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Les Accords d’Oslo – 1993: l’imposture israélienne (1 ère partie)

Par: Mohamed Taleb

L’impulsion majeure qui a mené aux accords d’Oslo a bien été donnée par la premièreIntifada en 1987, pure expression du peuple palestinien. La voix des Palestiniens a été entendue de par le monde entier. La direction de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) se trouve à Tunis, contrainte à l’exil à la suite des massacres de Sabra et Chatila en 1982 à la périphérie de Beyrouth, massacres perpétrés par les hordes phalangistes libanaises et parrainés par le général Ariel Sharon, allias le « Boucher de Beyrouth». Le quartier général de l’OLP à Tunis, une organisation déjà affaiblie de par l’éloignement du peuple qu’elle représente, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, fut, dans le cadre de l’opération1 «Jambe de bois», bombardé le 1er octobre 1985 par des avions israéliens, une attaque où sont dénombrés plus de 68 morts et une centaine de blessés.

La désagrégation de l’Union soviétique en 1989 a permis aux États-Unis d’assoir leur suprématie dans un monde désormais unipolaire et leur mainmise sur une configuration géopolitique exempte de tout pôle antagoniste. L’effondrement du bloc soviétique a eu comme corollaire, dans le contexte local, l’afflux considérable, de près de un million d’émigrés juifs vers la Palestine (à installer dans les colonies en Cisjordanie). Cette nouvelle Aliya, la plus importante et dont l’absorption nécessitait un apport financier de 10 milliards de dollars, que seuls les États-Unis étaient en mesure d’assurer dans l’immédiat constitue la deuxième raison qui a contraint, sous pression américaine, les dirigeants sionistes à accepter de s’assoir à la table des négociations mais sans plus. Négociations pour soi-disant mettre en pratique les directives de la Résolution 242 de 1967 du Conseil de Sécurité de l’ONU, soit la réalisation de la solution à deux États.

Au lendemain de l’historique poignée de main, le 13 septembre 1993, entre le président de l’OLP, Yasser Arafat, jusqu’à présent honni et banni par le duo américanoisraélien, et le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, sous l’œil paternaliste et visiblement satisfait du président et maitre de cérémonie, Bill Clinton, qui avait fait le tour de la planète, le monde entier avait salué ce geste de réconciliation qui clôturait un «conflit» qui durait «officiellement» depuis 40 ans.

1 – Voir Link : 1985: le bombardement du siège de l’OLP à Tunis (francetvinfo.fr)

L’intellectuel palestinien (autrefois membre de l’OLP), Edward Said2, décrit d’une autre manière cet évènement au retentissement mondial «… Les vulgarités du défilé de mode de la cérémonie à la Maison-Blanche, le spectacle dégradant de Yasser Arafat remerciant tout le monde pour la privation de la plupart des droits de son peuple et la stupide apparition de Bill Clinton en empereur romain du XXe siècle, pilotant ses deux rois vassaux à travers les rituels de la réconciliation et de l’obéissance : tout cela n’a obnubilé que temporairement les proportions vraiment incroyables de la capitulation palestinienne ». Décrivant l’accord comme « un instrument de la reddition palestinienne, un Versailles palestinien, » Edward Saïd notait que l’OLP deviendrait l’ « homme de main d’Israël », aidant Israël à approfondir sa domination économique et politique des territoires palestiniens et consolidant un « état de dépendance permanente ».

La Guerre d’usure entre 1967 et 1969, les évènements de septembre 1970 en Jordanie (Septembre Noir), la Guerre de Kippour de 1973, les négociations de paix entre l’Égypte et Israël, les Accords de Camp David de 1978, la Guerre du Liban vont mettre en veilleuse le Plan Allon pendant que d’autres évènements, le Plan Reagan de 1982, le Plan arabe de Fès de 1982 mais la Guerre du Golfe de 1991 et essentiellement l’Intifada palestinienne de 1987 à 1993, vont remettre sur scène le problème central du Moyen-Orient: LA PALESTINE.

