu’il a contribué à déclencher, à attiser, à pérenniser. Toujours accoutré de son uniforme de salon, sa légendaire chemise blanche déboutonnée, le sémillant et sioniste globe-trotter, le boutefeu Bernard-Henri Lévy, s’active sur tous les terrains de conflit depuis les rédactions de la presse ou plateaux télé, ses QG médiatiques. Comme l’avait déclaré un célèbre journaliste français, Bernard-Henri Lévy « est son propre média ». « Lorsqu’il se déplace, comme en Ukraine, il se débrouille pour que ça soit filmé, pour que ça soit enregistré. Parce qu’il en tirera peut-être un livre par la suite, peut-être un film. » Tous ses voyages touristiques de guerre constituent une opportunité pour BHL, l’occasion de produire plusieurs œuvres, cinématographique et littéraire. Son dernier film, « Slava Ukraini », financé une fois de plus par l’argent public, malgré sa colossale fortune personnelle estimée à 215 millions d’euros, a dû être retiré des salles de cinéma au bout seulement de trois semaines pour cause d’échec total : un maigre score de 2910 entrées.

Ce philosophe, censé par vocation enseigner la sagesse et prôner la paix, exhibe au contraire en tête de son blog, bien mise en exergue, cette cynique citation martiale digne d’un psychopathe : « l’art de la philosophie ne vaut que s’il est un art de la guerre ». Hitler aurait pu en faire son slogan. Mieux : l’inscrire sur tous les frontons des écoles et casernes.

De manière prémonitoire, dès la publication de son premier essai il dévoile par le titre de son livre sa véritable personnalité foncièrement belliciste : « La Barbarie à visage humain ». BHL est le prototype du Barbare à visage démocratique. De même, par le titre de son roman « Le Diable en tête », BHL dévoile sa tête de Diable.

Au final, depuis quatre décennies, au lieu d’enseigner la philosophie, BHL aura incité les gouvernants comme les peuples à faire la guerre.  Depuis quarante ans,

ce faiseur d’opinion et de guerre aura été sur tous les fronts des conflits militaires, placé aux commandes depuis son QG des beaux quartiers de Paris ou de Marrakech, où, téméraire, il ne craint pas de se faire mitrailler par les photographes toujours placés volontairement en embuscade pour l’immortaliser. Bien au contraire.

Outre qu’il est attaché à sa personne qu’il cultive avec narcissisme et mégalomanie, BHL, ce natif d’Algérie, est surtout viscéralement attaché au sionisme et à Israël. De là s’explique probablement son amour de la guerre, des expéditions militaires, des massacres de masse, des occupations coloniales, fondements constitutifs de l’État d’Israël toujours sur le pied de guerre.

Selon Le Figaro daté du 20 novembre 2011, Bernard-Henri Lévy avait déclaré que « c’est en tant que juif » qu’il avait « participé à l’aventure politique en Libye », lors de la première Convention nationale organisée par le Conseil représentatif des organisations juives de France (CRIF). « J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël », avait-il ajouté. Du reste, l’entité sioniste, pour le récompenser pour « plus de 40 ans de contribution influente au peuple juif et à sa nation », lui avait décerné le 16 mai 2017 le titre de docteur Honoris Causa délivré par l’université Bar Ilan.

L’année dernière, curieusement, dès le mois de janvier 2022, bien avant l’intervention de la Russie en Ukraine, lors d’une interview sur la chaîne américaine Fox News, Bernard-Henri Lévy avait préparé le monde occidental à devoir accepter la nouvelle donne géopolitique guerrière en affirmant « si nous voulons la paix, nous devons accepter la guerre froide ». Cette déclaration, dans le prolongement de ses précédentes positions lors des conflits en Géorgie, Afghanistan, Serbie ou en Libye, vient rappeler la personnalité foncièrement belliciste de cet « écrivain » multimillionnaire, toujours en quête d’un pays pour le transformer en champ de bataille, c’est-à-dire en champ de ruines. Par l’interposition de l’Ukraine, ce va-t-en-guerre a trouvé un nouveau terrain de bataille belliciste contre la Russie.

Paradoxalement, Bernard-Henri Lévy rappelle par bien des traits de caractère Victor Hugo. Tout comme le multimillionnaire BHL, l’auteur des « Misérables » « pour rien au monde, ne retarderait de vingt-quatre heures l’encaissement de ses rentes et de ses créances ». Tout comme BHL, « Hugo a été un ami de l’ordre : il n’a jamais conspiré contre aucun gouvernement. » Tout comme BHL, Victor Hugo était un partisan des « interventions militaires civilisatrices » tous azimuts, en particulier en Afrique. Un fervent partisan et artisan intellectuel du colonialisme.

