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Ahmed Bensaada et les « dommages collatéraux »: Les songes d'une nuit d'automne d'Omar Zelig-Chaulet - Algerie 54

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Ahmed Bensaada et les « dommages collatéraux »: Les songes d’une nuit d’automne d’Omar Zelig-Chaulet


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Par Abdellali Merdaci

 Le dénommé Omar Zelig, nom de guerre de Luc Chaulet, époux de la journaliste Ghania Mouffok, aux identités nationales imperceptibles (Algériens, Français ou Franco-algériens ?), tous deux embusqués dans le fatras des réseaux sociaux, vient d’ajouter sa danse joyeuse sur le cadavre encore fumant du professeur Ammar Belhimer, relevé de ses fonctions de ministre de la Communication par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune. Zelig-Chaulet appelle, de son maquis – enfumé – la même disgrâce présidentielle pour l’éminent universitaire, écrivain et publiciste Ahmed Bensaada, le journal en ligne « La Patrie News » et les « autres consternations du boulevard des Martyrs », traités de « dommages collatéraux » dans un post fulminant.

  Post d’Omar Zelig incriminant des « dommages collatéraux »

 Il est vrai que l’œuvre critique de Bensaada secoue les marécages méphitiques d’une opposition strictement boboïste, plus justiciable du « demi-pression » dans les brasseries germanopratines et d’une militance protégée dans les gargotes dorés d’Alger, que des dédales d’une lointaine politique algérienne. Les motifs du vif ressentiment de Luc Chaulet et de Ghania Mouffok envers Bensaada sont certainement connus et entendus dans le cercle de leurs amis, notamment ceux d’Alger, depuis longtemps poussés dans le mouvement du néo-hirak et dans une campagne  épouvantable contre le pouvoir de M. Tebboune et l’unité de la nation algérienne aux côtés des islamistes de Rachad et des séparatistes du MAK.

 En vérité, Ahmed Bensaada dérange beaucoup de convictions délétères. Il a toujours préservé une vision largement documentée des événements politiques qui façonnent nos sociétés du Maghreb et du Moyen Orient. Il avait ainsi tenté d’expliquer, en interrogeant le contexte politique international, les « révolutions arabes » qui marquèrent leur auréole printanière. Il ne croyait pas à leur spontanéité et le faisait savoir, preuves à l’appui, dans un remarquable essai (1) qui décrypte les sources des surprenantes mutations de pays arabes (Tunisie, Libye, Syrie), de leurs acteurs, de leurs enjeux, de leurs commanditaires et de leurs ressources occultes. Accusait-il l’arrogante Amérique et ses agences de « démocratisation » du Moyen Orient, reprenant les semblables protocoles qui ont forgé en Europe de l’Est les fameuses révolutions colorées ? Derrière des élans populaires, les lecteurs de Bensaada apprenaient à reconnaître les inspirateurs de « soulèvements révolutionnaires » dans le monde arabe et découvraient leurs lignes de crédit patiemment retranscrites. La National Endowment for Democracy (NED), aux nombreuses succursales, reprenant des attributions de la CIA, est une hydre à sept têtes, posant sa semelle de plomb sur des États du Maghreb et du Moyen Orient réfractaires aux attentes de l’Amérique. Cette entreprise de démythification par Bensaada de ferveurs « printanistes » arabes, autant imprévues qu’inédites, hâtait de mordantes répliques de bien-pensants, principalement en Algérie.

En 2011, le vent du boulet du « printemps arabe » était-il passé si près des oreilles des dirigeants algériens, plus préoccupés par l’activisme indécent et foutraque d’un « Saïd Samedi » que de ses initiateurs américains et de leurs fondés de pouvoir locaux ? Bensaada ne pouvait admettre une Algérie formatée par les hérauts américains de la « démocratisation » du monde arabe, qui échouaient, en 2011, dans leurs menées et dans leurs diversions factieuses. Non pas, parce que l’État y faisait face, mais parce que les Algériens ne s’y prêtaient pas. Cette pétition de principe, éminemment patriotique, gonflera le remous d’attaques personnelles, pro domo, et de sermons rageurs. Le publiciste Ahmed Bensaada était déjà l’ennemi à abattre ? Avant les incantations d’Omar Zelig et de son impromptu automnal.

