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Holodomor (Ukraine 1932-1933): Falsification de l’histoire et instrumentalisation d’une tragédie

Par Mohamed Taleb

À l’heure actuelle[1], 16 États européens, les USA, 7 États d’Amérique du Sud, le Canada, l’Australie, le Vatican (État distinct) et la Géorgie en Asie (au total 28 pays qui représentent environ 1, 230 milliard de personnes sur terre) ont reconnu que l’Holodomor, extermination par la famine, en Ukraine, en 1932-1933, constitue un génocide.
L’Union[2] européenne  a rejoint ce groupe, le 15 décembre 2022, avec une résolution votée à une écrasante majorité (507 voix pour, 12 voix contre et 17 abstentions).
Avant novembre 2020, seuls 16 pays,  l’Australie, la Géorgie, l’Équateur, l’Estonie, le Canada, la Colombie, la Lettonie, la Lituanie, le Mexique, le Paraguay, le Pérou, la Pologne, les États-Unis, la Hongrie, le Portugal et le Vatican avaient reconnu l’Holodomor comme génocide.

Le crime de génocide a été défini de manière très précise lors de l’adoption, sous l’impulsion du Raphael Lemkin (juriste juif-polonais né en Biélorussie1900-1959), de la Convention[3] pour la prévention et la répression du crime de génocide et le vote du 9 décembre 1948 (en vigueur depuis le 12 janvier 1951) à New York de la Résolution 260 A (III) de l’Assemblée Générale des Nations Unies (jusqu’en en 2019 150 pays y ont adhéré).

Les articles II et III de la Résolution stipulent :

Art. II – Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  1. a) Meurtre de membres du groupe;
  2. b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
  3. c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
  4. d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
  5. e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Art. III – Seront punis les actes suivants :

  1. a) Le génocide; b) L’entente en vue de commettre le génocide; c) L’incitation directe et publique à commettre le génocide; d) La tentative de génocide; e) La complicité dans le génocide.

Lors de la 58ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en automne 2003 (Voir document du Service[4] scientifique du Parlement allemand du 28 mai 2008 – texte en allemand), une résolution a été votée pour commémorer le 70eme  anniversaire de l’Holodomor (extermination par la famine 1931-1932) , une résolution dans laquelle ce dernier est reconnu comme une « tragédie nationale du peuple ukrainien ». Il faut souligner qu’en 2008 le Service scientifique du parlement allemand était proche des positions russes sur ce sujet.
La Conférence Générale de l’UNESCO[5] (session N.34) qui s’est tenue en 2007  confirme la résolution onusienne de 2003 en déclarant dans un document : «  cette famine est officiellement reconnue comme une  tragédie  nationale  du  peuple  ukrainien  due  aux  agissements  et  politiques  impitoyables  du  régime totalitaire ».

Le Parlement[6] européen a adopté, le 23 octobre 2008, un texte de résolution dans laquelle il :

  • reconnaît l’Holodomor (famine artificielle de 1932-1933 en Ukraine) comme un crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité
  • condamne fermement ces actes commis contre la population rurale d’Ukraine, caractérisés par une extermination et des violations massives des droits de l’homme et des libertés;
  • exprime sa sympathie à l’égard du peuple ukrainien victime de cette tragédie, et rend hommage à ceux qui sont décédés en conséquence de la famine artificielle de 1932-1933;
  • invite les États issus de l’éclatement de l’Union soviétique à permettre un libre accès aux archives relatives à l’Holodomor en Ukraine en 1932-1933, qui pourront être ainsi examinées en profondeur afin que toutes les causes et conséquences de l’Holodomor soient révélées et étudiées en détail;

Ces trois instances internationales (ONU, UNESCO, Parlement européen), tout en dénonçant le crime perpétré contre le peuple ukrainien, ne développent en aucun cas un langage en direction d’une condamnation pour génocide et qualifient à ce jour,  à l’exception du Parlement européen, cet évènement douloureux de tragédie du peuple ukrainien.
En effet le  Parlement[7] européen fait volte-face et reconnait, dans la session plénière du 15 décembre 2022,  l’Holodomor comme génocide (90 ans après).

D’autres pays ont adopté unilatéralement cette position, tels L’Allemagne en novembre 2022 (en contradiction avec la position du service scientifique du Bundestag-Parlement allemand), la  Belgique en début mars 2023 et la France en fin mars 2023.