En effet, l’auteur des « Misérables » était bien un homme du siècle du colonialisme, colonialisme qu’il a encensé par ses odes dithyrambiques et son discours guerrier mémorable prononcé en 1879.

L’écrivain, né en 1802 et mort en 1885, est contemporain de toutes les aventures coloniales de la France. Victor Hugo a partagé la vision de la « mission civilisatrice » répandue par les successifs régimes politiques de France. Il voyait dans l’Afrique un univers barbare auquel la France se devait d’apporter la civilisation. Comme le montre son discours tenu en 1879, connu sous le nom de « discours sur l’Afrique ».

Victor Hugo est cet écrivain qui a déclaré que le Blanc a fait du Noir un homme (de même, il devait penser la même chose de l’Arabe algérien : « la France a fait de l’Algérien un homme civilisé »). Victor Hugo croyait en la mission civilisatrice de Sa nation, de l’homme Blanc. Outre d’avoir été un partisan du colonialisme, Victor Hugo, fidèle à la classe bourgeoise triomphante du XIXème siècle, se complaisait à narrer et décrire la misère ouvrière. Une misère ouvrière qu’il lui servait de muse, voire d’amuse-gueule pour alimenter son imagination féconde, nourrir son appétence poétique. Une chose est sûre, si Sire Victor Hugo aimait conter les aventures du peuple misérable, il se gardait bien de se mêler à cette masse populaire. À l’instar de BHL qui fomente, orchestre et attise des guerres sans jamais y participer directement aux batailles, pour en tirer des œuvres cinématographiques et livresques lucratives, Victor Hugo magnifiait la misère populaire pour sa dimension épique afin d’en tirer des œuvres littéraires pécuniairement enrichissantes.

Contrairement à la légende, Victor Hugo n’a jamais été un révolutionnaire, encore moins un socialiste. La misère du peuple lui inspirait certes des envolées lyriques mais jamais des révoltes colériques. Des pages fulgurantes mais jamais des rages fulminantes. Une poésie inventive mais jamais une prose subversive. Il ne prônait pas l’abolition de la misère, mais l’anoblissement littéraire de la misère. Il a réussi le tour de farce à rendre la misère romantique. Littéralement captivante. Victor Hugo avait le style d’accorder à la misère ses lettres de noblesse. Mais n’avait aucunement le projet politique de rendre à ceux qui la subissent leur dignité, en prônant ouvertement l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme. Certes il était contre la peine de mort mais non contre la mort des peines sociales endurées par le peuple.

Quoiqu’il fût l’apôtre du libéralisme, il fut certes parmi les premiers écrivains à soulever la question sociale, mais assurément pas pour appeler le prolétariat à se soulever contre les capitalistes, encore moins contre l’ordre établi. Certes, Victor Hugo, longtemps d’obédience royaliste, se convertit tardivement au culte républicain. Mais un républicanisme très droitier, anti-prolétarien. Antisocialiste. Pour lui, la République doit revêtir les couleurs du capitalisme conquérant et de l’ordre intransigeant. L’auteur des « Misérables » prônait le respect de l’Ordre. Et surtout de la Propriété privée. C’était un partisan des inégalités sociales. Comme l’écrit Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, dans son opuscule La légende de Victor Hugo : « L’égalité civile, qui conserve aux Rothschild leurs millions et leurs parcs, et aux pauvres leurs haillons et leurs poux, est la seule égalité que connaisse Hugo ». Victor l’hugoïste égoïste était un idéaliste. Alors « que l’on se nourrit de pain et de viande, Hugo se repaît d’humanité et de fraternité », écrit Paul Lafargue.

Quand la République bourgeoise est renversée par Napoléon III en 1851, Victor Hugo s’exile avec sa fortune en Angleterre. Il ne revient en France qu’en 1870.

Pour preuve de sa fidélité à la bourgeoisie, il a soutenu toutes ses expéditions colonialistes. Son soutien ne s’est jamais démenti.

C’est ainsi que le 18 mai 1879, alors âgé de 77 ans, lors d’un banquet en l’honneur de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage, Victor Hugo, à la suite de Victor Schœlcher, prononce un discours apologétique glorifiant le colonialisme. Ce dernier entame son allocution par ces mots : « La cause des Nègres que nous soutenons, et envers lesquels les nations chrétiennes ont tant à se reprocher, devait avoir votre sympathie ; nous vous sommes reconnaissants de l’attester par votre présence au milieu de nous. Cher Victor Hugo (…), quand vous parlez, votre voix retentit par le monde entier ; de cette étroite enceinte où nous sommes enfermés, elle pénètrera jusqu’au cœur de l’Afrique, sur les routes qu’y fraient incessamment d’intrépides voyageurs, pour porter la lumière à des populations encore dans l’enfance, et leur enseigner la liberté, l’horreur de l’esclavage, avec la conscience réveillée de la dignité humaine ».