Hirak, néo-hirak et « ténors autoproclamés »

 Le 22 février 2019, des marches populaires, sur l’origine et les motivations desquelles l’Histoire devra se prononcer, balaient les prétentions du régime honni des frères Bouteflika, dans les starters-blocks pour un cinquième mandat. Ce n’était plus un secret pour les Algériens que le président Abdelaziz Bouteflika, ingambe, ne disposait plus des capacités  – physiques – pour diriger le pays laissé à la discrétion de son cadet Saïd, vaguement conseiller à la présidence de la République. Depuis les désagréments de santé, au printemps 2013, Saïd Bouteflika incarnait à lui seul le pouvoir secondé par un clan d’oligarques, qui a, sous sa bienveillante direction, asséché la trésorerie de l’État. Le peuple algérien, unanime, ne voulait plus prolonger le règne césarien de la fratrie Bouteflika. Des grandes cités jusqu’aux hameaux d’Algérie soufflait une sourde révolte sans précédent dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Des centaines de milliers d’Algériens marchaient chaque vendredi contre le 5e mandat présidentiel convoité par les frères Bouteflika et contre leur clientèle de mascarade, la « ’içaba ».

Par leur nombre, les marcheurs étaient légitimes dans leur demande de changement. L’Armée nationale populaire, dernier recours dans cette confrontation entre le peuple et le régime des frères Bouteflika, est intervenue, comme elle l’a fait, en 1991, devant la menace islamiste pour éviter l’effondrement de l’État et la désagrégation du pays. Le général Ahmed Gaïd Salah est apparu, à l’épreuve des faits, comme l’homme de la situation, obtenant le départ des Bouteflika et la mise en cause publique de la « ’içaba » prédatrice. Dans le calendrier républicain du commandement de l’Armée nationale populaire, le retour à l’élection et au verdict des urnes restait prioritaire. Beaucoup d’Algériens, si ce n’est la majorité d’entre eux, se sont rendus à la sagesse de cette proposition, pour prendre du recul d’avec les marches. Mais entre temps, le hirak, en partie phagocyté par des activistes d’Alger, agents de la NED, repoussant le slogan du « khawa-khawa » et la fraternisation du peuple et de son armée, tentait de se structurer dans une direction séditieuse en répandant le mot d’ordre de rejet de l’élection présidentielle au profit d’un collège présidentiel et d’une assemblée constituante. C’est précisément sur cette phase décisive du hirak qu’Ahmed Bensaada apporte son analyse aiguisée des faits et sa probité intellectuelle dans leur compréhension exacte. La synthèse, toute stimulante, de son travail d’enquête est publiée, au printemps 2020, par l’éditeur algérois APIC sous le titre « Qui sont ces ténors autoproclamés du hirak ? ».

Dans cet opus, Bensaada démonte, pièce par pièce, l’OPA sur le hirak d’acteurs politiques et civils, tous formés et financés par la NED. Et reconstitue les phases d’un schéma d’agit-prop soigneusement pensé. À la manoeuvre, Lahouari Addi, sociologue français d’origine algérienne, conférencier de la NED, met en branle une instance présidentielle et en désigne les membres, les avocats Mustapha Bouchachi et Zoubida Assoul et le militant politique (sans parti agréé) Karim Tabbou, clients à divers titres de la NED, auxquels est assigné l’objectif de lancer une Assemblée constituante composée de membres cooptés. Cette démarche est nettement étayée par Ahmed Bensaada qui donne le détail des accointances et des financements par la NED des membres du triumvir présidentiel pressentis par Addi.

Cependant, au gré des marches, les rapports de force à l’intérieur d’un néo-hirak, qui n’a plus aucune légitimité populaire après l’élection du 12 décembre 2019 qui a consacré M. Tebboune, évoluent vers une nouvelle direction islamiste et un nouvel objectif qui est la destruction de l’État algérien. Les anciens membres du FIS dissous, réinvestis dans Rachad, Mourad Dhina et Larbi Zitout, appellent de Genève et Londres à un renversement du président de la République, élu légalement. Un dernier acteur dans l’opposition la plus extrême non seulement au pouvoir mais aussi à la nation algérienne est Ferhat Mehenni, chansonnier de Tizi Ouzou, président-fondateur, à Paris, du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). Si Rachad est à l’œuvre dans l’ensemble du pays, le MAK a la parfaite maîtrise de la Kabylie. Les activistes pro-américains, rejoints par la gauche communiste agréée (MDS, PST) et le Rassemblement algérien de la jeunesse (RAJ, interdit par décision de justice), apparaissent comme minoritaires dans cet échafaudage politico-insurrectionnel. Mais, leurs troupes  restent fidèles au pacte léonin qui les lie aux islamistes et aux séparatistes kabyles pour le renversement de l’État algérien et de son pouvoir légal. On verra ainsi, au printemps 2021, le journaliste Ihsène El Kadi (« Maghreb émergent », Radio M.) apporter sa caution à Rachad et au MAK alors qu’un maître de chaire réputé de sociologie de l’Université d’Alger louera dans un entretien avec « Le Quotidien indépendant », autre soutien du néo-hirak, les vertus démocratiques des chefs de Rachad.