 

 

En bleu foncé : pays qualifiant l’Holodomor de génocide (1,230 milliard de personnes)

En bleu clair : pays qualifiant un acte d’extermination

En gris : pays ne reconnaissant pas l’acte de génocide

Carte au 17 mars 2023 Holodomor_World_Recognition_uk.png (1382×619) (wikimedia.org)

 

La diplomatie ukrainienne s’efforce depuis 2003 à faire reconnaître l’Holodomor au niveau des Nations Unies comme génocide du peuple ukrainien.

À la veille de l’effondrement du bloc soviétique et de la chute du mur de Berlin, l’historien britannique, communiste puis anticommuniste convaincu et réactionnaire, poète et politologue  Robert Conquest[8], publie en 1986 un ouvrage, « La moisson du chagrin[9] » (The Harvest of Sorrow) , dans lequel il traite de la Famine en Ukraine  des années 1932-1933. Assisté par l’historien James Mace (chercheur à l’Institut de recherche ukrainien de Harvard) et à la suite de recherches et d’enquêtes diverses il arrive à la conclusion que les évènements de 1932-1933 constituaient un génocide du peuple ukrainien perpétré par le régime stalinien. Le livre qui jetait le discrédit sur l’Union soviétique, eut un vaste succès, dans un climat de crise au sein des pays socialistes et d’euphorie anticommuniste dans le monde occidental, de « Fin de l’Histoire » (du livre de  Francis Fukuyama publié en 1989) et de démocratie libérale comme unique solution pour le futur de l’humanité.

1991, c’est la chute du mur de Berlin. Le bloc soviétique n’existe plus. L’Ukraine entame un processus d’émancipation de l’ancien bloc socialiste sous la houlette de forces nationalistes dont certaines se revendiquent de la faction  banderiste (en référence à Stepan Bandera, de l’extrême droite nationaliste et antisémite qui a combattu aux cotés des nazis contre l’armée soviétique). Ce processus prend des proportions significatives au début du deuxième millénaire.

En 2004 a lieu la Révolution orange, dirigée principalement par Viktor Iouchtchenko, appartenant à une coalition de centre droit qui le portera à la fonction suprême après un duel électoral  avec le rival Viktor Ianoukovitch. Il faut souligner que la Révolution orange a été amplement soutenue sinon conçue, financièrement et au plan logistique (Freedom House et le NDI du Parti démocrate ont aidé à financer et à organiser le « plus grand effort civil régional de surveillance des élections » en Ukraine, impliquant plus de 1 000 observateurs formés), par les États-Unis[10].

La question  mémorielle, en référence directe à l’Holodomor, assume une dimension de plus en plus importante. L’écho retentissant de la publication de Robert Conquest ,  « The Harvest of Sorrow », est bien audible à Kiev et en novembre 2006,  comme le précise Barbara Martin[11] :

«  Le Parlement adopta ainsi une loi déclarant que « le Holodomor de 1932‑1933 en Ukraine est un génocide du peuple ukrainien » (art. 1) et que « le déni public du Holodomor » représente « une insulte à la mémoire de millions de victimes du Holodomor, une humiliation de la dignité du peuple ukrainien, et est interdit par la loi ».

D’autres analystes, à l’instar de Robert Conquest, confortent la thèse du génocide : Le professeur d’histoire américain Timothy Snyder déclarait que la famine était délibérément créée par la volonté humaine, dans ce cas d’espèce par Staline en personne, pour détruire une population  hostile à l’instauration du communisme ou bien le professeur d’études est-européennes Norman Naimark pour qui le génocide était intentionnel ou encore  l’historien Andrea Graziosi[12] qui confirmait également la thèse du génocide.

Nicolas Werth[13], historien francais et spécialiste de l’Union soviétique, auteur du « Livre noir sur le communisme en 1997 »,  ayant une position fluctuante entre la thèse du génocide et celle de crime contre l’humanité, affirme que pour la majorité des spécialistes ukrainiens de la famine, le crime de génocide est constitué par les éléments suivants:

  • La confiscation de toutes les réserves de nourriture des paysans durant quelques mois décisifs (fin 1932 – début 1933) ;
  • Le blocus des campagnes affamées
  • La preuve de l’intentionnalité, produites par les documents autographes de Staline, notamment ses instructions du 1er janvier 1933 appelant à intensifier les confiscations et les répressions contre les paysans, et du 22 janvier 1933, instaurant le blocus des villages.

