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Le Sahel: Irruption d’une autre faille de l’ordre mondial.

Par: Mohamed El-Abassi.
Ce grand espace sahélien désertique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, selon une acception d’essence coloniale adoptée par la géopolitique académique, qui se fonde sur la géographie, le climat, et l’histoire, semble livrer des signes de rupture en voulant faire table rase du passé colonial, s’approprier son présent et décider son destin. Les dénominateurs communs, socio-économiques, culturels, spirituels et religieux que partagent les peuples des pays faisant partie de cet espace se sont vus relégués au profit d’une focalisation sur la lutte contre le terrorisme au lieu du développement et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ceci a fourni un terreau de prolifération des réseaux terroristes et de la criminalité transnationale offrant ainsi un alibi imparable nourri réciproquement par une recrudescence du terrorisme et l’implantation militaire étrangère.
L’Afrique des peuples marginalisée sur la scène internationale tente ainsi de se faire entendre par la voix des militaires d’une nouvelle génération quand la démocratie des apparatchiks échoue à émanciper ces peuples bernés et nourris à dose homéopathique juste pour survivre malgré les immenses richesses dont regorge le sous-sol de ces pays en minerais précieux, l’uranium, notamment. Pendant que ce gisement sert à éclairer et illuminer d’autres pays qui se l’accaparent, le peuple nigérien est dans le blackout avec la complicité de pays sensés être frères.
S’il est vrai que la vulnérabilité chronique de ce pays a davantage facilité les appétits extérieurs, de toute sorte, les interventions qu’il a connu ne l’ont pas immunisé de l’insécurité récurrente, qu’elle soit du fait du terrorisme ou de l’instabilité politique, une preuve, de plus, de l’échec d’un certain paternalisme néocolonial, quand on sait que le Niger connait le 7ème coup de force de son histoire.
Là aussi, l’on se souvient des deux poids et deux mesures quand un certain pays se tait et parraine un transfert de pouvoir familial au Tchad ou encore en Côte d’Ivoire en triturant la constitution, l’on s’interroge pourquoi ce pays, la France, menace aujourd’hui d’intervenir militairement, dans le cas du Niger. Les évènements que vient de connaitre justement le Niger, successivement et, à intervalle rapproché, du même scénario de changements de pouvoirs, au Mali et au Burkina Faso auparavant, sont une même réplique contre une situation identique dans ces pays caractérisée par :  La marginalisation politique et diplomatique sans voix de ces pays condamnés à une posture de pays « faillis » condamnés à être des récipiendaires d’aides budgétaires ou humanitaires aléatoires, voire, conditionnées.
La pauvreté chronique qui sévit au sein de la majorité de sa population menacée par la famine et la malnutrition ;  Le désespoir d’une jeunesse dont la seule alternative réside dans l’enrôlement dans les réseaux terroristes et de criminalité transnationale ou l’émigration clandestine.
Une éventuelle intervention militaire au Niger, sous prétexte d’un retour à l’ordre constitutionnel, serait synonyme d’une invasion militaire coloniale, motivée pour d’autres objectifs inavoués que sont les intérêts stratégiques et économiques de ceux qui instrumentalisent la CDEAO pour la pousser à franchir le pas de la guerre. Or, dans la majorité de ces pays, une déclaration de guerre au Niger devait faire l’objet d’une procédure constitutionnelle qui nécessite l’aval des représentants du peuple.
Un bien hasardeux exercice à haut risque, d’une confrontation militaire à même de produire, plutôt, un retour de flammes dans leurs propres foyers. Parmi ceux-là, certains régimes, va-t-en-guerre, ne sont motivés que parce qu’ils craignent de subir, par une sorte de contagion, le même sort jusqu’à aller à faire une guerre par procuration pour sauver les intérêts d’autres.
A travers cette succession de rebellions au Sahel contre l’ordre constitutionnel interne, se dessinent les prémices d’un nouvel ordre africain d’un déterminisme inévitable : Une dynamique historique inexorable qui veut rendre la souveraineté et la dignité aux peuples tout en mettant en échec des régimes démocratiques, lesquels, sitôt élus, deviennent la proie d’interférences étrangères autant prédateurs que corrupteurs qui parviennent à leur faire vite oublier pourquoi ils ont été élus.

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