Censuré dans la presse privée, affiliée au néo-hirak, le publiciste Ahmed Bensaada combattra-t-il avec vigueur dans la presse patriotique en ligne les parrains du néo-hirak ? Singulièrement, ses nouveaux ténors islamistes. Ils s’attacheront, ainsi que leurs hommes de main (et de plume), de Londres à Genève, Paris et Montréal, y compris Lahouari Addi à Lyon-France, à minorer l’auteur et son œuvre. Ahmed Bensaada, didacticien des sciences physiques reconnu et salué au Québec, est traité de « petit professeur » et son essai sur le néo-hirak de « koutiyyeb » (livret, « petit livre », dans un sens péjoratif ; fascicule). Au-delà d’attaques venimeuses au-dessous de la ceinture, Dhina, Zitout et leurs acolytes se gardent de lui opposer des contre-arguments. Parce qu’ils n’en ont pas. Discréditer l’homme ? Ce n’est pas très honorable, pour autant qu’un tueur islamiste respecte les règles de l’honneur, mais il n’en est rien resté.

Les Chaulet-Mouffok en marge du hirak

Je ne connais ni Luc Chaulet (alias Omar Zelig) ni Ghania Mouffok, ancienne journaliste d’« Algérie actualité », à Alger, un hebdomadaire gouvernemental à la ligne éditoriale flottante où elle pu raviver une aura de « rebelle » au système. Mais est-ce suffisant pour construire une histoire dans la presse ? Luc Chaulet, né à Alger en 1956, peut affirmer crânement dans un récent entretien avec le quotidien « El Moudjahid » (Alger) être un « Algérien à part entière » (2) alors que le site français d’informations littéraires Babelio le présente comme un « journaliste et producteur français ». Ce qu’il n’a ni corrigé ni démenti, craignant de sortir de cette  ambigüité à ses dépens.

Dans les années 1990, les Chaulet-Mouffok ont pris leur part de la tragédie nationale. Un exil parisien : quatre années ferme, entre 1994 et 1998, « sans papiers », mais pas pour autant des SDF. C’est à cette période contristée que Luc Chaulet forge son pseudonyme : double hommage à Woody Allen et à son personnage-caméléon Zelig et à une algérianité transcendante incarnée par le prénom Omar. Cet hybride juif new yorkais mâtiné d’Algérien ne manque pas de piquant (on pense à tous les « petits Omar », de Tlemcen à la Casbah d’Alger, de la fiction au réel). Et, de piquant, Luc Chaulet s’en est gargarisé dans une signalée carrière, toute inventive, à la Chaîne 3 de la radio algérienne. De retour à Alger, vers la fin des années 1990, il y reprendra sa place, même si comme il le confie à ses amis de la presse privée, « il n’y était plus attendu ». Comme à son habitude, le talent en bandoulière, il crée de nouveaux formats et concepts (ainsi, « Réactions en chaine ») dans une radio où il perdait ses repères, chamboulé par des vexations presque ordinaires et d’infamantes retenues sur salaire décidées par des chefaillons. Son métier de bourlingueur des ondes, dans une Algérie déboussolée, perdait son surcroit de poésie.

Lorsque, un 22-Février, se levèrent drues les graminées du hirak dans le vaste pays, Luc-Omar était prêt. Ce combat pour une Algérie « autre » ne pouvait échapper à sa candeur et à sa générosité et à ses mots parfois rageurs. Dans un dossier qu’il signe sur la révolution du bitume, qui ne fut pas heureuse, il reste un constat douloureux : « Bien sûr, dans les rangs des ‘‘hirakistes’’, on nie encore l’évidence, on veut encore se persuader que l’esprit du 20-02 existe encore, qu’il n’y a pas de défection dans les rangs, que le changement peut encore advenir pour peu que le peuple reste uni, mais il a du plomb dans l’aile le hirak, les mots et les slogans deviennent plus durs, on se traite facilement de khawana, de traître,  de harki, de collabo, de ouled franssa, enfant de la France, on refuse tout compromis, tout dialogue, on s’épuise à clamer que personne n’est habilité à parler au nom du hirak, et à réclamer la libération des détenus d’opinion, les suprématistes de la religion, de l’identité voire de l’armée en font des tonnes, et la pandémie du coronavirus, comme un allié mondial de tous les pouvoirs, vient l’achever, autour de la mi-mars, lorsqu’est instauré le confinement » (3). Acte de décès du hirak, lucide et sans fioritures. Dans les marches, on se bouffait le nez allègrement lorsque «  les suprématistes de la religion » le mettaient dehors sous la bourrasque. Mais Luc-Omar savait d’instinct – ou par imprégnation culturelle ou historique, c’est un grand lecteur – que les révolutions mangent leurs lendemains qui chantent. C’était si vrai, à Moscou, en 1917, à Pékin, en 1947, à Alger en 2019. Les authentiques révolutions sont faites pour être dépeuplées et pleurées.