D’autres analystes adoptent une position plus modérée et tout en réfutant la thèse du génocide, reconnaissent dans l’Holodomor un crime contre la population ukrainienne. C’est le cas de des professeurs R.W. Davies et Stephen G. Wheatcroft[14] (professeur d’histoire à l’Université de Melbourne) qui soutiennent que la famine était certes causée par l’homme mais était due surtout au rythme rapide de l’industrialisation et aux mauvaises récoltes dans les années 1932-1933.

L’Holodomor, sous Viktor Iouchtchenko et les nationalistes ukrainiens, constitue le seul élément ukrainien dans le rapport historique avec l’Union soviétique.  S’ensuit une  polarisation au sein de la population ukrainienne dont une partie non négligeable est pro-russe et un début de tension avec la Russie qui considérait cet acte comme une tentative de refoulement sinon de liquidation du legs soviétique.

En 2010, aux élections présidentielles, Viktor Iouchtchenko s’incline devant la victoire du pro-russe Viktor Ianoukovitch. Concernant la question mémorielle, Ianoukovitch opte pour une ligne presque diamétralement opposée à celle de son prédécesseur tout en permettant le maintien de certaines acquisitions « mémorielles » (commémorations, monuments, musées etc.).
Le 27 avril 2010, Ianoukovitch[15] tenait un tel discours devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :    « L’Holodomor a eu lieu en Ukraine, en Russie, notamment dans les districts de Krasnodar, le long de la Volga, au Bélarus, au Kazakhstan. Ce furent là les conséquences du régime totalitaire de Staline. Toutes les régions sur les territoires desquelles a eu lieu cette grande famine l’ont reconnue. Mais reconnaître que l’Holodomor a été un génocide à l’encontre de tel ou tel peuple ne nous semblerait pas une attitude juste et appropriée. (Souligné  par l’auteur). Ce fut une tragédie qui a touché l’ensemble des peuples qui appartenaient alors à l’espace soviétique…».

Après les évènements de Place Maïdan et  le coup d’état de 2014, l’Holodomor redeviendra la colonne portante de l’identité ukrainienne et un levier de démarcation de l’héritage soviétique. Une politique victimaire, présentée, après le début de l’opération spéciale russe en Ukraine en février 2022, de manière inflationniste dans les médias mainstream, portera à la reconnaissance de l’Holodomor de génocide par plusieurs pays.

État des lieux avant la famine de 1932-33

L’URSS  naissante,  héritant de conditions d’avant 1917,  connait dans les premières années de son existence, une période de conflits opposant  les  Bolchéviques (communistes), sous la direction de Lénine, et les Blancs, une coalition de différents armées (Armées blanches tzaristes) qui luttaient contre le nouveau  pouvoir soviétique. Ce regroupement avait en son sein même les forces socialistes révolutionnaires, en rupture avec les Bolchéviques  (Fanny Kaplan[16], militante du parti socialiste révolutionnaire,  a tenté d’assassiner Lénine, le 30 aout 1918. Elle fut exécutée par la suite).

Les Armées blanches ont été soutenues par une coalition d’armées étrangères alliées[17] présentes sur place dont, entre autre,  celle des USA (13.000 soldats), de l’Empire britannique (Royaume-Uni, Irlande, Australie…avec plus de 40.000 soldats), de la France (12.000 soldats), de l’Italie (2.500 soldats) et celle du Japon (28.000 puis 70.000 soldats), au total plus de 100.000 soldats.

Ce conflit qui a duré prés de 5 ans s’est soldé, selon Ludo Martens[18], homme politique socialiste et auteur (voir son ouvrage exceptionnel,  « Un autre regard sur Staline»),  par un nombre très élevé de victimes, de 5 à 9 millions dont la majorité en raison de la famine mais aussi  par la victoire des Bolchéviques, moins armés et moins nombreux et grâce à leur capacité de mobilisation des forces populaires contre les forces conjointes, étrangère, tzariste et socialiste, autrement plus nombreuses et mieux armées. Le dernier pays de la coalition à se retirer fût le Japon en 1922.

La droite russe et la coalition étrangère tiendront les Bolchéviks pour responsables de cette hécatombe. La coalition étrangère n’a, jusqu’à nos jours, jamais été mise en cause pour cette tragédie par les instances internationales.