Victor Hugo félicite Schœlcher dans une rhétorique colonialiste partagée alors par l’ensemble de la population française : « Le vrai président d’une réunion comme celle-ci, un jour comme celui-ci, ce serait l’homme qui a eu l’immense honneur de prendre la parole au nom de la race humaine blanche pour dire à la race humaine noire : « Tu es libre. » Cet homme, vous le nommez tous, messieurs, c’est Schœlcher ».

Après avoir remercié Schœlcher, l’auteur des « Misérables », dans toute sa magnificence éloquente, entame son célèbre discours colonialiste : « La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer. Le flamboiement tropical, en effet, c’est l’Afrique. Il semble que voir l’Afrique, ce soit être aveuglé. Un excès de soleil est un excès de nuit. Eh bien, cet effroi va disparaître. Comment ? Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique ; la France la tient par l’ouest et par le nord ; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie ; déserte, c’est la sauvagerie ; mais elle ne se dérobe plus ; les lieux réputés inhabitables sont des climats possibles ; on trouve partout des fleuves navigables ; des forêts se dressent, de vastes branchages encombrent çà et là l’horizon.  Quelle sera l’attitude de la civilisation devant cette faune et cette flore inconnues ? Au XIXe siècle, le Blanc a fait du Noir un homme ; au XXe siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra. Des lacs sont aperçus, qui sait ? Peut-être cette mer Nagaïn dont parle la Bible. De gigantesques appareils hydrauliques sont préparés par la nature et attendent l’homme ; on voit les points où germeront des villes ; on devine les communications ; des chaînes de montagnes se dessinent ; des cols, des passages, des détroits sont praticables ; cet univers, qui effrayait les Romains, attire les Français ».

Victor Hugo, présenté comme l’écrivain humaniste partisan du progrès et de l’universalisme, parachève son discours par cette ode capitalistique au colonialisme : « Allez, Peuples ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-la. À qui ? À personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité (applaudissements prolongés). Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez ; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté ! ».

Six ans plus tard, le 22 mai 1885, Victor Hugo, « le plus illustre représentant de la conscience humaine », rendait l’âme. Le 1 juin 1885 le Tout Paris célébrait les plus magnifiques funérailles du siècle du colonialisme : il enterrait en grande pompe Victor Hugo, « le génie en qui vivait l’idée humaine ». Galvanisés par une propagande médiatique inédite pour l’époque, trois cent mille personnes arpentèrent les rues de Paris derrière le char du génie de la littérature emportant l’écrivain au Panthéon, sans compter les centaines de milliers amassés sur les trottoirs pour rendre un dernier hommage à la dépouille de l’astre littéraire.

L’enterrement du « plus grand poète du siècle » a ressuscité le commerce. « Il faudrait qu’il meure toutes les semaines un Victor Hugo pour faire aller le commerce ! », notait un journal. Cela correspond à l’esprit mercantile du poète.

Contrairement à la légende, comme on l’a souligné plus haut, Victor Hugo ne fut jamais un révolutionnaire, qui plus est ennemi de la bourgeoisie. Certes, Victor Hugo passa du royalisme et catholicisme réactionnaire au parti républicain. Mais il demeura toujours un bourgeois qui savait fructifier son argent, négociait ses contrats d’édition.

Comme l’écrit Paul Lafargue : nombreux sont ceux qui « s’imaginèrent que l’écrivain, qui venait de trépasser, était un de ces prolétaires de la plume, qui louent à la semaine et à l’année leurs cervelles aux Hachette de l’éditorat et aux Villemessant de la presse. Mais si on leur avait appris que le mort avait son compte chez Rothschild, qu’il était le plus fort actionnaire de la Banque belge, qu’en homme prévoyant, il avait placé ses fonds hors de France, où l’on fait des révolutions et où l’on parle de brûler le Grand livre, et qu’il ne se départit de sa prudence et n’acheta de l’emprunt de cinq milliards pour la libération de sa patrie, que parce que le placement était à six pour cent ; si on leur avait fait entendre que le poète avait amassé cinq millions en vendant des phrases et des mots, qu’il avait été un habile commerçant de lettres, un maître dans l’art de débattre et de dresser un contrat à son avantage, qu’il s’était enrichi en ruinant ses éditeurs, ce qui ne s’était jamais vu ; si on avait ainsi énuméré les titres du mort, certes les honorables représentants de la Cité de Londres, ce cœur commercial des deux mondes, n’auraient pas marchandé leur adhésion à l’importante cérémonie ; ils auraient, au contraire, tenu à honorer le millionnaire qui sut allier la poésie au doit et avoir. La bourgeoisie de France, mieux renseignée, voyait dans Victor Hugo une des plus parfaites et des plus brillantes personnifications de ses instincts, de ses passions et de ses pensées. »

Victor Hugo, en opportuniste et homme d’affaires avisé, a toujours été un courtisan sachant vendre sa plume aux royalistes contre des royalties. La preuve : des années durant, il a bénéficié d’une généreuse pension royale. De même, son art n’était pas désintéressé. Il n’écrivait pas pour la gloire littéraire ou poétique mais pour s’enrichir. Victor Hugo n’était pas un adepte de « l’art pour l’art », mais partisan des gratifications pécuniaires royales.