À Alger, Omar Zelig recherche des amitiés exigeantes. Celle d’Ihsène El Kadi, entre autres – il faudra y revenir. Il lui prête sa voix et son ingéniosité dans une émission de Radio M intitulée  évasivement « Mim ». Sans doute connaissait-il le mystérieux adage des Orientaux : « Garde le ‘‘mim’’, il te gardera ». Simplement malicieux. Cette amitié deviendra-t-elle nocive au gré des alliances intempestives d’El Kadi, enrégimenté dans un néo-hirak sulfureux ? Voire…

Brève évocation à propos de Ghania Mouffok, la compagne de Luc-Omar. Une image compassée de la journaliste passionnée des années 1980 ? Vieillotte et archaïque. Comme dans un palimpseste, elle se superpose à celle très actuelle de la militante des droits de l’homme, de l’experte de l’Unesco pour l’émancipation des femmes, de la journaliste indépendante et de l’écrivaine. Comme je ne suis pas accro aux télévisions françaises (TV5, France 24) auxquelles elle collabore, je ne peux me prononcer sur ses productions. J’ai, par contre, trouvé sur le site de la Ligue algérienne de défense des Droits de l’Homme (LADDH) sa défense et illustration du journaliste Khaled Drareni. Elle l’achève par cette déclaration bravache : « Je soussigné Ghania Mouffok, traître depuis cent ans, pour servir ce que de droit » (4). Mais, cette auto-assignation est franchement trop convenue. Et, sa traitrise, un fantasme.

Dans ce texte Ghania Mouffok expose sa conception du journalisme, très caricaturale. Lisons-là : « Les journalistes, et c’est ce qui fait ce métier, déjeunent, dinent, fréquentent toutes sortes de faunes, le matin avec un voleur de portable, le soir avec un ambassadeur et à midi avec un milliardaire, c’est ainsi qu’ils informent, se forment et informent quand ils prennent aux sérieux leur métier et c’est ce qui en fait par ailleurs le sel » (5). Dans les faits, le journaliste confronté au voleur de portable émarge dans un sous-compartiment de la rubrique « Société », les faits divers ou « chiens écrasés », pour remonter au temps de Rouletabille ; le milliardaire à midi ne saurait traiter qu’avec le directeur-général d’un titre ou le président de son conseil d’administration ; et, le soir, Son Excellence l’ambassadeur soupe avec des éditorialistes bien introduits dans les arcanes du système politique, le sommet de l’échelle dans une rédaction. En l’espèce, Mme Zelig pose un bémol : « Bien sûr, les ambassades n’invitent pas tous les journalistes mais ceux qu’ils espèrent, qu’ils estiment suffisamment influents, crédibles, pour éventuellement faire entendre leur voix » (6). Elle indique avoir été dans les agapes des ambassades, sans préciser si elle a rencontré tôt le matin un « voleur de portable ». Ce n’est plus Rouletabille, c’est Tintin au Congo. En quoi, cette mise en scène de comédie amende-t-elle son fils putatif (dans le journalisme) Khaled Drareni et ses virées chez M. l’ambassadeur. Du Burkina-Faso ? Non, de France, naturellement ? Comique, si n’est fâcheux.

J’ai retiré dans ce texte de la « copine du barbouze » cette exquise formule : « à mon âge fêlé ». Quelle poéticité, qui défie tous les savoirs rhétoriques ! Terminons par une note dysphorique : l’essayiste est éditée par Les Éditions la Découverte, du temps de François Gèze, et l’abominable RSF. Ses pensums, que je n’ai pas lus, sont collationnés dans « Mondafrique » de Nicolas Beau. Que de précieux amis de l’Algérie.

Les Zelig-Mouffok sont unis dans la créativité et militent vent debout contre le « système ». S’ils sont opportunément restés Algériens, comme le soutient véhémentement Luc Chaulet, ils ont possiblement, l’un et l’autre, comme beaucoup de leurs compatriotes, des raisons de détester et de contester le pouvoir d’Alger. Ils en ont le droit et l’entière liberté, lorsqu’ils en assument la responsabilité éthique, sans atermoiements. Est-ce que leurs raisons de titiller le pouvoir actuel sont celles d’Ihsène El Kadi et derrière lui de Mourad Dhina, porte-parole en France du FIS dans les années 1990, diffusant à Paris auprès des agences de presse, des journaux et des radios et télévisions d’Occident les bilans quotidiens des tueries des groupes islamistes armés, de Larbi Zitout, son alter ego, prêt à appliquer la « solution finale » dans l’Algérie d’aujourd’hui si les digues du pouvoir cédaient à Alger, de Ferhat Mehenni et de son MAK qui n’attendent que de prendre les armes pour tuer des Algériens de Kabylie et de toutes régions, et des activistes stipendiés par la NED, bourgeois bien installés d’Alger et petit-bourgeois, communistes orthodoxes et trotskystes, zélateurs du « Grand Soir » ?