Défilé de troupes étrangères à Vladivostok 1918 Troupes anglaises à Arkhangelsk – 1918

 

L’Union soviétique en sort, selon toute logique, plus affaiblie, d’autant plus que le niveau de développement de la Russie d’avant 1917, un pays plutôt sous-développé et à 80% agricole,  accusait déjà un retard substantiel par rapport  aux autres puissances (Empire britannique, France, Allemagne, USA …).
Et c’est à ce niveau là que se situe la question centrale pour Lénine pour qui «  le communisme c’est le pouvoir des Soviets et l’électrification de tout le pays ». L’électrification, une entreprise colossale qui allait dure plus de 10 ans,  était la base de l’industrialisation dans un pays dont l’économie est essentiellement agricole.

Le projet, de grande envergure, doit se déployer également dans  le secteur agricole, jusque là entre les mains de puissants propriétaires fonciers – les Koulaks – et de la petite paysannerie. Enfin sur le plan culturel il est question d’éducation et d’instruction voire d’alphabétisation des masses populaires.

 

Les causes de la famine

La construction du socialisme demandait une industrialisation du pays qui devait  être réalisée rapidement en raison d’une conjoncture internationale défavorable, caractérisée par un anticommunisme de plus en plus agressif.  William Randolph Hearst, un anticommuniste avéré, à la tête d’un empire médiatique aux États-Unis en cette période, offre une large tribune pour la propagande nazie et l’antisoviétisme, ce que nous révèle le syndicaliste et journaliste Douglas Tottle dans son ouvrage «Fraud, Famine, and Fascism: the Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard » (Fraude, famine et fascisme: le mythe du génocide ukrainien d’Hitler à Harvard) paru en 1987.

Mark B. Tauger[19], professeur agrégé d’histoire à l’Université de Virginie-Occidentale, un grand spécialiste de l’agriculture soviétique, rejette catégoriquement l’accusation de génocide de la part des Soviétiques ou encore de Joseph Staline, envers la population ukrainienne.
Il faut noter d’emblée que la famine a touché non seulement l’Ukraine mais d’autres régions rurales et urbaines de l’URSS : selon l’historien Viktor Kondrashin (voir note 20 de bas de page), « Le fait établi est la propagation de la catastrophe de la famine en 1932-1933 en dehors de l’Ukraine, au Don, au Kouban, à la région de la Volga, au district central, au sud de l’Oural, à la Sibérie occidentale, au Kazakhstan.  De plus, la famine n’a pas commencé en Ukraine, et pas en 1932. Déjà en 1929 – 1931 le Kazakhstan était gravement affamé… ». Toujours selon Kondrashin, « une analyse comparative des résultats des recensements de 1926 et 1937 montre la diminution suivante de la population rurale dans les régions de l’URSS touchées par la famine de 1932-1933: au Kazakhstan moins 30,9%, dans la région de la Volga moins 23%, en Ukraine moins 20,5%, dans le Caucase du Nord moins 20,4% ».

20% de la population ukrainienne[20] touchée par la famine était russe.  Pour Tauger qui réfute également la thèse de famine artificielle ou créée par l’homme, la cause essentielle de la famine réside dans les conditions météorologiques exceptionnellement mauvaises en 1932 et 1933 et le pays avait déjà connu dans le passé plus de 150 famines[21], dues essentiellement à des catastrophes naturelles. La mixture explosive entre sécheresse dans certaines régions et d’inondations et de pluies intenses dans d’autres, a provoqué une diminution de près de 20% de la récolte. L’humidité, favorisée par ces pluies diluviennes et la chaleur, a accentué l’expansion de maladies des plantes, générées par l’augmentation d’insectes divers, et contribué à la destruction des cultures.

À ce titre l’industrialisation devait consentir à l’URSS de disposer de structures agricoles efficaces et modernes, moins vulnérables aux conditions climatiques (les années 1928-1929 ont été également des années de crise). Les autorités soviétiques mettent en application un plan quinquennal de développement à partir de 1928 avec pour objectifs l’industrialisation, mettre sur pied une agriculture moderne via l’industrialisation et la collectivisation des infrastructures agricoles, de la construction d’une armée moderne (face au danger d’une guerre mondiale proche) et enfin un programme culturel et de lutte contre l’analphabétisme.
La réalisation de tels objectifs nécessite  l’utilisation de toute la main-d’œuvre possible et disponible, dans les villes et les campagnes, ce qui démolit la thèse sur l’extermination par la famine d’une population ukrainienne ou autre délibérée et planifiée par Moscou.