2 – Edward Saïd (Né à Jérusalem en 1935- décédé à New-York en 2003) – Universitaire, théoricien littéraire, critique palestinoaméricain. Membre de l’OLP au début. Il a créé avec le chef-d’orchestre juif-argentin, Daniel Barenboïm, « l’Orchestre du Divan occidental-oriental.

Voir Link : Oslo: le jour d’après | Arrêt sur Info (arretsurinfo.ch)

Les étapes et évènements « propédeutiques » aux Accords d’Oslo :

– Le Plan Yigal Allon de 1967: réactivé à Oslo en 1993

Après la guerre de 1967, Israël se retrouve avec un territoire cinq fois plus vaste que celui d’avant qui comptait quelques 21.000 km². Le Sinaï, la Cisjordanie, la Bande de Gaza, et les hauteurs du Golan sont des territoires nouveaux qui, après occupation et/ou annexion, doivent être d’une manière ou d’une autre administrés. Le Sinaï et le Golan sont des régions peuhabitées et ne représentent pas, pour le pouvoir sioniste, de danger ou de menace au caractère juif de l’État d’Israël, à l’inverse de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza où ce sont des Palestiniens qui y habitent. Les territoires occupés sont par ailleurs, dans le cas du Sinaï surtout, susceptibles d’être restitués dans le cadre d’accords ou de traités avec l’Égypte. Israël a d’autre part toujours refusé, avant la Guerre des Six jours, de reconnaitre la «souveraineté» de la Jordanie sur la Cisjordanie ou celle de l’Égypte sur la Bande de Gaza.

La centralité de la question démographique et de la judéité a toujours été présente dans la vision politique sioniste et dont l’objectif premier est d’exclure la population palestinienne.

Le Plan Allon est une vision qui se veut une réponse à cette problématique. Conçu par le général et homme politique de la gauche travailliste Yigal Allon, au mois de juillet 1967, le plan prévoit, dans une première version –« option jordanienne », la mise sous tutelle administrative jordanienne de la région la plus peuplée en Cisjordanie par les Palestiniens (voir zone en marron clair sur la carte de gauche), et d’annexer, en vue de créer une zone tampon pour sa sécurité, de la partie orientale de la Cisjordanie allant jusqu’au Jourdain et la Mer Morte ainsi que Jérusalem-Est. La liaison avec la Jordanie se faisait à travers un couloir qui englobait la région de Jéricho. Ces territoires demeuraient cependant entièrement sous souveraineté israélienne, une forme de contrat de sous-traitance que le Roi Hussein de Jordanie a rejeté catégoriquement nonobstant ses collusions avec le pouvoir sioniste.

Une deuxième version du Plan Allon, l’ »option palestinienne », qui avait exactement les mêmes caractéristiques territoriales de la première version, prévoyait une tutelle administrative octroyée directement aux Palestiniens. Une annexion de ces territoires aurait fait des Palestiniens des citoyens israéliens et aurait pour conséquence non seulement un bouleversement immédiat de l’orientation démographique juive de la population mais une menace existentielle pour l’État d’Israël. Jérusalem-Est, exclue de cette initiative, est d’emblée annexée pour des motifs idéologiques et religieux. L’exception à la règle pour ce qui est de la question démographique, intégrer les Palestiniens de Jérusalem-Est dans l’opération d’annexion dans un premier temps et penser à les expulser dans une phase ultérieure.

Ainsi l’« option jordanienne » que l’ « option binationale » est exclue par la majorité du gouvernement israélien. L’« option palestinienne » du Plan Allon, une mixture entre un plan de colonisation et une annexion de la Cisjordanie, est privilégiée. L’annexion globale voulue par la droite sioniste est rejetée par les travaillistes. À ce sujet, Gilbert Achcar suggère qu’il ne s’agit pas de positions entre faucons et colombes mais bien de points de vue entre vautours et faucons.

Il y a toujours eu, comme mentionné plus haut, des contacts étroits entre Israël et la monarchie jordanienne.