Une chose est sûre, comme le notait Paul Lafargue, Victor Hugo, dépourvu de convictions politiques affirmées, fut, au gré des vicissitudes de l’histoire et des bouleversements gouvernementaux, tour-à-tour bonapartiste, légitimiste, orléaniste, républicain. Car il poursuivait un seul dessein : son intérêt personnel. « Toujours il resta hugoïste, ce qui est pire qu’égoïste ». Ce trait de caractère égoïste s’affirme dès sa jeunesse. Dans la préface d’un de ses livres de jeunesse, il avait pris pour devise : « Être de tous les partis par leurs côtés généreux, (c’est-à-dire qui rapportent) ; n’être d’aucun par leurs mauvais côtés (c’est-à-dire qui occasionnent des pertes) ».

En homme d’affaires avisé profitant de toutes les opportunités politiques et bouleversements gouvernementaux, en 1848, Victor Hugo, quand les réactionnaires se sont ralliés à la république, n’a pas hésité a troqué sa redingote royaliste contre le costume républicain. « Je suis prêt à dévouer ma vie pour établir la République qui multipliera les chemins de fer… décuplera la valeur du sol… dissoudra l’émeute… fera de l’ordre, la loi des citoyens… grandira la France, conquerra le monde, sera en un mot le majestueux embrassement du genre humain sous le regard de Dieu satisfait », avait déclaré dans sa profession de foi aux électeurs.

Comme l’écrit Paul Lafargue : « Victor Hugo était (en 1848) de ceux qui fermaient les ateliers nationaux, qui jetaient les ouvriers dans la rue, pour noyer dans le sang les idées sociales, qui mitraillaient et déportaient les insurgés de juin, qui votaient les poursuites contre les députés soupçonnés de socialisme, qui soutenaient le prince Napoléon, qui voulaient un pouvoir fort pour contenir les masses, terroriser les socialistes, rassurer les bourgeois et protéger la famille, la religion, la propriété menacées par les communistes, ces barbares de la civilisation. »

L’auteur des « Misérables », encensé comme le chantre de l’humanité défenseur du peuple, écrit dans un périodique cette diatribe anti-ouvrière que ne renierait pas Macron : « Hier, au sortir de la plus douloureuse corruption, ce qui se déchaîna, ce fut la cupidité ; ceux qui avaient été les pauvres n’eurent qu’une idée, dépouiller les riches. On ne demanda plus la vie, on demanda la bourse. La propriété fut traitée de vol ; l’État fut sommé de nourrir à grands frais la fainéantise ; le premier soin des gouvernants fut de distribuer, non le pouvoir du roi, mais les millions de la liste civile, et de parler au peuple non de l’intelligence et de la pensée mais de la nourriture et du ventre… Oui, nous sommes arrivés à ce point que tous les honnêtes gens, le cœur navré et le front pâle, en sont réduits à admettre les conseils de guerre en permanence, les transportations lointaines, les clubs fermés, les journaux suspendus et la mise en accusation des représentants du peuple. » Autrement dit, il dénonce la redistribution des richesses aux pauvres et approuve l’instauration de la dictature.

Comme le souligne Paul Lafargue, Victor Hugo fut, toute sa vie, condamné à dire et à écrire le contraire de ce qu’il pensait et ressentait. « En exil, pour plaire à son entourage, il pérora sur la liberté de la presse, de la parole et bien d’autres libertés encore ; cependant il ne détestait rien plus que cette liberté, qui permet « aux démagogues forcenés, de semer dans l´âme du peuple des rêves insensés, des théories perfides… et des idées de révolte. »

« Le libertaire Hugo n’était pas homme à hésiter devant l’amputation de toute liberté qui inquiète la classe possédante et trouble les cours de la bourse ».

Déjà au XIXème siècle l’hypocrisie de l’intelligentsia française était à l’œuvre, avec sa défense de la liberté d’expression à géométrie variable.

Victor Hugo fut le BHL du XIXème siècle. Certes Hugo avait, au plan littéraire, plus de style que BHL. Mais tous les deux appartiennent à la même classe bourgeoise française exploiteuse, colonialiste, impérialiste, militariste, belliciste, raciste, xénophobe, ségrégationniste, sioniste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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