La collectivisation est une forme de nationalisation qui avait pour objectif, entre autre, de rationaliser le processus de production dans le monde agricole et en augmenter la productivité. L’industrialisation était axée sur la production de machines agricoles (tracteurs etc.) indispensables, permettant l’augmentation des exportations de blé qui à leur tours financent d’ultérieurs stades de l’industrialisation.
Nous rappelons, bien que dans une conjoncture diverse, les propos rapportés en mai 2011, au sujet des nationalisations effectuées en France après la 2ème Guerre mondiale,  par le Directeur Général Groupe REUSSIR AGRA PBS, Thibaut de Jaegher [22] : « …Pour le général de Gaulle, ces nationalisations n’étaient pas toutes des sanctions. Même s’il ne manquait jamais de rappeler aux patrons qu’il les avait peu vus à Londres, ces nationalisations constituaient pour lui le seul moyen de redresser l’économie française.». Les nationalisations « sanctions » concernaient en premier lieu celle de la société Renault en raison de sa collaboration avec le régime nazi. D’autres ont suivi, comme celles de l’EDF et de l’EGF (Électricité et Gaz de France via le regroupement de plusieurs sociétés privées mineures).

Les États-Unis, berceau du capitalisme et tournant le dos au libéralisme, ont eu recours à la   nationalisation du groupe d’assurance AIG après la crise financière de Sub-primes de 2007/2008.

Nous rappelons également la politique du président Houari Boumediene, qui voyait dans  l’industrialisation, la révolution agraire avec ses coopératives, ses villages agricoles etc., le seul moyen d’accéder à une indépendance et une souveraineté économiques. Les nationalisations, dont la plus célèbre fut celle des hydrocarbures du 24 février 1971 (le fameux « Qarrarna …», « Nous avons décidé de…»), furent indispensables. Par ailleurs le nouvel ordre mondial pour lequel il a plaidé en 1974 dans son fameux discours à l’Assemblée Générale de l’ONU est en train de naitre  sous nos yeux.

La collectivisation démarre en 1929 dans un climat de tension et de lutte entre la direction bolchévique et les paysans riches (les Koulaks), rétifs à toute forme de collectivisation (certains ont pris les armes) . Le pouvoir des Koulaks était assez important dans la mesure où ils disposaient d’un minimum de machines agricoles (tracteurs et autres outillages) et de cheptel (chevaux, bovins etc.) ainsi que d’une force de travail à bon marché, en l’occurrence celle de paysans modestes et de paysans pauvres surexploités.  La première vague  de collectivisation devait se produire de manière graduelle (selon la vision de Lénine) et sous forme d’adhésion  spontanée à la création de Kolkhozes (coopératives agricoles). Les paysans étaient appelés à coopérer, à unir leur terres et bénéficier des moyens techniques étatiques pour en assurer la gestion.
Non seulement les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes, il y eut une hausse de fermes individuelles. La  conséquence directe a été le recours à la coercition. C’est la période de la collectivisation forcée. Une erreur grave des responsables mise à profit par les Koulaks extrémistes pour ouvrir les « hostilités ». Convaincus d’être dépouillés de leurs biens en adhérant aux kolkhozes, ils refusaient de remettre un inventaire de leurs possessions et de leurs bêtes (même si les statuts prévoyaient la récupération de tous les biens en cas de démission).  La collectivisation forcée va cependant engendrer un phénomène de masse. Koulaks et  paysans plus modestes vont, avant de devoir intégrer les kolkhozes, abattre leur cheptel (chevaux, bovins et ovins pour leur propre consommation, ne devaient pas être collectivisés) dont la diminution  se fera sentir surtout dans les années de disette 1932 et 1933 (voir tableau ci-dessous – extrait).

Années Bétail y compris Porcins Ovins et caprins
les vaches
1927 37,6 19,9 13,1 59,3
1929 30,4 17,9 6,9 49,7
1930 25,5 16,1 5,6 36,9
1931 23,4 14,6 5,5 28,1
1932 21,4 13,3 5,9 23,4
1933 21,8 13,2 7 23,7
1934 25,3 13,1 10,6 26,2
1935 29,8 13,6 15,9 31,5
Entre 1928 et 1933 le nombre de chevaux est passé de 30 à 15 millions
En millions de têtes   –   Link:   Le cheptel en 1915-2008 (gks.ru)

La collectivisation forcée s’est opérée également au gré des élus et responsables locaux, y compris ukrainiens, déplaçant arbitrairement et de manière coercitive les populations paysannes d’un kolkhoze à l’autre dans le but de former des communes agricoles entières. Des Koulaks avaient adhéré aux Kolkhozes et occupé des postes importants à des fins subversives et de sabotage, empêchant même la livraison de nourriture à la population.