– Conférence de Madrid – 1991

Dans le sillage du succès de la coalition internationale sous commandement américain durant la Guerre du Golfe du début de l’année 1991 et de la «victoire du monde occidental» sur le Bloc communiste soviétique, le président US Georges Bush inaugure une nouvelle phase (la préparation de la Conférence démarre au mois de mars 1991), orientée tout d’abord sur les Page 5 sur 14 intérêts pétroliers US au Proche-Orient et caractérisée par la concertation diplomatique pour ce qui est de trouver des solutions aux problèmes du Proche-Orient et d’œuvrer pour une normalisation des relations entre Israël et les États arabes, la Jordanie, la Syrie et le Liban.

Le Ministre d’État James Baker entame des pourparlers avec les parties concernées tout en écartant au préalable l’OLP, en raison de son soutien à Saddam Hussein. Les Palestiniens qui y sont représentés sont issus des Territoires occupés et font partie d’une délégation mixte jordano palestinienne.

La conférence s’ouvre le 30 octobre 1991 à Madrid avec le discours du Premier ministre espagnol Felipe Gonzales. Il sera suivi par celui de Georges Bush. La présence du président soviétique Michael Gorbatchev est plutôt symbolique et ne va pas au-delà d’une déclaration de principe portant sur le respect des droits palestiniens. Les États-Unis sont les maitres de la situation devant la faiblesse de la Russie et imposent à l’allié et Premier ministre israélien, le réticent Itzhak Shamir, d’assister à la Conférence sous peine de sanctions financières.

Le discours3 de Itzhak Shamir au début de la Conférence nous éclaire sur les positions qui seront assumées lors des pourparlers et nous reproduit les stéréotypes les plus saillants de l’idéologie sioniste:

– Seul peuple (les Juifs) à vivre en Terre d’Israël depuis près de 4.000 ans. Seul peuple avec Jérusalem comme capitale et les lieux sacrés en terre d’Israël.

– Expulsion à la base de l’exode massif de quelque 800 000 Juifs des terres qu’ils habitaient avant la montée de l’Islam (mythe de l’exil).

– Une nation de 4 millions d’habitants entourée de nations arabes, de l’Atlantique au Golfe, au nombre de 170 millions. Un pays de 28 000 kilomètres carrés devant une nation arabe qui possède un territoire de 14 millions de kilomètres carrés (le mythe de David et Goliath).

– Des centaines de milliers d’Arabes qui vivaient en Palestine mandataire ont été encouragés par leurs propres dirigeants à fuir leurs foyers.

– Depuis le début du sionisme, formulation de la part d’Israël de propositions et plans de paix, rejetés par les États arabes sauf par l’Égypte de Anouar Sadate.

– Le bilatéralisme comme stratégie de négociation.

– Non reconnaissance de l’OLP

– Pas d’État palestinien

Le contenu et la teneur des propos du discours de Shamir sont présents également chez Yitzhak Rabin qui sera élu en 1992 comme nouveau Premier ministre israélien. À la seule

3 – Voir Link : https://www.monbalagan.com/29-israel-palestine/sources-israel/1790-1991-31-octobre-discours-du-premierministre-shamir-a-la-conference-de-…

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différence que Rabin s’emploiera à (ré)-intégrer l’OLP, principalement en raison de sa faiblesse et en vue d’une nouvelle éventuelle division entre Palestiniens de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Aux États-Unis, le président Bill Clinton succèdera, également à partir de 1992, à Georges Bush.

Toute une série de rencontres entre 1991 et 1993 auront lieu à Paris, au Caire, Moscou etc., de manière bilatérale et multilatérale concernant les questions des réfugiés, de l’eau, de l’économie etc., sans donner de résultats probants. La Conférence de Madrid n’avait cependant pas de pouvoir de décision mais celui de lancer un processus de paix.

Durant cette période les colonies de peuplement israéliennes se poursuivent en Cisjordanie auxquelles on doit ajouter les représailles, l’humiliation etc.

 

 

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