Une impensable duplicité

Dans les fumeries (convient-il de s’attarder, ici, sur l’urgente demande de Luc Chaulet de libérer en Algérie le commerce du cannabis et d’ouvrir les frontières avec le Maroc ?) et dans les fumisteries de débats sibyllins, l’angle de vision de l’Algérie  et de l’islamisme algérien est certainement trouble et déformé. Luc Chaulet et Ghania Mouffok condamnent – vraisemblablement – les attentats islamistes à Paris, de janvier et de novembre 2015, et à Nice, au mois de juillet 2016, à Alger, ils sont, à la suite de leurs amis bobos, des défenseurs d’islamistes en costume-cravate grimés en « démocrates ». Amis d’Ihsène El Kadi, les Chaulet-Mouffok n’ont pas vidé leur sac de contradictions. Observons : c’est en « Algérien à part entière », bruyamment proclamé dans les colonnes d’« El Moudjahid », que Luc Chaulet  espère après l’éviction de M. Ammar Belhimer un mauvais sort carbonisant ses « dommages collatéraux », entre autres Ahmed Bensaada. Comment ne pas s’étonner de la complexité de cette filiation politique chassant l’oxymoron, d’El Kadi à Tebboune ?

Peut-on être à la fois le défenseur d’El Kadi et le solliciteur du président Tebboune ? Duplicité nuisible. Car, il est avéré que l’État algérien et ses institutions, spécialement la présidence de la République, sont dans la ligne de mire d’El Kadi et du néo-hirak. Omar Zelig-Luc Chaulet peut donc banqueter à Radio M et, dans le même temps, lorgner une rude sentence présidentielle contre Ahmed Bensaada et les contradicteurs de la politique antinationale d’El Kadi et de ses comparses islamo-séparatistes. Cette situation n’est pas exceptionnelle : beaucoup de bobos d’Alger ont un pied dans le pouvoir qu’ils se font un devoir d’étriper publiquement et un pied dans l’opposition, quelle qu’en soit la nature ; ils n’en ont cure. Et, c’est un trait inaltérable de la sociologie politique des classes supérieures de la société d’Alger, certains bobos, quel que soit leur positionnement politique, sont intouchables. Et, parmi eux, les Chaulet-Zelig-Mouffok ?

De Paris à Alger, le couple Omar Zelig-Ghania Mouffok se prévaut d’une infaillible défense des droits de l’Homme et de la liberté d’expression. Ces droits, sont-ils définitivement compromis en Algérie, dans l’Algérie de M. Tebboune ? Où aucun marcheur n’a été estropié comme un Gilet jaune, en France, ou tué comme c’est le cas en Colombie ou d’autres pays d’Amérique latine ou d’Asie. Cela mérite une explication. À Alger, il y a un président élu légalement, qui fait sa politique, bonne ou mauvaise, selon un programme largement répandu, et à l’heure du bilan, il  revient aux seuls électeurs de la reconduire ou de la sanctionner. Or, une cohorte d’Algériens et de binationaux franco-algériens, rassemblée dans un néo-hirak, noyauté par des organisations terroristes, refusant le passage par les urnes, entend prendre le pouvoir par la violence de la rue. C’est, résolument, Abdelouahab Fersaoui, ancien président du RAJ-dissous, activiste farouche, membre de la conspiration contre l’État, qui a déclaré que la démocratie n’a pas besoin d’urnes en Algérie (7). Pourquoi le pouvoir légal algérien n’aurait-il pas la ressource, comme dans toutes démocraties d’Occident, de se protéger contre les acteurs d’un coup de force prémédité ? Le président Tebboune aurait mille fois raison de dire qu’il n’y a pas un seul militant politique en prison ou dans l’attente d’être jugé par un tribunal en Algérie. Les seuls activistes du néo-hirak sont poursuivis devant la justice et parmi eux, a-t-il signalé, au magazine allemand « Der Spiegel » (8), « deux ou trois journalistes » auteurs de fausses nouvelles dans une population qui en compte plusieurs milliers. Et, hypothétiquement, des filous de partis qui nagent plus dans les eaux boueuses du droit commun que dans la politique. Évidemment, cela ne fait pas foule.