Staline[23] en personne, dans un article paru dans la Pravda N.60 du 2 mars 1930, a dénoncé ces mesures et ces comportements arbitraires exécutés à grande échelle. Il déclare : « … Le succès de notre politique de collectivisation s’explique, entre autres, par le fait que cette politique est basée sur le volontariat dans le mouvement des kolkhozes et sur la prise en compte de la diversité des conditions dans les différentes régions de l’URSS. Vous ne pouvez pas créer des fermes collectives par la force. Ce serait stupide et réactionnaire…».

À la suite d’un réajustement disciplinaire, il n’y avait, au 1er  juillet  1930,  que 21% des paysans organisés dans les kolkhozes. Beaucoup d’entre eux ont quitté les kolkhozes et, conformément aux statuts, ont pu récupérer leurs biens. La diminution de près de moitié du cheptel existant auparavant,  va influer drastiquement sur la production agricole  à partir de juillet 1930. Les paysans « sortants » n’ont, pour la plupart,  plus été en mesure de remettre sur pied leur activité comme il se doit et se verront autrement plus vulnérables lors de la sécheresse des années 1932 et 1933.

La tragédie a lieu en 1932 et 1933 laissant derrière elle des millions de victimes dans tout le pays et non seulement en Ukraine.  Les estimations sérieuses  parlent de près de  deux millions de victimes en Ukraine alors que la propagande pour le génocide en gonfle les chiffre jusqu’à le porter à 12 millions.

Mark B. Tauger écrit en page 49 de son étude – Natural Disaster and Human Actions in the Soviet Famine of 1931-1933: « …le système de rationnement du régime soviétique pendant la famine a permis de nourrir plus de 50 millions de personnes, parmi lesquelles de nombreux paysans hostiles au régime… ».

Face à la tragédie qui allait se présenter, le gouvernement central est intervenu  avec un programme d’aide à l’ensemencement aux paysans dont une partie importante à été dirigée vers l’Ukraine. Un autre argument arboré par les partisans de l’extermination délibérée est celui de l’interdiction aux paysans de quitter leur village ou leur ferme, soit l’interdiction de chercher et trouver de meilleures conditions de subsistance et de survie dans d’autres lieux. Une telle opération de la part du gouvernement central aurait demandé une mobilisation exceptionnelle sur des territoires immenses de la police, de l’armée etc. Ce qui n’exclue pas les passe-droits, les prévarications et la violence de la part de responsables locaux.

 

Conclusion :

La famine des années 1932-1933 a été une tragédie pour l’ensemble de l’Union soviétique et tout ayant pour barycentre le territoire ukrainien, a intéressé d’autres régions de l’URSS. L’Ukraine, étant en cette période le principal pôle de production de céréales, a été la région la plus touchée par la famine, causée essentiellement par les conditions climatiques exceptionnellement mauvaises (Mark B. Tauger : sécheresse, inondations, maladies, épuisement des sols etc. ) aux conséquences dramatiques pour toute l’Union soviétique (manque de main d’œuvre et de forces mécaniques de traction, sabotages, chute des récoltes, diminution du cheptel et sa défection aussi en raison de la famine, gestion mauvaise et chaotique de l’urgence alimentaire).  Elle a été en outre, avant la famine, la région la plus sujette, de la part du gouvernement central, aux prélèvements des récoltes destinées à l’exportation et dont les capitaux  recueillis sont utilisées pour le financement de l’industrialisation. Une industrialisation indispensable pour le développement du pays, très en retard par rapport aux autres puissances, et pour sa préparation au plan militaire en vue d’un conflit proche.

L’industrialisation et la collectivisation de l’Union soviétique ont par la suite non seulement éliminé totalement le danger de futures famines mais ont permis de vaincre le nazisme et dans une phase ultérieure à permis à l’Union soviétique  d’apporter son soutien à la décolonisation d’anciennes colonies, britanniques et françaises.