Les ligues des Droits de l’Homme devraient recenser, hors des agitateurs du néo-hirak, les citoyens poursuivis en raison de leur opinion politique. Il n’y en a pas. Il n’est interdit à aucun Algérien d’exprimer son opinion et beaucoup de journaux, leurs éditorialistes et leurs contributeurs le font régulièrement, stigmatisant le gouvernement du président Tebboune et pas seulement pour ce qui ressort de la gestion de la communication par M. Belhimer. J’ai lu sous la plume de l’excellent Djamel Labidi (9), au demeurant un grand patriote et témoin de l’histoire contemporaine de l’Algérie, une analyse sur la crise de la pomme de terre en Algérie qui devrait figurer par sa clarté et sa pédagogie dans un traité d’économie agricole algérienne, à contre-courant des thèses du ministre de l’Agriculture révoqué. Et, sur un autre registre, railleur, le billettiste Chawki Amari peut proférer dans « Le Quotidien indépendant » de graves et amères vérités sur le fonctionnement de l’État et de ses dirigeants. Si Ihsène El Kadi n’était que journaliste, rien ne devrait l’empêcher ainsi que ses titres de presse et leurs journalistes d’enquêter sur les failles nombreuses des ministres du gouvernement et d’éclairer les Algériens. Et, pas sur la seule patate. Qui ne défendrait pas sa liberté d’expression, comme celles de tous les journalistes algériens ? Or, le néo-hirakiste El Kadi, dans ses reliques de lieutenant des états-majors islamistes et séparatistes, est davantage dans une perspective de putschiste que de journaliste, fut-il un adepte du journalisme d’opinion. Il est distinctement sous une couverture de journaliste dans une association terroriste dont l’objectif est de briser par la violence l’État algérien, en disloquer le territoire et les institutions. De cette cruelle vérité, pourra-t-il se défendre ? Est-il, seulement, défendable ? Et, aussi, ses amis, les Chaulet-Mouffok, « copains du barbouze », embarqués dans ses choix et dans ses turpitudes.

 Les espérances d’Ahmed Bensaada

Dans ses contributions données à la presse, dans ses conférences publiques, Ahmed Bensaada, qui est un esprit indépendant, met à nu le néo-hirak et son maléfique projet destructeur d’un autre temps. En paye-t-il le prix scélérat ? Cette antienne, servie dans les estaminets malfamés d’Oran, d’Alger et de Paris, qui traite d’officier des « services » tout Algérien qui défend son pays au-delà de ce que sont les pouvoirs, est tout autant injuste que malveillante.  Le couple Chaulet-Mouffok et ses amis de Paris et d’Alger (opposants de tout poil, souvent hirsutes, instruits par la lecture de Nicolas Beau, fondateur du site « Mondafrique », qui se connaît, semble-t-il, en généraux algériens), se rangeant derrière El Kadi et ses certitudes, en font un client du pouvoir lorsqu’il n’a aimé que l’Algérie. Omar Zelig attend de M. Tebboune de le bouter dans la même charrette mortuaire qu’Ammar Belhimer, dorénavant injurié. Mais les Chaulet-Mouffok, journalistes, savent-ils en quoi l’ancien ministre a démérité pour le couvrir d’opprobre ? Les hauts cadres de l’État ne sont-ils pas par nécessité – politique ou autre – appelés à des fins de fonctions ? Il aurait été souhaitable que les Chaulet-Zelig-Mouffok s’expriment sur les mutations les plus sensibles de la politique du pays. Omar Zelig, rajustant sur son visage le masque chaloupé d’« Algérien à part entière » de Luc, pérore sur l’Algérie et se félicite de la fin de mission d’un ministre algérien. Triomphe dérisoire.

Luc-Omar Chaulet-Zelig et sa compagne Ghania Mouffok (10) appartiennent à cette frange d’intellectuels en peau de mouton, qui s’arrogent le droit de rêver pour les autres, autrefois cloués au pilori par Ahmed Bensaada, morigénant leur comparse Kamel Daoud : « […] il se place de facto dans le quart qui sait ce que les autres quarts doivent faire, penser ou rêver. Le quart instruit, propre, civique, tolérant et qui abhorre la bigoterie » (11). Mais les temps changent. Foin de bigoterie !  À Alger, l’islamisme de Dhina et Zitout devient fréquentable pour être adoubé par des partis pseudo-démocrates ayant pignon sur rue et leurs claques. Ihsène El Kadi et ses amis du « premier quart » des sachant s’abreuvent d’une soupe malodorante et écœurante de conspirateurs contre l’État légal, s’inscrivant dans les rangs islamistes et de leurs alliés séparatistes, qui ne rêvent que de dépecer le pays et de le précipiter dans une furie sanglante ? Un rêve fou. Les Chaulet-Mouffok ne peuvent l’ignorer. Ce sont les nouveaux amis d’Ihsène El Kadi, les chefs de Rachad, continuateur du FIS-dissous, justifiant la mort de centaines de milliers d’Algériens, qui les ont condamnés, dans les années 1990, à l’exil.

Le trublion Omar Zelig doit s’éveiller au réel algérien, qu’il méconnaît totalement, qui est enseigné quotidiennement dans les lignes d’« El Moudjahid », qu’il ne lit pas. Insistons. Pourquoi veut-il que M. Tebboune exécute Ahmed Bensaada, comme il l’aurait fait pour M. Belhimer, nonobstant qu’il n’émarge ni dans les états de salaires du gouvernement ni dans ceux de ses administrations. Je comprends que les engagements de Bensaada, qui est une haute conscience de notre temps réprouvé, irritent comme du papier à gratter Dhina, Zitout, El Kadi – et, avec une inaccoutumée rage,  les bénéficiaires d’enveloppes de la NED,  à leur tête Mme Zoubida Assoul, qui lui a promis la géhenne des tribunaux de la République (12). Le néo-hirak, qui est un rassemblement terroriste, et ses spadassins décochent de mortelles imprécations contre l’empêcheur de rêver à leur monde démentiel. Omar Zelig y ajoute sa petite musique nocturne. Et ses terribles songes d’une nuit d’automne, précipitant dans le convoi funèbre du professeur Belhimer – sûrement déchu ? – outre Bensaada, « La Patrie News », fleuron de la nouvelle presse numérique, les radio et télévision d’État, qui n’ont pas touché à un iota de leur charte éditoriale depuis l’indépendance. Pittoresque, mais discernable regroupement. Et les horions infligés par Zelig-Chaulet à la radio nationale sont compréhensibles. N’a-t-il pas déclaré : « J’aime la radio quand elle ne prend pas les gens pour des cons » (13). Luc-Omar, qui lui a beaucoup donné, et la radio se sont tellement aimés, puis séparés pour une vilaine histoire de « cons ». Un drame.

Cet inquiétant Ahmed Bensaada, qui tarabuste Omar Zelig-Luc Chaulet ! Il l’a déjà éreinté dans un post, en 2020, en admonestant Lahouari Addi sur une intangible question de morphologie du verbe, lui intimant, relativement aux griefs qu’il nourrissait envers Bensaada et son intention de le citer en justice après la publication de son enquête sur les « ténors autoproclamés du hirak », d’utiliser le futur de l’indicatif plutôt que le présent du conditionnel : « Je déposerai », mieux que « je déposerais ». Addi se réservait une part de doute et de patience, pas Zelig, méchamment acrimonieux. Fondamentale dispute linguistique : qu’en aurait-il été si le malencontreux Addi avait dégainé son subjonctif ? Cela se serait soldé fatalement par mort d’homme.

Post d’Omar Zelig adressé à Lahouari Addi

Ahmed Bensaada et Omar Zelig ne se connaissent pas. Ils se sont rencontrés une seule fois, à distance, dans un combat homérique. C’était en 2010. Au sens politique le plus conventionnel, le publiciste Bensaada pointait sur de nombreuses questions culturelles l’impréparation du gouvernement et ses lâchetés honteuses. Ainsi, la censure officielle du livre égyptien dans un Salon international du Livre d’Alger après une rapide et fulgurante guerre du football entre l’Algérie et l’Égypte. Je me souviens que nous en discutions, admettant que le livre porte une ineffable charge d’humanité, que la « trilogie du Caire » de Naguib Mahfouz vaut mieux qu’un précis de sociologie de l’Égypte contemporaine. Bensaada prenait seul l’initiative de faire circuler un appel aux quatre coins cardinaux du pays et d’ailleurs contre l’impéritie d’une ministre de la Culture de Bouteflika, contre une censure instituée. Le temps qui passe est étrange. Parmi de nombreux appuis à cet appel, d’écrivains, d’éditeurs, d’artistes, de journalistes, de citoyens, il y avait Omar Zelig. Et son compère Ihsène El Kadi.

Qu’est-ce qui a changé depuis cette avanie gouvernementale somptueusement vilipendée ? Les idées et les engagements d’un jour ne sont pas ceux du lendemain et les chemins, comme dans un récit ajouré de Borgès, bifurquent. Et, plus explicitement, les regards sur le monde. Mais ce fut, et cela ne se répétera plus, une belle victoire pour Bensaada, pour Zelig et El Kadi, qui l’ont rejoint, et leurs cosignataires, contre les errements d’une politique culturelle inepte.