Loin de vouloir présenter des évènements de manière édulcorée à la Edouard Herriot (Maire de Lyon de retour  d’un voyage en Ukraine effectué en 1933 qui déclarait :

« Je vous assure que j’ai vécu l’Ukraine comme un beau jardin fertile, avec de magnifiques récoltes. Je me suis laissé conduire vers les endroits qui avaient été décrits comme durement touchés. Mais je n’y ai vu que la prospérité »,

la considération de l’Holodomor comme génocide de la population ukrainienne est une falsification de l’histoire avec comme corollaire l’ instrumentalisation d’une tragédie humaine à des fins politiques à travers l’équation crime russe actuel égal génocide soviétique des années Trente.

L’Holodomor, comme construction exclusive d’un socle identitaire ukrainien de la part de l’élite actuelle en Ukraine et dans certains pays occidentaux, repose sur des sables mouvants.

Mohamed Taleb

[1] – Voir Link : Holodomor – Wikipedia

[2] – Voir Link: Le Parlement européen reconnaît l’Holodomor, la famine ukrainienne des années 1930, comme un    génocide (lemonde.fr)

[3] – Voir Link: Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide | OHCHR

Voir aussi : NR004431.pdf (un.org)

 

[4] – Voir Link: wd-1-065-08-pdf-data.pdf (bundestag.de)

[5] – Voir Link: Souvenir des victimes de la Grande Famine (Holodomor) d’Ukraine – UNESCO Digital Library

[6] – Voir Link: Textes adoptés – Commémoration de l’Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932-1933) – Jeudi 23 octobre 2008 (europa.eu)

[7] – Voir Link: Le Parlement reconnaît l’Holodomor comme génocide | Actualité | Parlement européen (europa.eu)

[8] – Voir Link : Robert Conquest – Wikipedia

[9] – Voir Link: La moisson du chagrin — Wikipédia (wikipedia.org)

[10] – Voir Link: La campagne américaine derrière la tourmente à Kiev | Nouvelles du monde | Le Gardien (theguardian.com)

[11] – Voir link: Le Holodomor dans les relations russo-ukrainiennes (2005-2010). Guerre des mémoires, guerre des identités | Cairn.info

[12] – Voir Link : Les famines soviétiques de 1931-1933 et le Holodomor ukrainien | Cairn.info

[13] – Voir Link: Retour sur la grande famine ukrainienne de 1932-1933 | Cairn.info

[14] – Voir Link: UCLA International Institute :: La famine soviétique de 1931-33 : désastre politique ou écologique ? (wikiwix.com)

[15] – Voir Link: Ianoukovitch,27 avril 2010, dans un discours devant l’Assemblee parlementaire du Conseil de l’Europe – Suchen (bing.com)

[16] – Voir Link: Fanny Kaplan — Wikipédia (wikipedia.org)

[17] – Voir Link: Intervention alliée pendant la guerre civile russe — Wikipédia (wikipedia.org)

Voir aussi: Intervention en Russie septentrionale — Wikipédia (wikipedia.org)

[18] – Ludo Martens : « Un autre regard sur Staline »  – 1994 (Edition allemande voir p.24). Traduit en Allemand en 1998 par Clara Boyer und Hans Jürgen Falkenhagen dans les Édtitions EPO

Voir Link : Stalin anders Betrachtet »Buch hier kostenlos als PDF« – Der Revolutionär (der-revolutionaer.de)

[19]  –  Prof. Mark B. Tauger, Natural Disaster and Human Actions in the Soviet Famine of 1931-1933

[20]  –  Voir Link : Le Holodomor dans les relations russo-ukrainiennes (2005-2010). Guerre des mémoires, guerre des identités | Cairn.info

Dans  la « Guerre des mémoires » Barbara Martin cite entre autre les études  de  l’historien russe de la collectivisation Viktor Danilov qui démolissent le discours sur l’intention d’extermination ou sur l’extermination  pour des raisons ethniques au vu des diversités ethnique présentes en Ukraine. Ses thèse sont confortées par les positions de Viktor Kondrašin, Golod 1932‑1933 godov: Tragedija Rossijskoj Derevni [La famine de 1932‑1933/

[21]  –  Le prix Nobel Amartia Sen, souligne à juste titre que la famine de 1932 – 1933 était « plutôt la norme, qu’une exception dans l’histoire moderne de la famine.  Cité par Viktor Kondrašin

[22] – Voir Link: Nationalisations de 1945 : Renault et tous les autres (usinenouvelle.com)

[23] – Voir Link (texte en allemand): Œuvres et textes de Staline – Volume 12 – Affligé de vertiges avant les succès (archive.org)

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