Immuablement, le professeur Ahmed Bensaada cultive-t-il l’art de se faire des ennemis de tout bois, pas seulement dans les rangs désormais clairsemés du néo-hirak ? Ces derniers mois, analysant le dossier Graphika (14), il alertait l’Algérie sur la cyber-guerre qu’entreprennent contre elle des puissances étrangères. C’est plus qu’une éventualité, une menace minutieusement renseignée que le président de la République et le commandement de l’Armée algérienne n’excluent plus. Est-il vraiment le « dommage collatéral » contre lequel Omar Zelig rêve de voir le président Tebboune sévir ? Faudrait-il croire que dans l’Algérie idéale des Chaulet-Mouffok la prime du patriotisme reviendrait aux assassins d’Algériens Dhina et Zitout, aux mercenaires Bouchachi, Assoul, Tabbou, manœuvriers en sous-sol du néo-hirak, qui ont plus que les deux mains dans les canevas américains de « démocratisation » du monde arabe, au Français Lahouari Addi, au cabaretier kabyle Ferhat Mehenni, à Ihsène El Kadi et à tous les activistes islamistes et séparatistes qui veulent ébranler les assises de l’État algérien, plutôt qu’à Ahmed Bensaada – et, aussi, à « La Patrie News », la radio et la télévision d’État ?

Dans l’Algérie d’aujourd’hui, toutes les convictions ne se valent pas. Ceux, qui au nom de l’aventurisme forcené, veulent détruire le pays, promettent aux Algériens  des houris pour ouvrir les frondaisons du ciel et les allées des cimetières, ceux qui rêvent de créer dans une région historique du pays un État-croupion de la France et d’Israël, ceux qui agitent l’abécédaire frelaté de la démocratie américaine et des lendemains qui chantent en espadrilles, veulent prospérer sur une Algérie en ruines. Voici la famille décriée de Luc Chaulet-Omar Zelig et de Ghania Mouffok, qui rêve d’écrire une histoire heurtée de la nation algérienne, une histoire de terreur, de larmes et de sang. Elle n’aura jamais raison contre les espérances d’Ahmed Bensaada d’un pays partagé et aimé, qui est le pays apaisé de tous les Algériens sans exclusive.

 Notes:

  1. Ahmed Bensaada, « Arabesque américaine. Le rôle des États-Unis dans les révolte de la rue arabe », Montréal, Michel Brûlé, 2011 (1ère éd. Dernière éditions revue et augmentée, Alger, ANEP, 2016).
  2. « Luc Chaulet : ‘‘Je suis Algérien à part entière’’ ». Entretien avec Soraya Guemmouri, « El Moudjahid », 2 novembre 2021.
  3. Omar Zelig, « Une symphonie algérienne inachevée », « El ‘Arabi-El Safir », 15 janvier 2021. Texte publié avec le soutien du Rosa Luxembourg Institute.
  4. Cf. Un journaliste n’est pas toujours un flic », Site de la Ligue algérienne de défense des Droits de l’Homme (LADDH), 12 novembre 2020.
  5. Id.
  6. Id.
  7. Abdellali Merdaci, « Médias. Vraiment la mise à mort du ‘‘Quotidien indépendant », « Algérie 54 » (Oran), 10 août 2021.
  8. Cf. le texte intégral de l’entretien du président Tebboune avec « Der Spiegel », reproduit dans « Le Jeune Indépendant » (Alger), 6 novembre 2021.
  9. Djamel Labidi, « La pomme de terre de la discorde », étude publiée dans « Le Quotidien d’Oran » (http://www.lequotidien-oran/index.php?newsz =5306601).
  10. Faudrait-il souligner la proximité et la complicité des Chaulet-Mouffok et d’El Kadi ? Dans son article « « À propos des Zelig-Mouffok copains du barbouze » (« Algérie 54 », 14 novembre 2021), Ahmed Bensaada publie des extraits d’une enquête de Boualem Snaoui (« Yetnahaw gaâ »), diffusée précédemment sut le site, qui incrimine les douces gâteries entre amis des Chaulet-Mouffok et du patron-activiste de Radio M.
  11. Ahmed Bensaada, « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête ». Préface de Jacques-Marie-Bourget, Boumerdès, Les Éditions Frantz Fanon, 2016, p. 75.
  12. Abdellali Merdaci, « Le hirak, la main de l’étranger et ses vérités des ténèbres », « Algérie 54 », 11 juillet 2020.
  13. « Omar Zelig : ‘‘J’aime la radio quand elle ne prend pas les gens pour des cons ! ». Entretien avec Adlène Meddi, « Le Quotidien indépendant », 1 février 2014.
  14. Lire sur ce dossier l’étude d’Ahmed Bensaada sur son site www.ahmedbensaada.com.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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